Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Aeschbacher (Arthur)

Peintre suisse (Genève 1923).

Après des études à l'école des Beaux-Arts de Genève, il fréquente à Paris l'Académie Julian et l'atelier de Fernand Léger. Il présente sa première exposition en 1951 (gal. de l'Étoile scellée, Paris) sous le patronage d'André Breton, et Jacques Prévert préface le catalogue de sa deuxième exposition parisienne. Rattaché aux affichistes, il se tient néanmoins à l'écart du mouvement des Nouveaux Réalistes, dont il ne partage pas les visées sociologiques. Plutôt que de célébrer le " lacéré anonyme " comme Hains ou La Villeglé, Aeschbacher utilise l'affiche comme un " matériau de peintre ". Pour lui, le langage de l'affiche, qu'il décolle puis recolle et recompose, est avant tout celui de ses couleurs, de son épaisseur et de ses décrochements. Ses tableaux sont ainsi, dans les années 60, composés de couches successives d'affiches lacérées, dont les textes sont devenus illisibles. Avec la série des " lettres éclatées " ou des " stores surfaces " (1973), il développe sa relation aux lettres en abandonnant progressivement la pratique du collage/décollage. Peintes en noir, bleu ou sombre sur un fond gris, ces " lettres éclatées " se dispersent derrière des grilles de couleurs qui structurent la toile. Puis, avec la série " 6, 4, 2 " (1984), Aeschbacher épure ses compositions : les références linguistiques s'organisent en fonction d'arcs de cercle qui rompent avec la rectitude du précédent système de grille. Ses dernières œuvres restent fidèles à l'esprit des " joutes graphiques " où la lettre est chargée d'une force picturale, brisant ce que l'écrivain Michel Butor appelle le " mur fondamental édifié entre les lettres et les arts ". Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques en France et à l'étranger. Le centre d'Art contemporain de Corbeil-Essonnes lui a consacré une exposition en 1993.

affiche

Avis officiel ou publicitaire, imprimé sur papier ou sur toile, destiné à être placardé sur les murs et palissades des lieux publics.

Les origines

On admet généralement que les axones grecs et les albums romains représentaient, par leur conception, les moyens d'information en usage dans l'Antiquité les plus proches de l'affiche moderne. Les axones étaient des piliers carrés, animés d'un mouvement de rotation lent et régulier par un mécanisme interne. Sur ces piliers étaient gravées les listes des jeux publics avec les noms des athlètes concurrents. Rome inventa les albums : sur les places publiques, aux grands carrefours de la cité, des murs blanchis à la chaux étaient divisés en rectangles égaux : usuriers, commerçants, trafiquants d'esclaves y inscrivaient leurs annonces au charbon, à l'ocre ou à la pourpre. " La troupe des gladiateurs d'Aulus Suettus Gerius se battra à Pompéi le dernier jour de mai ", peut-on lire sur un mur de cette ville. Un dessin ou un portrait égayait souvent ces inscriptions.

L'affiche moderne

Mais c'est avec l'invention de l'imprimerie (1440) que naît et se développe l'affiche dans son principe moderne de production et de diffusion en série. Généralement manuscrite, elle était jusqu'alors le monopole de l'État et de l'Église (ordonnances royales et concessions d'indulgence). La première affiche imprimée connue, réalisée en 1477 par William Caxton, annonce les cures thermales de Salisbury. Quant à l'affiche illustrée, son origine remonte au Pardon de Notre-Dame de Paris, imprimé en 1489 par Jean du Pré.

   Du XVIIe s., on connaît les annonces de représentations théâtrales (pièce de Scudéry à l'hôtel de Bourgogne), de recrutement par les armées du roi, et déjà les annonces d'" entreprises commerciales " (Compagnie des Indes orientales, 1670). Au XVIIIe s. apparaissent en Espagne les grandes affiches de corridas (Corrida de Toros, 1761, Séville) préfigurant les chromolithographies des maîtres espagnols des XIXe et XXe s. Cependant, si divers moyens d'impression permettaient déjà l'exécution d'affiches de qualité, c'est la technique de la lithographie, découverte à la fin du XVIIIe s., qui ouvre la voie à un véritable art de l'affiche. Jusque-là, les techniques graphiques (gravure sur bois et sur cuivre) et la typographie concouraient à un équilibre plus ou moins heureux entre la " vignette " (illustration) et le texte — ce dernier étant généralement séparé de l'image elle-même. Durant la première moitié du XIXe s., ces deux composantes de l'affiche vont peu à peu fusionner grâce à la lithographie. De plus, l'emploi de la couleur (par chromolithographie ou coloration au pochoir) permet une liberté novatrice plus grande, rendue nécessaire par le développement industriel qui marque cette époque. Car l'objet premier de l'affiche — aussi " artistique " soit-elle — est d'attirer le regard, et cet impératif devient plus évident à mesure que se développe l'économie concurrentielle.

France

Si l'art de l'affiche est né en France, c'est sans doute parce que les premiers à s'y essayer n'étaient autres que Gavarni, Daumier, Manet. L'essentiel de la production est alors consacré aux annonces d'ouvrages et destiné à être placardé en librairie. Les meilleures réalisations de Gavarni signalent la parution des œuvres de Balzac : la Vie conjugale, Œuvres choisies, et surtout du Juif errant. Plus près de Daumier se situe Tony Johannot, dont l'affiche du Voyage où il vous plaira (1843) d'Alfred de Musset est à mi-chemin de la caricature et du réalisme fantastique. Mais c'est à Manet que l'on doit l'une des plus belles affiches de cette période, annonçant les Chats de Champfleury par une composition en noir et blanc qui dénote déjà l'influence de l'art japonais. Il faut pourtant attendre le Bal Valentino (1867) de Jules Chéret pour voir la première affiche " moderne ". Avec Chéret et son abondante production commence en effet la belle époque de l'affiche, dont le développement sera parallèle et analogue à celui de l'Art nouveau. Son affiche pour Faust (1876) dénote un mouvement rythmique préfigurant les années 1890, qualité que l'on retrouve dans la série des Girards (1877), réalisée pour les Folies-Bergère. Mais l'apparition dans ses compositions d'une femme aux formes voluptueuses (Saxoléine, pétrole de sûreté, 1890) est la marque d'un nouveau style d'affiche : le jeu des couleurs vives soutenant l'érotisme " mondain " de Chéret semble directement inspiré des maîtres japonais de l'estampe, tels Hokusai, Utamaro et Hiroshige. La réduction des détails, le tracé net, la concentration sur un motif essentiel sont autant de procédés permis par la juxtaposition des aplats, selon la technique propre à ces maîtres. C'est avec la Loïe Fuller (1893) et le Théâtre optique de É. Reynaud (1892) que l'art de Chéret atteint son apogée. Cet orientalisme est rapidement intégré, par des affichistes d'écoles les plus diverses, à un style proprement européen : Eugène Grasset, architecte de formation, partant d'une inspiration médiévale (Opéra national, 1886), aboutit bientôt au Japonisme avec le Salon des Cent (1894) et l'Encre Marquet (1892). Chez Toulouse-Lautrec, cette évolution se précise : les contours des figures plus appuyés, la ligne affermie et l'importance croissante des surfaces sont la marque de ses plus célèbres affiches (Au Moulin-Rouge, la Goulue, 1891 ; les Ambassadeurs, 1892 ; Divan japonais, 1892 ; Yvette Guilbert, 1894 ; Jane Avril, 1899). La typographie et l'emplacement du texte jouent leur rôle dans l'effet artistique d'ensemble. Bonnard, comme de nombreux artistes contemporains, crée quelques affiches d'un charme exceptionnel : France-Champagne en 1889, Cycles Papillon en 1894. Steinlen, dont les idées sociales se reflètent souvent dans ses affiches, fait partie comme Toulouse-Lautrec du milieu montmartrois : en 1896, il dessine Tournée du Chat-Noir pour le cabaret de son ami Rodolphe Salis, et en 1899 la Traite des Blanches, pour le " grand roman inédit " de Dubut de Laforest. Mais de tous les affichistes parisiens de cette époque, c'est indéniablement Alfons Mucha qui incarne le mieux l'Art nouveau dans l'affiche : les volutes et les arabesques, les motifs floraux exubérants qui surgissent dans ses réalisations pour Sarah Bernhardt (Gismonda, 1894 ; Médée, 1898 ; la Dame aux camélias, 1899) ou pour le Papier à cigarette Job (1898) encadrent avec élégance la " star " des années 1890.