Destorrents (Ramón)
Peintre espagnol (documenté à Barcelone de 1351 à 1362).
À la mort de Ferrer Bassa, il devint peintre du roi Pierre IV d'Aragon et continua le style inauguré par son prédécesseur, tout en modifiant les effets spatiaux par des contacts colorés. Il contribua à développer le souvenir des modèles italiens, ceux de l'école siennoise en particulier. En 1357 arrive dans son atelier Pedro Serra, par l'intermédiaire de qui se transmettra cet art italo-gothique jusqu'à la fin du XIVe s. Une seule œuvre de Destorrents est documentée : Sainte Anne et la Vierge (Lisbonne, musée das Janelas Verdes), panneau central du retable exécuté pour la chapelle de l'Almudaina de Palma (1353) et laissé inachevé par les Bassa. Par analogie stylistique, on a reconnu Destorrents comme l'auteur du beau Retable de sainte Marthe (église d'Iravals, Pyrénées-Orientales), de 4 Scènes de la Passion (Saragosse, couvent du Saint-Sépulcre) et des éléments de 3 retables donnés par Henri Trastamare au sanctuaire de Tobed (1356-1359, prov. de Saragosse). On conserve également plusieurs panneaux d'un polyptyque qui lui est attribué (Vierge et l'Enfant, détruit, autref. dans la coll. Czartoryski à Cracovie ; 2 Apôtres, Cracovie, musée Czartoryski ; 3 Apôtres, musée de Lille ; Saint Matthieu, Barcelone, M. A. C.). Également de la main du maître serait le Saint Vincent provenant de Saint-Celoni (Barcelone, musée diocésain). On n'est pas certain que les documents signalant un Ramón Destorrents, miniaturiste en 1380 et 1385, fassent référence au même artiste, on sait du moins que son fils Rafael enlumina le Missel de sainte Eulalie (1403, trésor de la cathédrale de Barcelone). Certains historiens furent un moment tentés d'attribuer à Destorrents l'œuvre du Maître de Saint Marc, aujourd'hui identifié avec le fils de Ferrer Bassa, Arnau.
Desvallières (Georges)
Peintre français (Paris 1861 – id. 1950).
Cet ancien élève et ami intime de Gustave Moreau est l'un des fondateurs du Salon d'automne (1903). Il y réserve, en 1905, une salle à ses anciens camarades d'atelier : ce sera la fameuse " cage aux fauves ". Dans la tradition de Huysmans, et dans l'esprit de son ami Léon Bloy, ce tempérament religieux aime à dépeindre, en voulant " édifier ", les " horreurs de l'amour " (Moulin-Rouge, Souvenir de Londres et illustrations pour le Rolla de Musset). De 1907 à 1911, il décore de scènes mythologiques (Hercule au jardin des Hespérides, Éros, musée d'Orsay) l'hôtel particulier de Jacques Rouché, à Paris. Après la Première Guerre mondiale, où il perd un fils, il fait le vœu de ne plus peindre de sujets profanes et participe, avec Maurice Denis, au renouveau de l'art religieux en France, en créant avec lui, en 1919, les Ateliers d'art sacré, place Furstenberg. Ses scènes religieuses, au dessin classicisant, mais aux couleurs intenses, ne manquent ni de pathétique ni de violence (Chemin de croix, église de Wittenheim ; décoration de la chapelle de Saint-Privat, Corrèze ; cartons de vitraux pour l'ossuaire de Douaumont). Il est représenté au musée d'Orsay.
détachement
Séparation de la couche picturale d'une fresque, ou d'une peinture murale, du mur auquel elle adhérait. Cette opération est effectuée lorsque les murs sont attaqués par des efflorescences salines. Deux couches de gaze sont collées sur la surface peinte à l'aide de gomme laque dissoute dans de l'alcool, puis enlevées par arrachement (" a strappo "). Seule la couche picturale, d'environ 2 mm d'épaisseur, se détache du support. Il ne reste plus alors qu'à faire adhérer cette couche picturale sur un nouveau support. (Voir FRESQUE.)
Detaille (Édouard)
Peintre français (Paris 1848 – id. 1912).
Tout jeune peintre d'histoire, il atteint à la célébrité grâce aux toiles patriotiques dans lesquelles il évoque les épisodes les plus dramatiques de la guerre de 1870 (Épisode du combat de Villejuif, 1870, Versailles). Sa technique, très minutieuse, soucieuse d'exactitude, le rapproche de son maître Meissonier, mais il trouve parfois un accent d'un lyrisme plus romantique (le Rêve, 1888, Paris, Orsay). Cependant, les fragments des deux vastes Panoramas de Champigny (1882) et de Rezonville (1883), qu'il brossa avec Alphonse de Neuville, font preuve d'une facture plus large (musées de Nantes et de Grenoble ; Orsay ; Versailles). Consacré peintre militaire, il dessinait sans cesse soldats et chevaux, étudiant les uniformes et observant la vie quotidienne des cantonnements, d'après modèles vivants ou photographies : croquis rapides ou aquarelles enlevées (Halte de spahis, 1881, Paris, Petit Palais) furent à l'origine de nombreuses illustrations (les Grandes Manœuvres du major Hoff, 1884 ; l'Armée française de Jules Richard, 1884). En 1879, il visita le camp d'Aldershot en Angleterre ; en 1883, il passa deux mois à Vienne (où il étudia les uniformes de l'armée autrichienne) et, en 1884, le tsar l'invita à assister, à Krasnoïe Selo, aux grandes manœuvres de l'armée russe. Detaille réalisa aussi plusieurs vastes toiles historiques (les Funérailles de Pasteur, 1897, Versailles) et des décorations officielles à Paris pour l'Hôtel de Ville (les Enrôlements volontaires de 1792, la Réception des troupes revenant de Pologne, 1807, 1900-1902) et pour le Panthéon (Vers la gloire, 1905). Il légua sa collection de costumes à l'actuel musée de la Mode et du Costume, et le reste de ses collections, au musée de l'Armée, à Paris.
détrempe
Technique picturale où les couleurs sont broyées à l'eau, puis délayées (ou " détrempées ") au moment de peindre avec, selon les procédés, de la colle de peau tiède ou de la gomme (synonyme : peinture à la colle).
C'est, sans doute, le plus ancien procédé de peinture connu. Les Égyptiens s'en servaient déjà, les Étrusques, les Grecs et les Romains aussi. Le Moyen Âge l'utilisa encore après l'invention de la peinture à l'huile, notamment pour l'exécution de peintures murales et d'enluminures sur des manuscrits.
Quel que soit le support auquel elle s'applique, la peinture à la détrempe exige une préparation soignée. Il faut d'abord obtenir une surface rigoureusement plane en recouvrant le mur d'un enduit de plâtre, qui est ensuite encollé, lorsqu'il est parfaitement sec, d'une ou plusieurs couches de colle bouillante. Sèche, cette préparation est poncée de manière à obtenir une surface lisse et unie, sur laquelle on applique les couleurs. La technique est la même pour les supports de bois et de toile, si ce n'est que l'on ajoute du blanc de craie à la colle. Le procédé ne cessa d'évoluer, soit que la colle fût, comme au Moyen Âge, additionnée de cire ou de jaune d'œuf délayé dans du vinaigre, soit qu'elle fût mélangée à de la gomme arabique, du miel, du lait de figuier, de la caséine ou de l'huile émulsionnée à l'eau.
La technique de la détrempe exige une grande rapidité d'exécution ; séchant très rapidement, les couleurs ne peuvent être reprises facilement ; il convient en outre de ne pas superposer les couches, afin d'éviter que le film pictural de la couche inférieure ne remonte à la surface pendant l'évaporation. Les procédés de la détrempe offrent moins de souplesse que la peinture à l'huile ; c'est pourquoi ils furent de moins en moins utilisés à partir du milieu du XVe s., si ce n'est pour l'exécution de décors muraux et surtout de plafonds. De nos jours, les décors de théâtre, notamment, sont peints à la détrempe. Cette technique est, à tort, confondue avec le procédé dit " a tempera ", dans lequel l'œuf sert d'agglutinant.