Ce terme devrait désigner tout naturellement le style ou l'enseignement des différentes académies historiques : Académie de Saint-Luc à Rome, Académie des Incamminati à Bologne ou, en France, l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il serait alors l'expression de l'esprit classique commun qui animait ces associations d'artistes malgré leur diversité de théories et d'orientation.
Cependant, il s'avère que ce mot a pris une résonance nettement péjorative, née du XIXe s. ; il est devenu synonyme de tradition sclérosée et de carcan pédagogique. Or, il nous est impossible de soupçonner de sclérose les académies de la Renaissance, des XVIIe et XVIIIe s. Elles ont certes formulé des lois, mais elles ont laissé place, quand elles ne les favorisaient pas, à toutes les initiatives contemporaines. En France, la fameuse " querelle du coloris " témoigne de la réelle vitalité de l'Académie royale au temps de Louis XIV. Au XVIIIe s., un Chardin, un Boucher, un Vien sont reçus par leurs pairs.
En 1793, la Convention abolira l'Académie royale à la suite du réquisitoire de David l'accusant de conservatisme borné, mais celui-ci voulait davantage abattre le bastion des privilèges d'une société abolie que transformer réellement l'esthétique d'une école dont il était issu.
Il est à noter que la doctrine de ce même David va se voir traitée d'" académique " par les jeunes romantiques et que le terme se charge de plus en plus d'une nuance méprisante. Les générations suivantes continueront à l'utiliser pour stigmatiser l'enseignement de leurs aînés : les impressionnistes l'appliqueront à Delaroche comme à Ingres.
Si le XXe s. a peu à peu rendu son admiration à l'Académie de Le Brun, à l'œuvre davidienne, à l'éminente personnalité de " Monsieur Ingres ", il a gardé le mot Académisme pour désigner avec une certaine raillerie tout l'art officiel du second Empire et de la IIIe République, qu'il a rejeté systématiquement, lui conférant ainsi une signification proche d'" Art pompier ". Il est intéressant de noter que le terme anglais " academic " a une connotation moins péjorative et s'emploie plus librement pour définir la " grande peinture " du XIXe siècle.
À la suite du Classicisme de David, puis des leçons d'Ingres prônant avant tout la composition et le dessin, les maîtres de l'École des beaux-arts qui assuraient l'éducation artistique et les membres de l'Institut qui jugeaient les candidats au prix de Rome et réglementaient le Salon, mirent en place petit à petit un grand nombre de formules qui concrétisent l'expérience formelle et pédagogique de l'École des beaux-arts mais enlisèrent parfois cet art officiel. On peut s'en rendre compte en consultant le gros ouvrage de Philippe Grunchec sur les Prix de Rome au XIXe siècle. Alors que les romantiques avaient été accueillis au Salon, malgré quelques réticences, les innovations réalistes d'un Théodore Rousseau peignant sur le motif ou d'un Courbet socialisant sont repoussées à de nombreuses reprises par les organisateurs, qui refuseront régulièrement Manet et les impressionnistes. La génération de professeurs qui règne de 1860 à 1900 ne peut ni comprendre ni admettre les recherches nouvelles et les audaces du jour. Et Gérôme est sûr de son bon droit lorsqu'il accuse les impressionnistes d'être " le déshonneur de l'art français " à l'inauguration de l'Exposition centennale de 1900. Leur rigorisme s'appuyait sur leur foi en la grande tradition de la Renaissance, en l'étude du nu et de l'anatomie, mais ils avaient perdu de vue la vitalité et l'élan des artistes du passé : ils appliquaient systématiquement des théories artistiques, au demeurant valables, se référaient au " grand goût " des siècles classiques, mais ils furent dépassés par un bouleversement artistique sans équivalent dans la peinture depuis le XVe siècle.
Le terme d'Académisme pourrait donc, comme celui d'" Art pompier ", définir cette période de l'Art, qui est considérée à la fois comme possédant des liens étroits avec les doctrines artistiques des associations du XVIIe et du XVIIIe s. et trop souvent encore comme sclérosée dans sa forme et son esprit. En effet, ce jugement négatif et persistant doit être reconsidéré. Livres et expositions ont depuis vingt ans remis en lumière les qualités de faire de la peinture officielle de la fin du XIXe siècle et l'importance des idées, sociales, politiques, philosophiques ou spiritualistes qui l'accompagnent. La notion d'Art bourgeois a fait place à l'expression plastique du foisonnement intellectuel de la IIIe République. La remise à sa juste place de l'Art académique a été plus simple et plus rapide dans les autres pays européens, moins sujets à l'ostracisme, principalement en Angleterre et en Allemagne, mais surtout aux États-Unis, qui ont pris souvent en charge la défense de l'Art " pompier " français. À mesure que les travaux des historiens d'art se multiplient, que les tableaux sont exposés, le jugement de l'amateur devient moins sévère, le quolibet s'efface. Il nous semble donc que le mot Académisme pourrait garder sa valeur comme acception purement historique. Il devrait, avec le temps, comme les mots Gothique ou Maniérisme, perdre de son sens péjoratif pour délimiter un moment précis de l'art. Bien que les académies du XIXe s. aient eu à l'étranger un rôle moins despotique qu'en France, l'influence du Salon parisien a été suffisamment forte pour que l'esprit académique ait existé dans toute l'Europe et que le terme puisse ainsi recouvrir toute la création officielle du temps.