Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
H

Heade (Martin Johnson)

Peintre américain (Lumberville, Pennsylvanie, 1819  – Saint Augustine, Floride, 1904).

Il étudia avec E. Hicks, voisin de sa famille en Pennsylvanie, puis, après un voyage en Europe, où il visita l'Angleterre, la France et l'Italie (1837-1840), il commença à se faire connaître par des scènes de genre et des portraits. Il résida un peu partout dans l'est des États-Unis et se fixa à New York à la fin des années 1850. Lié avec Church, il se tourna vers le paysage sous l'influence de Kennett et de Lane. Il n'avait en effet pas encore, à ce moment, véritablement manifesté son originalité ; il allait la trouver en traitant les paysages côtiers, les marécages et les marais salants de la Nouvelle-Angleterre. Il se différencie cependant des peintres de la Hudson River School par la prééminence qu'il accorde à la composition et à l'effet, particulièrement la lumière, aux dépens de la véracité et de l'exactitude topographique. Il est en cela l'un des représentants éminents du " luminisme ".

   Un voyage au Brésil (1863) apporta un renouvellement dans ses sujets, avec une série de toiles représentant des colibris sur fond de nature tropicale. Il échoua cependant à les faire reproduire en chromolithographie à Londres (1865) mais poursuivit ce thème après de nouveaux séjours en Amérique du Sud (1866, 1870), combinant cette fois dans ses compositions oiseaux et orchidées. Il s'établit en 1885 en Floride, où il avait trouvé un mécène en la personne de l'entrepreneur Henry M. Flager. Il se consacra alors à des natures mortes ou des paysages de cette région.

Healy (George Peter Alexander)

Portraitiste américain (Boston 1813  – Chicago 1894).

Il était le fils d'un capitaine irlandais. Il put se former en Europe grâce à sa commanditaire, Mme H. G. Otis (1834). Il étudia ainsi chez Gros jusqu'au suicide de ce dernier et se prit d'amitié pour Couture, à qui il resta toujours lié. Il devint rapidement un portraitiste de talent, et sa renommée lui valut un afflux de commandes prestigieuses. Cela ne l'empêcha pas de s'essayer au genre historique et son Franklin Urging the Claims of the American Colonies before Louis XVI (détruit dans l'incendie de Chicago en 1871) fut remarqué à l'Exposition universelle de 1855. Il revint aux États-Unis en 1867 et, comme en Europe, fit le portrait de tous ceux qui comptaient alors et appréciaient le côté " français " de sa peinture (Lincoln, 1869, Washington, Maison-Blanche ; The Peacemakers, id.).

   Bien qu'ayant passé une grande partie de sa carrière en dehors des États-Unis, Healy est l'un des chefs de file du portrait américain au XIXe s. et fut considéré comme tel dès son vivant : son engouement pour Chicago l'avait fait surnommer le " Yankee Artist ".

Heartfield (John)

Artiste allemand (Berlin  1891  – id. 1968).

De son vrai nom Helmut Herzfelde, John Heartfield a transformé son nom par goût d'une Amérique libre en opposition à une Allemagne en décadence. Après un apprentissage dans une librairie à Wiesbaden (1905-1906), il suit les cours des Arts décoratifs de Munich (1907-1911) puis ceux de l'École des arts et de l'artisanat de Berlin-Charlottenburg (1912-1914). Avec son frère Wieland Herzfelde, Hannah Höch, Raoul Hausmann, Johannes Baader, George Grosz et Richard Huelsenbeck, il est l'un des principaux représentants de Dada à Berlin. Heartfield met au point et développe une technique dont la paternité est revendiquée par Hausmann et à laquelle il donnera ses lettres de noblesse : le photomontage.

   À la différence de la plupart des artistes dada, exception faite de Grosz et de son propre frère Wieland, Heartfield s'engage à fond dans un art militant. Dans un contexte social et politique en crise, et après avoir adhéré au parti communiste allemand (1918), il envisage l'art non comme une fin en soi mais comme un instrument de lutte au service d'une cause révolutionnaire. Après la disparition de Dada à Berlin et jusqu'à la fin de sa vie, il conçoit le photomontage comme un outil de propagande le plus efficace possible. La forme doit coïncider avec le contenu de l'ouvrage auquel il est destiné, et la recherche d'effets plastiques ne doit pas être négligée. Le texte et la légende sont des compléments indispensables au photomontage. Violemment satiriques et irrespectueux ou pathétiques et alarmants, ils renforcent ou transforment le sens de l'image. Travaillant la plupart du temps pour répondre à la demande des éditeurs (notamment des éditions Malik, fondées par son frère), des rédacteurs et des responsables politiques, Heartfield produit des photomontages pour des couvertures et illustrations de livres et de revues, pour des affiches, des tracts. Réfugié en Tchécoslovaquie (1933-1938) et en Angleterre (1938-1950) lors de la montée du nazisme, il y continue son activité pour les éditions Lindsay Drummond. La complicité du capitalisme et des forces destructrices (la Signification du salut hitlérien : des millions sont derrière moi, 1932, photomontage montrant Hitler levant le bras pour saluer et recevant de l'argent d'un gros bourgeois anonyme), la répression et les atrocités de la guerre, l'espoir d'une nouvelle société et la lutte contre le racisme, tels sont les thèmes majeurs de la démarche de Heartfield. Avec rigueur et simplicité, il a fait du photomontage un langage à part entière et s'affirme comme l'un des rares artistes à avoir su concevoir un véritable art pour les masses. Après 1950, il s'installe à Berlin-Est, où il poursuit ses activités en créant les décors et les affiches du Berliner Ensemble et du Deutsches Theater.

Hébert (Ernest)

Peintre français (Grenoble 1817  – La Tronche, Isère, 1908).

Fortement impressionné par l'Italie, il peignit avec sensibilité la lumière de la campagne romaine, l'âpreté des montagnes de la Cervara et la détresse des marais Pontins (la Malaria, 1848-49, Paris, musée d'Orsay). Il s'attacha à rendre la beauté sensuelle de leurs habitants et leur charme maladif (les Cervarolles, 1858, id.). De retour en France, il recréa un peu uniformément cet alanguissement mélancolique dans ses visages de femmes, qu'elles soient figures religieuses (la Vierge de la délivrance, 1872, église de La Tronche), allégories (la Musique, 1880, Paris, Petit Palais) ou portraits mondains (Portrait de la baronne Eléonore d'Uckermann, 1892, Paris, musée Hébert). Ses portraits d'enfants, d'un réalisme attendri (le Petit Savoyard endormi, 1883, id.), se souviennent aussi des frêles modèles italiens (Portrait de Monallucia, 1871, Paris, musée Hébert). Si l'influence du clair-obscur de Rembrandt marqua toute son œuvre, elle est surtout sensible dans sa grave composition du Baiser de Judas (1853, La Tronche), dont il n'a pas retrouvé la solennité dans la mosaïque du cul-de-four de l'abside du Panthéon (1879-1884). Couvert d'honneurs, Hébert fut deux fois directeur de l'Académie de France à Rome (1867-1873 et 1885-1891).

   Une grande partie de son œuvre est conservée au musée Hébert de Paris et dans sa villa-atelier à La Tronche.