Schwitters (Kurt)
Peintre allemand (Hanovre 1887 – Ambleside, Grande-Bretagne, 1948).
Après des études aux Académies des beaux-arts de Hanovre, de Dresde et de Berlin, il commence en 1914 par peindre des toiles figuratives, bientôt influencées par l'Expressionnisme et le Cubo-Futurisme (Paysage d'Opherdicke, 1917). C'est en 1918 qu'il abandonne la peinture traditionnelle, en négligeant les matériaux " nobles " (huile, couleurs, pigments) pour leur substituer les objets de rebut de la vie urbaine : prospectus, tickets de tramway, morceaux de chiffons, lambeaux d'affiches, couvercles de boîtes de conserve, ficelles, carton ondulé. Ces collages, où, à la différence des " papiers collés " cubistes, n'intervient aucun élément pictural au sens propre, prennent bientôt le nom de Merzbilder, d'après la partie centrale d'un papier imprimé avec le mot " KomMERZbank " intégré à l'un d'entre eux. La première exposition " Merz " est présentée en 1919 à Berlin sous l'égide du Sturm et c'est la revue de H. Walden qui, la même année, publie son premier poème " Merz " : Anna Blume. Schwitters développera une intense activité d'écrivain en composant des poèmes phonétiques, dont l'évolution aboutira à la Ursonate, qui, lue à voix haute en public, constituait bien avant la lettre une performance.
En raison de l'hostilité de R. Huelsenbeck à son égard, Schwitters ne participera pas aux activités dada, mais se liera néanmoins avec Raoul Hausmann, Arp et Hannah Höch. Les collages de cette époque sont savamment construits en fonction des formes, des couleurs, des matériaux employés (Das Undbild, 1919, Stuttgart, Staatsgalerie).
C'est avec Hausmann que Kurt Schwitters effectue une tournée de conférences en 1921 en Tchécoslovaquie avant d'entamer, en 1923, une " campagne dada " aux Pays-Bas avec Théo Van Doesburg. Il commence dans les années 20, dans sa propre maison à Hanovre, la construction d'un assemblage, le Merzbau, qui va bientôt envahir plusieurs pièces et devenir une architecture-sculpture. Pour faire connaître ses idées et ses œuvres, il utilise des périodiques tels que Der Sturm, Der Marstall, Der Zweemann, puis fonde sa propre revue, qu'il intitule Merz. Répondant d'abord exactement aux principes dadaïstes, Merz ouvre bientôt ses colonnes à De Stijl et au Constructivisme (un numéro est entièrement réalisé par Lissitsky), marquant ainsi l'évolution de l'artiste vert l'art constructif à partir de 1923. Il sera à Hanovre l'un des artistes constructivistes les plus originaux, animant le groupe die abstrakten Hannover (d.a.h.), dont faisaient aussi partie Vordemberge-Gildewart, Buchheister, Jahns, Nitzschke et Domela, qui résidait à Berlin. Schwitters, qui a aussi été l'un des pionniers de la Nouvelle Typographie, a fondé le " Ring der neuer Werbegestalter " (Cercle des nouveaux créateurs de réclame), association qui regroupait les principaux artistes allemands qui s'occupaient de graphisme, de publicité et de " design ". À cette époque, le Merzbau va devenir un environnement de plus en plus lisse et blanc, montrant par là l'évolution des idées de Schwitters. Après l'arrivée au pouvoir de Hitler, Schwitters se réfugie en Norvège (1937), puis en Grande-Bretagne, reprenant ses Merzbilder selon les principes élaborés en 1919, dans une direction de plus en plus " pauvre " et recommençant à chaque nouvelle étape la construction d'un Merzbau.
Il mourra en exil, oublié, mais son influence ne cesse de croître et Schwitters est aujourd'hui, par la profondeur de sa démarche, la variété des formes d'expression qu'il a empruntées, du collage à l'architecture en passant par le théâtre, la poésie et la typographie, éléments de sa vision globale de la création, par sa recherche du " Gesamtkunstwerk ", de l'œuvre d'art totale, considéré comme l'un des plus grands artistes du XXe siècle.
Kurt Schwitters est représenté notamment au K. N. W. de Düsseldorf, au musée Sprengel de Hanovre, dans les musées de Berlin, au M. O. M. A. de New York, au County Museum of Art de Los Angeles, au musée de Grenoble. Une importante rétrospective de son œuvre a été montrée en 1986 au M. O. M. A. de New York, à la Tate Gallery de Londres et au musée Sprengel de Hanovre. Une autre rétrospective a été présentée (Paris, M. N. A. M. ; musée de Grenoble) en 1994-1995.
Scipione (Gino Bonichi, dit)
Peintre italien (Macerata 1904 – Arco 1933).
Il est atteint de tuberculose, et sa brève carrière artistique (1928-1933) se déroule à Rome. Formé dans l'ambiance des cercles littéraires romains, il a une culture fort complexe, qui est ouverte aux grandes influences européennes. Il assimile rapidement le Surréalisme français tout en lui apportant sa poétique personnelle et en y mêlant des traits expressionnistes qui le rapprochent de Chagall et de Soutine. La Scuola romana naît de sa rencontre, en 1929, avec Mario Mafai et Raphaël ; l'artiste devient alors l'interprète le plus personnel de cet " Expressionnisme fantastique " qui, d'après Roberto Longhi, caractérise le groupe.
Scipione a un œuvre peu abondant. Sa verve sombre et violente évoque un style néo-baroque ; les visions apocalyptiques et exaltées de ses toiles empruntent leur fond aux places de Rome, dans un décor d'architectures baroques. Des ciels rouges et sombres embrasent les fastes d'un monde en décomposition, peuplé de dignitaires, de prélats et de courtisanes. L'artiste signe en 1930 trois de ses œuvres les plus connues : Piazza Navona (Rome, G. A. M.), Portrait du cardinal Decano (1929-30, id.) et Portrait d'une courtisane romaine (1930). En 1929, il participe à la Prima sindacale du Latium. Il est présent à la Biennale de Venise de 1930 et à la première Quadriennale de Rome de 1931. Deux grandes rétrospectives de son œuvre ont été organisées en 1948 (pin. de Macerata) et en 1954 (Rome, G. A. M.). Illustrateur du journal romain la Fiera Letteraria, Scipione a laissé une importante production graphique. Le tracé rapide, cursif et fantaisiste de ses dessins s'adapte parfaitement aux inventions ardentes d'un Symbolisme fabuleux ainsi qu'à une verve amère et satirique proche de celle de Grosz. Son œuvre littéraire est constituée par le recueil intitulé Arte Segrete et par des poésies, le Civette gridano (1938, Milan, éd. Scheiwiller). Ses peintures sont conservées dans des coll. part. italiennes et dans les M. A. M. de Rome, Turin, Montevideo et Tel-Aviv.