Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Trouille (Clovis)

Peintre français (La Fère, Aisne, 1889 – Neuilly-sur-Marne 1975).

Après des études à l'École des beaux-arts d'Amiens, il exécute un flatteur et appliqué Autoportrait (1908) ainsi qu'un étonnant Palais des merveilles (1907), baraque foraine où un M. Loyal, qui est sans doute le peintre, fait parader d'affriolantes créatures aux seins nus dont l'une est coiffée d'une mitre d'évêque, telle autre d'une chéchia, d'un tricorne, d'un casque de pompier à plumet tricolore... Sept années sous les drapeaux l'amènent, comme il le dit lui-même, « le cœur plein de rage » à Remembrance, où l'Église, sous la forme d'un évêque androgyne exhibant sous sa cape des jarretières et des bas de soie, bénit l'horreur de la guerre tandis que, du haut des cieux, le sexe d'une femme-serpent sème des décorations. Tant de fureur enchanta les surréalistes, qui le découvrirent au Salon des artistes et des écrivains révolutionnaires en 1930, sans que Clovis Trouille s'inféode au mouvement. Il continue tranquillement son œuvre, où la mort est grotesque (Mes funérailles) mais non moins redoutable et omniprésente, les femmes aguichantes et à l'occasion ayant à le regretter (la Violée du vaisseau fantôme), les moines paillards, les officiels imbéciles et les religieuses fort aimables (la Partouze). Il attendit 1947 pour participer à l'exposition internationale surréaliste de la gal. Maeght, et 1963, pour avoir sa première exposition particulière à la gal. Cordier, année où son Naufrage de la Méduse entrait dans les collections du M. N. A. M. de Paris.

   La postérité n'a guère retenu de lui qu'un nom qu'on prend à tort pour un pseudonyme. Il faut aller chercher dans des collections particulières ses toiles qui probablement, autant qu'au surréalisme, doivent aux métiers longtemps exercés par Clovis Trouille, entre autres celui, pendant trente-cinq ans, de maquilleur-retoucheur chez un fabricant de mannequins.

Troyon (Constant)

Peintre français (Sèvres 1810 – Paris 1865).

D'une famille de décorateurs sur porcelaine, Constant Troyon débuta dans ce métier tout en peignant des paysages sur le motif. Vite, il se spécialisa dans ce genre. Ses premières œuvres s'inspirèrent des peintres néerlandais du XVIIe s., de Jacob Van Ruisdael plus précisément (les Bûcherons, 1839, musée de La Rochelle). Cependant, on y perçoit tout ce qu'il apprit de la nature directement observée. Ce vérisme apparaît dans les quelques paysages historiques de sa jeunesse. L'« histoire » n'y fut qu'un prétexte pour faire admettre ces toiles par les jurys traditionalistes des Salons. Tobie et l'Ange (Salon de 1841, Cologne, W. R. M) montre l'heureuse alliance d'une ordonnance classique rappelant Lorrain et de la sincérité d'un œil réaliste. En 1843, Troyon connut Rousseau et Dupré. À leur contact, son sens de la réalisation grandit encore. Néanmoins, Troyon ne tenta pas, comme eux, de traduire ses émotions intimes. En représentant la nature, il se garda toujours du drame. Son voyage aux Pays-Bas de 1847 détermina l'étape majeure de sa carrière. Troyon y apprit de Potter à devenir peintre animalier. Longue serait la liste de ses troupeaux, dans lesquels, au travers d'une production abondante, il sut renouveler son inspiration. Le plus libre et le plus abouti de ces tableaux reste les Hauteurs de Suresnes (1856, Louvre). Troyon apprit aussi de Cuyp à fondre les lointains brumeux dans un éblouissement lumineux. Le Bac (v. 1849, id.) fait songer à la Vue de Dordrecht par Aelbert Cuyp (Rotterdam, B. V. B.). Par ces recherches luministes, par sa dernière technique, juxtaposant des touches menues de couleur pure (la Rentrée du troupeau, 1856, musée de Reims), Troyon fut, parmi ses émules, les peintres de Barbizon, de ceux qui approchèrent le plus étroitement l'impressionnisme. Ses derniers paysages maritimes, peints v. 1860 sur les côtes de la Manche auprès de Boudin, avec qui il s'associa un instant, attestent son génie précurseur. Un des premiers des paysagistes de l'école de 1830, il connut la fortune et les honneurs. Ce succès entraîna de nombreux imitateurs, dont Rosa Bonheur fut le plus fameux et dont l'art facile, qui encombra les salons, porta un préjudice, maintenant oublié, à Troyon, qui demeure le plus puissant interprète des animaux domestiques du XIXe s. en France.

   L'artiste est représenté au Louvre et au musée d'Orsay (coll. Chauchard) ainsi que dans de nombreux musées de province et de l'étranger. (Citons notamment le musée Mesdag de La Haye, le Metropolitan Museum, le M. F. A. de Boston, l'Art Inst. de Chicago, le Clar. Inst. de Williamstown et l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, les musées de Cologne, Hambourg, Leipzig et Munich.)

Trubert (Georges)

Enlumineur français (actif dans le dernier tiers du XVe s.).

Régulièrement mentionné au service de René d'Anjou de 1467 à 1480, et de son petit-fils René II de Lorraine de 1491 à 1499, Trubert est l'un des rares enlumineurs français dont le nom soit attesté par un document concernant une œuvre conservée, le Diurnal de René de Lorraine, peint à Nancy en 1493 (Paris, B. N.). Sa carrière l'a amené à travailler dans diverses régions de la France. Enlumineur en titre et familier de René d'Anjou depuis 1467, il devait à ses faveurs des bénéfices appréciables. Bien que l'on ne conserve de lui aucun ouvrage expressément exécuté pour René, Trubert se montrait très au courant des thèmes de dévotion et d'iconographie chers au roi (Heures, Los Angeles, J. P. Getty Museum). Après la mort de son mécène, il resta établi à Avignon où il travailla comme enlumineur indépendant (Heures, bibl. d'Avignon, de Moulins), jusqu'à ce que René II de Lorraine, héritier du goût des livres de son grand-père, le fasse venir à Nancy comme enlumineur en titre, fonction qu'il gardera jusqu'à sa disparition v. 1500. C'est de cette époque que datent ses manuscrits les plus célèbres, chefs-d'œuvre d'invention narrative et de mise en page poétique, où de belles figures expressives représentées à mi-corps sont encadrées par des bordures en trompe-l'œil d'une fantaisie inépuisable : outre le Diurnal, il peint pour René de Lorraine un Bréviaire en 2 volumes (Paris, Arsenal et Petit Palais) ainsi qu'un livre d'heures, et pour Jean de Chasteauneuf, secrétaire de René II après l'avoir été du Roi René, un riche livre d'heures (Paris, B. N.).