Hélion (Jean)
Peintre français (Couterne, Orne, 1904 – Paris 1987).
Il commence à peindre à dix-huit ans, dans un style figuratif, mais, en 1928, apparaissent des compositions très libres, où le sujet n'a plus guère d'importance (les Deux Bols, 1929). Il se lie l'année suivante avec la plupart des peintres abstraits et fonde le groupe Art concret, qui proclame que le tableau n'a plus d'autre signification que lui-même (Tensions circulaires, 1931-32). En 1931, la fondation du groupe Abstraction-Création reprendra ces théories en les développant. Cependant, en 1934, Hélion se définit comme un artiste totalement indépendant. En 1936, il voyage et travaille aux États-Unis, mais rejoint l'armée française à la déclaration de guerre. Fait prisonnier, il est envoyé en Poméranie (1940-1942), s'en évade et gagne les États-Unis, où il retrouve la plupart de ses amis poètes et peintres surréalistes. Il revient à une réalité observée d'une manière plus franche lors de ce deuxième séjour américain, mais la rigueur de sa période abstraite (Composition verticale, 1936, Marseille, musée Cantini) se retrouve dans la recherche d'un vocabulaire simple dont les éléments sont à la fois peinture et écriture : pictographie. Fenêtre, nappe, pain, citrouille, parapluie, chapeau mou, personnages, utilisés comme motifs, envahissent progressivement l'espace, dans une neutralité totale qu'illustrent parfaitement Journalier bleu (1947), Scène journalière (1947-48), Grande Journalerie (1950). Tandis qu'à Paris, où il est revenu en 1946, l'artiste s'attache à la topologie urbaine (boucherie, marché, voiture des quatre-saisons), avec la Boutique aux citrouilles (1948), à Belle-Île-en-Mer, où il séjourne souvent, il retrouve les thèmes d'un folklore local, qu'il dépouille de toute anecdote pour n'en retenir que les formes universelles (Embarcadère, 1963 ; les Filets, 1964). À partir de 1967, Hélion peint plusieurs séries de grands formats : Cirques, Choses vues en Mai et Métros et Triptyque du Dragon (musée de Rennes). C'est surtout au cours des années 80 que le véritable sens des divers aspects de l'œuvre d'Hélion a été mis en évidence, à la fois par des expositions s'attachant à une période particulière : les années 50 (celles où la figuration atteint la plus grande précision) à la galerie Karl Flinker en 1980, et par des expositions d'ensemble : dessins de 1930 à 1978 en 1979 au M. N. A. M. de Paris et rétrospective de l'œuvre au M. A. M. de la Ville de Paris en 1984. Les peintures les plus récentes d'Hélion sont des compositions d'objets sur des tables et des chaises, des scènes d'atelier, dont un Peintre piétiné par son modèle, des scènes de rue (la Ville, 1982). L'humour et l'ironie y sont toujours à l'œuvre. L'acidité des couleurs, le désordre plein de verve de certaines compositions en attestent la vitalité. En 1980, une exposition de 56 œuvres d'Hélion circula en Chine (musées de Pékin, de Shanghai et de Nanchang). Des ensembles de ses œuvres sont conservés notamment à Vézelay (legs Zervos) et au M. A. M. de la Ville de Paris. Une exposition a été consacrée à Hélion (Colmar, musée d'Unterlinden) en 1995.
Helleu (Paul)
Peintre et graveur français (Vannes 1859 – Paris 1927).
Après avoir été élève de Gérôme à l'École des beaux-arts de Paris, où il se lia avec Sargent, Helleu travailla pour vivre (1884) chez le céramiste Deck, où il peignait des décors de plats. Dès 1885, et jusqu'en 1900, il exécuta, à l'eau-forte ou à la pointe sèche, de très nombreuses gravures : figures féminines ou croquis d'intimité familiale. Ses portraits mondains évoquent irrésistiblement les salons parisiens de la fin du XIXe s., les silhouettes flexibles des femmes à la mode, les élégances aristocratiques et surannées des soirées de la duchesse de Guermantes. En effet, Helleu, très lié avec Robert de Montesquiou, connut assez vite Proust, à qui il inspira en partie le personnage d'Elstir. Il pénétra dans le cercle choisi de la belle comtesse Greffulhe, dont il grava, en 1891, au château de Boisboudran, 100 études différentes. Esthète fêté, il connut alors le Tout-Paris de la Belle Époque, la grande noblesse (Portrait de la duchesse de Marlborough, 1901, Paris, B.N.), les demi-mondaines (Portrait de Liane de Pougy, 1908, id.) ou les poètes symbolistes (Portrait de la comtesse de Noailles, 1905, id.). Il en fut le chroniqueur fidèle, sachant rendre à merveille une attitude alanguie soulignée de fourrure, la ligne exquise d'un chignon, l'ambiguïté d'un regard à l'ombre d'une voilette ou d'une capeline. Mais sa femme fut toujours un de ses modèles préférés, et ses pointes-sèches familiales, au charme discret, sont peut-être ses meilleures réussites. Il y associait, avec un attendrissement ravi, les frimousses potelées de ses enfants (Madame Helleu et sa fille Paulette, 1905, Bayonne, musée Bonnat). Grâce à ses dons, puis à ceux de sa fille et de deux autres donateurs, le cabinet des Estampes de la B.N. de Paris possède un ensemble incomparable de 500 pièces. Curieusement, ce graveur virtuose, au trait ferme et précis, peignait des toiles impressionnistes, raffinées, floues jusqu'à l'évanescence. Ce sont des intérieurs d'église, où il étudiait le poudroiement coloré de la lumière à travers les vitraux (Vitraux de Saint-Denis, 1890-1892, Boston, M. F. A.). Ce sont aussi des fleurs et des paysages— marines ou vues du parc de Versailles lorsque se confondent les feuilles mortes des arbres et celles tombées, qui recouvrent le sol (Automne à Versailles, v. 1897, Paris, Orsay).
Anglomane, passionné de yachting, Helleu exécuta aussi, sur son bateau, des compositions plus audacieuses, où, à travers les drapeaux et les rocking-chairs, il se souvient de Whistler, de Sargent et de Degas (le Yacht à Deauville, à Rouen, musée de Rouen). Il fut soutenu par Edmond de Goncourt, qui écrivit pour lui, lors d'une exposition à Londres en 1895, une préface élogieuse, complétée en 1913, après ses séjours brillants à New York, par l'hommage lyrique de Robert de Montesquiou.