Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître de Saint-Lambert
ou Maître du Panneau votif de Saint-Lambert

Peintre autrichien (actif à Vienne de 1410 à 1440 env.).

Cet artiste, l'un des principaux représentants autrichiens du style gothique international, fut identifié à tort avec Hans von Judenburg, ou plus souvent avec Hans von Tübingen, cité à Wiener-Neustadt à partir de 1433 et mort en 1462. Certains historiens lui laissent cependant la dénomination de " Hans ", car on trouve l'inscription " Johan " sur l'un de ses tableaux. On lui attribue la Trinité (Vienne, Österr. Gal.), les diptyques dits " de Linz " (musée de Wels) et " de Vienne " (Montée au Calvaire ; Crucifixion, Vienne, Österr. Gal.), exécutés tous deux v. 1425, des dessins pour des vitraux (v. 1425-1430, Saint-Lambert), le tableau votif de Saint-Lambert, qui donne son nom au maître, exécuté sans doute pour l'église de Mariazell (la Vierge de miséricorde et la Victoire miraculeuse du roi de Hongrie, v. 1430, en dépôt au musée de Graz), un tableau épitaphe pour Sigmund Waloch (1434, musée de Prague), une Crucifixion (Linz, Landesmuseum), le Mont des Oliviers (musée de Saint-Lambert).

   Parmi les œuvres rassemblées autour de ce maître se trouvent des travaux de collaborateurs et des groupes de tableaux attribués par la critique à d'autres maîtres anonymes (Maître de la Crucifixion de Linz, Maître du Retable de Saint André). Il est évident que ces peintures sont l'œuvre d'artistes si étroitement apparentés qu'ils doivent être considérés comme sortant d'un même important atelier et utilisant un commun répertoire de formes, qu'elles soient marquées d'influences autochtones, siennoises ou françaises. La répartition, complexe, de cette série d'œuvres entre diverses mains, qui semblait réalisée en 1938, n'est plus admise aujourd'hui. Une nouvelle distribution pourrait être tentée à partir du groupement de Pächt, qui, en 1929, donne notamment au Maître de Saint-Lambert la Trinité de la N. G. de Londres et la Déploration du Christ des musées de Berlin.

Maître de Saint Gilles

Peintre franco-flamand (actif à Paris à la fin du XVe s.).

Cet artiste, d'origine inconnue, s'est sans doute formé en Flandre auprès de Van der Goes. Il a certainement été établi à Paris, car plusieurs de ses œuvres ont pour cadre des vues très exactes de monuments de Paris ou des environs. En outre, ses compositions, aérées et tranquilles, ses visages, réguliers, sont d'esprit français. L'artiste tire son nom de 2 panneaux représentant la Messe de saint Gilles et Saint Gilles et la biche (Londres, N. G.). Deux autres panneaux, dont les sujets sont controversés, devaient faire partie du même ensemble iconographique, sinon du même retable : Saint Leu guérissant les enfants, autrefois " Conversion d'un arien par saint Remi ", et Baptême d'un prince par un évêque, autrefois " Baptême de Clovis par saint Remi " (Washington, N. G.). Les 4 panneaux ont pu être peints pour l'église Saint-Leu-Saint-Gilles de Paris, vers 1500. On attribue également au Maître de Saint Gilles une dizaine de tableaux, dont 2 Portraits d'un homme et d'une femme (musée Condé de Chantilly), un Saint Jérôme au désert (musées de Berlin) une Arrestation du Christ (Bruxelles, M. R. B. A.), une Vierge à l'Enfant (Louvre).

Maître de Saint Ildefonse

Peintre espagnol (actif dans la province de Valladolid dans le dernier quart du XVe s.).

La personnalité de cet artiste se fonde sur le panneau représentant l'Imposition de la chasuble à saint Ildefonse (Louvre), celui de Saint Paul et saint Jacques (musée de Copenhague) et sur 2 autres consacrés à Saint Athanase et à Saint Louis de Toulouse (musée de Valladolid). La haute qualité de sa peinture et sa conception esthétique classent le peintre parmi les meilleurs artistes de la région castillane à la fin du XVe s. On lui attribue également deux éléments du retable de la chapelle Saint-Martin dans la cathédrale de Tolède, représentant la Visitation et la Madeleine. Le Maître néglige les ors comme Jorge Inglés, mais ne ressent pas autant que lui l'attrait du paysage.

   La verticalité de ses personnages, la dureté de leurs physionomies et l'originale transcription des plis des vêtements confèrent à ses compositions une imposante monumentalité. Selon Gudiol (mais cette théorie n'est pas acceptée par d'autres historiens), il serait l'auteur des Scènes de l'enfance du Christ provenant du monastère de la Sisla (Prado), et l'un des artistes qui travaillèrent au retable de la chapelle du connétable D. Alvaro de Luna (cathédrale de Tolède).

Maître de Saint Séverin

Peintre allemand (actif à Cologne v.  1500).

Ce peintre anonyme, qui travailla à Cologne de 1490 à 1515 env., a reçu autrefois son nom des 20 panneaux consacrés à la légende de saint Séverin (église Saint-Séverin de Cologne). De cette ample production, on a retranché les œuvres d'un peintre très proche, plus âgé et d'un talent supérieur (parmi lesquelles le cycle de Saint Séverin, qui avait donné son nom à l'artiste), le Maître de la Légende de Sainte Ursule. Les 2 peintres semblent avoir travaillé dans le même atelier, car leurs œuvres se recoupent.

   On reconnaît notamment la main du Maître de Saint Séverin dans 2 panneaux représentant des figures de saints, une Adoration des mages (Cologne, W. R. M.) offerte v. 1512 par le docteur en droit Christian Conreshem, plusieurs panneaux de la Passion, un grand triptyque de la Crucifixion (Boston, M. F. A.) et 4 panneaux (2 au Louvre, 2 à Notre-Dame de Bruges) d'un retable consacré à l'Enfance du Christ. Ces panneaux trahissent non seulement l'influence du Maître de la Sainte Parenté, dont l'artiste fut vraisemblablement l'élève, mais présentent de nombreuses affinités avec la peinture des Pays-Bas, celle de Gérard de Saint-Jean notamment. Ils sont l'œuvre d'un dessinateur rigoureux, voire austère, d'un coloriste habile qui abandonna bientôt la manière floconneuse de ses débuts pour adopter une facture ferme, au modelé accusé.

Maître de San Francesco

Peintre italien (actif en Ombrie dans la seconde moitié du XIIIe s.).

Ses œuvres principales se trouvent à Pérouse et à Assise, et l'une de ces villes pourrait être son lieu d'origine. Son unique œuvre datée est une grande Croix peinte (Pérouse, G. N.) qui porte la date de 1272. L'ensemble des œuvres qui constituent le corpus du peintre a probablement été exécuté entre 1270 et 1280 : le Saint François (Assise, Santa Maria degli Angeli), qui a donné son nom au maître ; une autre Croix (Pérouse, G. N.), œuvre de collaboration ; un devant d'autel, dont il ne subsiste que quelques panneaux (Saint Antoine, Déposition et Ensevelissement, id.) ; Isaïe (Assise, trésor de Saint-François) ; un autre devant d'autel, lui aussi incomplet et démembré (Saint Matthieu et Saint Jean l'Évangéliste, Washington, N. G. ; Saint Pierre, Bruxelles, anc. coll. Stoclet ; Saint Simon et Saint Barthélemy, Metropolitan Museum, coll. Lehman).

   Les fresques avec les Scènes de la Passion et les Scènes de la vie de saint François, qui ornent la nef de la basilique inférieure, sont sans doute antérieures de quelques années. D'autres Crucifix (Florence, Fond. Acton ; Paris, Louvre ; Londres, N. G.) complètent l'œuvre du Maître. Face aux formules figées du répertoire byzantin tardif, qui sont utilisées également en Ombrie, le peintre démontre son autonomie. Le maître de San Francesco anime ses personnages en forçant et en bouleversant leurs lignes compassées, en suscitant chez eux une expression poignante. Dans le Crucifix de 1272, le flanc droit du Christ s'incurve de telle façon qu'il frôle les bords du grand panneau, les lignes créant alors des rythmes serpentins ; le Saint François, représenté non sans humour, a une petite tête d'Oriental et de faibles épaules sur un corps démesurément allongé.

   Par ce recours à l'insolite, au grotesque et à l'ironie, dans le but d'obtenir une vigoureuse " typologie sentimentale " (Longhi), l'artiste pouvait profiter de l'exemple de Giunta Pisano, dont l'activité à Assise est documentée en 1236. Il est à observer, néanmoins, que le style de cet artiste anonyme dérive plus directement de la Croix bolonaise de Giunta, peinte v. 1250, que de celle d'Assise (Santa Maria degli Angeli, musée). Dans le dernier tiers du XIIIe s., l'influence de Giunta, par l'intermédiaire du Maître de San Francesco, se répercute chez quelques-uns des meilleurs peintres de la région d'Assise et de Pérouse (artistiquement distincte de l'Ombrie méridionale, dont le centre était alors Spolète). Le Maître de Santa Chiara et le Maître de la Croix de Gualdo, personnalités qui désignent sans doute le même artiste, accentuèrent davantage la tendance " expressionniste " que le Maître de San Francesco avait amorcée en Ombrie.