Serodine (Giovanni)
Peintre suisse de l'école romaine (Ascona, Tessin, 1594 ou 1600 – Rome1631).
Il appartient à une famille d'artistes d'Ascona dans le Tessin. Son père, Cristoforo, maître maçon, s'établit à Rome. L'Appel des fils de Zébédée, que Giovanni peint à vingt-trois ans, et son pendant présumé, la Rencontre à Emmaüs (tous deux offerts par son père à l'église paroissiale d'Ascona en 1633), dénotent une formation influencée décidément par les œuvres de la dernière période romaine de Caravage, telles que la Vierge des pèlerins (Rome, S. Agostino) ou la Mort de la Vierge (Louvre), et par les disciples immédiats de celui-ci, en particulier par Borgianni. Dans un agencement très austère dérivé directement de Caravage et bien différent du vérisme brutal et systématique de ses disciples nordiques, la lumière pénètre et fouille une pâte colorée dense et complexe à dominantes brunes et rougeâtres, souvenir probable de Rubens ; ainsi s'expliqueraient certaines affinités, purement formelles d'ailleurs, de Serodine avec un Fetti ou un Strozzi (affinités que nie R. Longhi). Ce goût culmine dans les retables peints pour S. Lorenzo fuori le Mura, où figurent la Charité de saint Laurent (auj. à l'abbaye de Valvisciolo-Sermoneta) et la Décollation de saint Jean-Baptiste (Rome, Palazzo di Venezia), l'unique œuvre où se décèle une trace de rapports avec les caravagesques nordiques, et en particulier avec Gherardo delle Notti (Honthorst) ; cela expliquerait l'influence indéniable qu'exercera l'artiste sur le Néerlandais Matthias Stomer.
Serodine dut être apprécié à la même époque comme peintre de " demi-figures " telles qu'Un Père de l'Église écrivant (Modène, Pin. Estense), Saint Jean l'Évangéliste (Turin, Gal. Sabauda), la belle et mystérieuse Allégorie (Milan, Ambrosienne) ou l'étonnant et plus tardif Saint Pierre en prison (Rancate, coll. part.), dont les affinités formelles, et du reste superficielles, avec les premiers Ribera disparssent dans le délabrement pathétique des vieilles chairs, dans la luminosité jaunâtre de la chandelle, qui annoncent Rembrandt ou certains effets impressionnistes. Sur le même plan se situent le Denier de Saint Pierre (Édimbourg, N. G.), le Christ et les docteurs du Louvre, le Portrait du père de l'artiste (1628, Lugano, Museo Caccia), d'une " mise en page encore plus moderne que les plus audacieux portraits de Frans Hals ou de Rembrandt, au point de rappeler les Français des années 1860-1870 " (R. Longhi).
La dernière œuvre du maître est le grand retable du Couronnement de la Vierge avec sainte Véronique et des saints baignant dans la lumière du " plein air " (Ascona, église paroissiale). L'art élevé et solitaire de Serodine n'eut pas de suite et, à cet égard, est comparable à celui de Tanzio da Varallo (mort v. 1635), différent par le style, mais fort proche spirituellement.
Serov (Valentin Alexandrovitch)
Peintre, décorateur et illustrateur russe (Saint-Pétersbourg 1865 – Moscou 1911).
Fils de musiciens, habitué au cosmopolitisme, excellent connaisseur de la peinture européenne, il est l'élève de Repine à Paris dès l'âge de neuf ans, achève ses études à l'Académie de Saint-Pétersbourg et peint des portraits (Mme Lwoff, 1895, Orsay) et des paysages baignés d'une lumière impressionniste : les Bœufs (1885, Moscou, gal. Tretiakov), le Quai Schiavoni à Venise (1887, id.), l'Étang envahi par les herbes (1888, id.), Village tatare en Crimée (1893, id.). À l'instar de Degas ou de Manet, il semble capable de digérer toutes les influences classiques sans perdre sa force et, à partir de 1897, il devient le portraitiste officiel de la Cour. Il peint notamment, avec un rare sens psychologique, parfois rehaussé d'une pointe d'ironie, Fillette aux pêches (1887, id.), l'Actrice Iermolova (1905, id.), Rimski-Korsakov (1898, id.), le Comte Felix Youssoupov (1903, Saint-Pétersbourg, Musée russe), Iskousstva (Moscou, gal. Tretiakov). En 1899, il est élu membre du conseil de la gal. Tretiakov. Tout cela ne l'empêche pas d'exposer à partir de 1900 avec Mir, où se dessine déjà la future avant-garde proche de Diaghilev, tout en complétant, pour la Cour, une série des " Tableaux de l'histoire de la Russie " (gouaches et aquarelles). En 1905, il adresse une lettre de protestation à l'Académie nationale des Beaux-Arts (dont il était membre depuis 1903), contre la tuerie du " Dimanche sanglant " et entreprend une suite de caricatures politiques. En 1909, il démissionne (il avait été le professeur de Malevitch, de Larionov, de Falk) et expose à Munich (dans le cadre des Sécessions) ; après un voyage en Grèce et en Crète, il se tourne vers l'Antiquité archaïque (Nausicaa, nombreuses variantes ; l'Enlèvement d'Europe, 1910, Moscou, gal. Tretiakov) avec un dépouillement que l'on retrouvera chez Picasso. Collaborateur des Ballets russes, Valentin Serov a laissé des décors de théâtre tumultueux, une esquisse de l'affiche d'Anna Pavlova (1909, id.) et le Portrait déshabillé d'Ida Rubinstein (1910, Saint-Pétersbourg, Musée russe).
Serra (les)
Famille de peintres espagnols.
Le panorama pictural de Barcelone est dominé dans la deuxième moitié du XIVe siècle par la famille Serra. Ils étaient 4 frères peintres : Francesco, Jaime, Pedro et Joan, collaborant en certaines occasions ou bien travaillant indépendamment en d'autres.
Francesco (documenté à Barcelone de 1350 à sa mort en 1361). C'est le frère aîné ; il n'a laissé aucune œuvre qui puisse lui être attribuée avec certitude. Cependant, il peut être identifié comme l'auteur d'un groupe d'œuvres réunies autour du Retable de la Vierge (Barcelone, M.A.C.) provenant du monastère de Sigena. Les scènes, inspirées des Bassa, sont plus conventionnelles et chargées d'éléments descriptifs et vivement colorés.
Jaime (documenté de 1358 à 1389 ou 1395). Sa personnalité artistique peut se définir grâce au Retable de la Vierge que lui commanda Fray Martín de Alpartir, en 1361, pour être placé près de sa tombe dans le couvent du Saint-Sépulcre à Saragosse. Au mysticisme latent s'ajoute un accent pittoresque comme dans la Descente aux enfers avec les mâchoires du monstre se refermant sur les réprouvés. Par analogie, on lui attribue le Retable de saint Étienne (Barcelone, M.A.C.), 5 panneaux subsistant du Retable de la Vierge (église de Palau de Cerdagne) et la Cène (Palerme, G.N.). Fidèle aux formules de Destorrents, l'art de Jaime est plus suave et dépouillé.
Pedro (documenté de 1357 à 1406). À partir de 1357, il fit son apprentissage pendant 4 ans dans l'atelier de Ramón Destorrents ; de 1363 à 1389, il travailla en association avec son frère Jaime. Les 2 œuvres, authentifiées par un contrat et actuellement conservées, sont postérieures à la mort de Jaime ; elles permettent de connaître le style de sa maturité : le Retable du Saint-Esprit (1394, Manresa, collégiale S. Maria), vaste cycle narratif (19 panneaux, sans compter quelque 30 personnages ornant les pilastres) qui déroule l'histoire du monde depuis la création pour aboutir à la Pentecôte ; ce sont des miniatures agrandies, nobles et douces, mais toujours statiques dont les couleurs dominantes (rouge, mauve et vert) s'harmonisent avec le fond d'or traditionnel. Saint Barthélemy et saint Bernard (1395, musée de Vich), panneau central d'un retable exécuté pour les dominicains de Manresa, révèle l'influence de Borrassa. Antérieurement, on peut lui attribuer plusieurs peintures telles que la prédelle de Saint Onuphre (Barcelone, musée de la cathédrale), le Retable de saint Julien et sainte Lucie (Saragosse, couvent du Saint-Sépulcre). Il semble être le créateur d'un type de Vierge rêveuse au visage triangulaire et aux yeux en amande, que l'on retrouve dans l'Annonciation (Milan, Brera), le Retable de la Pentecôte (église S. Llorenc de Morunys), et la Vierge assise, entourée d'anges musiciens (Barcelone, M.A.C.). Il faut également mentionner le Retable d'Abella de la Conca et celui de Tous les saints à S. Cugat del Vallès.
Joan (documenté de 1365 à sa mort en 1386). Associé avec ses trois frères, il semble avoir joué un rôle mineur dans l'atelier et il n'est pas possible actuellement d'identifier sa participation.