Rouault (Georges) (suite)
Les paysages
Le paysage devait mieux convenir à cette tentative de spiritualisation. Souvent repris, à de longs intervalles, les paysages de Rouault se métamorphosent en permanence ; le statisme de leur ordonnance est démenti par les accidents qui les parcourent, par la situation des personnages allusifs renvoyant paradoxalement au sujet, évocation mystique le plus souvent (Christ et pêcheurs, 1937, M. A. M., Ville de Paris).
Les dernières années et les travaux décoratifs
Au cours de son ultime évolution (1950-1958), Rouault rencontra davantage de difficultés pour soumettre la figure au même allégement des repères superficiels, le rôle organisateur des noirs restant toujours très fort. Son besoin de perfection, donc d'achèvement, s'opposait à sa façon de travailler artisanale, patiente, et explique qu'il ait détruit beaucoup d'œuvres (315 toiles brûlées devant huissier en 1948) et que tant d'autres puissent être saisies par le spectateur dans un moment transitoire d'élaboration. Rouault a ressenti et fait ressentir, comme nul autre, la tension irréductible entre la matérialité brute de la peinture et la traduction de l'ineffable, néanmoins obligées de composer pour permettre à l'œuvre de naître. En 1929, il avait exécuté les décors et les costumes du Fils prodigue (musique de Prokofiev) pour Diaghilev ; en 1945, il reçut la commande de 5 vitraux pour l'église d'Assy et, à partir de 1949, donna les maquettes de ses émaux à l'abbaye de Ligugé ; son style s'adaptait aisément à ces techniques décoratives, et particulièrement à celle du vitrail.
De même, le souci du cadre adéquat à ses toiles, la " bordure " médiévale, était grand chez lui : un Rouault exige un cadre également riche dans la quantité et la qualité visuelles, tactiles de sa réalisation. Rouault est bien représenté à Paris (M. N. A. M. et surtout M. A. M. de la Ville) ainsi que dans les grandes collections publiques et privées du monde entier. Son centenaire a été commémoré en 1971 par une ample rétrospective au M. N. A. M. de Paris, où furent présentées les " peintures inachevées " de l'artiste (près de 200 données à l'État français), révélant un aspect différent de son talent et montrant combien, à certain niveau de l'élaboration, il s'apparente à la puissance d'un Daumier (Étude de nu, 1946). Une exposition consacrée à la période 1903-1920 de Rouault a été présentée (Paris, M. N. A. M.) en 1992.