Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Morales (Luis) , dit El Divino

Peintre espagnol (Badajoz v. 1515/20  – id. 1586).

Selon Palomino, il aurait fait son apprentissage à Séville dans l'atelier de P. de Campaña ; sa première œuvre datée, la Vierge à l'oiseau (1546, Madrid, coll. part.), témoigne en effet d'une connaissance des modèles italiens interprétés par la sensibilité et la technique flamande du maître bruxellois, établi à Séville au moins depuis 1537. Un voyage hypothétique en Italie expliquerait certaines affinités avec des artistes italiens de la génération antérieure : réminiscences des modèles léonardesques de Sodoma et des couleurs de Becaffumi. À partir de 1560, Morales dut jouir d'une grande renommée : il exécuta de nombreux travaux pour Juan de Ribera, évêque de Badajoz entre 1562-1568, tout en réalisant des retables pour les églises d'Arroyo de la Luz (1563-1567), S. Domingo d'Evora (1564), la chapelle de G. Martinez à Higuera La Real (1565) et S. Martín de Plasencia (1567). Selon la tradition, le peintre aurait été ensuite chargé de participer à la décoration de l'Escorial, mais son art déplut à Philippe II, qui lui accorda cependant, en 1581, une pension jusqu'à sa mort. Le répertoire des thèmes traités par Morales est peu étendu : Vierge à l'Enfant, Pietà, Passion du Christ. Il est le créateur d'un type de Madone à l'ovale accusé et aux paupières lourdes, dont le modelé suave est très italianisant : Madone de la pureté (Naples, S. Pietro Maggiore), Sainte Famille (collégiale de Roncevaux et cath. de Salamanque) ; la Vierge à l'Enfant (Londres, N.G. ; Prado ; New York, Hispanic Society). Le Christ portant sa Croix s'inspire très directement d'une composition de Sebastiano del Piombo (Offices, Barcelone et Madrid, coll. part.). Le caractère dramatique qui apparaît dans la Pietà de la cathédrale de Badajoz et dans les œuvres postérieures à 1560 est marqué par l'art flamand, connu par l'intermédiaire de la peinture portugaise ou de gravures : Pietà (Malaga, cath. Madrid, Acad. S.Fernando), Ecce Homo (New York, Hispanic Society ; Madrid, Acad. S. Fernando ; Séville, cath.). Ces visages triangulaires et osseux enveloppés d'une lumière forte, presque lunaire, incarnent un aspect profond de la dévotion religieuse dans les terres arides d'Estrémadure. L'existence de nombreuses répliques et copies, exécutées par des disciples ou des imitateurs, témoigne de sa popularité qui se prolonge tard dans le siècle.

Morandi (Giorgio)

Peintre italien (Bologne 1890  –id.  1964).

Son activité s'est exercée exclusivement à Bologne, où il fréquenta l'Académie des beaux-arts (1907-1913). Morandi commence à graver en 1912 et à peindre l'année suivante. Se situant à l'écart du Futurisme qu'il connaît, les sujets qu'il traite alors (paysages de la campagne bolonaise, natures mortes) témoignent jusqu'en 1916 d'un cubisme austère proche de Braque et de Derain et vont constituer les thèmes essentiels de tout son œuvre pictural et graphique, qui est, d'autre part, fondé sur une étude approfondie des grands exemples toscans (Giotto, Masaccio, Vuccello). Morandi va représenter des sujets rigoureusement choisis et réduits à l'essentiel. À la fin de 1919, il exécute une première série de natures mortes marquées par la " peinture métaphysique ", où apparaissent pour la première fois les thèmes bien connus des mannequins et de la boîte. Il rencontre en 1920 Giorgio De Chirico, puis Carlo Carrà et participe à l'activité de la revue Valori Plastici, et expose à Berlin en 1921. Ses œuvres représentent alors des formes simplifiées et réduites à des archétypes (cylindres, cônes, sphères), représentation frontale rigoureuse, espace dépouillé de tout élément descriptif. Malgré l'abstraction toujours présente des motifs, qui conservent toutefois leur identité, paysages et natures mortes s'imprègnent, à partir de 1918, d'une atmosphère plus intime et plus profondément poétique. Bouteilles, pots, vases de fleurs, vues de la campagne de Grizzana, village des Apennins près de Bologne, constituent les thèmes d'un univers familier (Paysage, 1925). En 1930, Morandi occupe la chaire de gravure à l'Académie de Bologne ; la même année, il participe à la Biennale de Venise. La Quadriennale de Rome en 1939 lui consacre une exposition particulière où figurent une cinquantaine de ses œuvres. Retiré à Grizzana pendant la Seconde Guerre mondiale, il y exécute une série de paysages de la campagne émilienne que l'on a rapprochés des paysages italiens de Corot. Sa première grande exposition particulière, présentée par R. Longhi à la gal. del Fiore à Florence (1945), mit en lumière les caractères fondamentaux de son œuvre. Parmi les nombreuses rétrospectives de Morandi, citons celles de Venise (Biennale, 1948), de Bologne (palais de l'Archiginnasio, 1966), de Paris (M. N. A. M., 1971), de Rome (G. A. M., 1973), de Moscou (musée Pouchkine, id.) et de Bologne (1990). La pinacothèque de Brescia a consacré à Morandi une exposition en 1996.

   L'artiste est représenté notamment dans les musées de Düsseldorf (K. N. W.), de Hambourg (Kunsthalle), de La Haye (Gemeentemuseum), de Saint-Pétersbourg (Ermitage), de Londres (Tate Gal.), de Milan (Brera), de Munich (Neue Pin.), de New York (M. O. M. A.), de Paris (M. N. A. M.), de Turin (G. A. M.), de Winterthur. Au musée civique de Bologne sont réunies de nombreuses œuvres (peintures, dessins, estampes) de l'artiste, permettant de suivre l'évolution de son art. Un centre d'études Giorgio-Morandi y a été créé.

Morazzone (Pier Francesco Mazzucchelli, dit)

Peintre italien (Morazzone, près de Varèse, 1573  – id. 1626).

Après un premier apprentissage, non documenté, en Lombardie, il part pour Rome, où il se forme dans les ateliers des derniers maniéristes (Ventura Salimbeni, le Cavalier d'Arpin). À partir de 1598, il travaille en Lombardie comme peintre de toiles et de fresques, qui lui assurent sa renommée. L'expression des " sentiments " moins pénétrante et moins tragique que chez Cerano, mais non moins intense, le goût de l'effet et du trompe-l'œil de tradition lombarde, le bariolage des costumes à l'espagnole dans les scènes religieuses de ton populaire, le style néo-vénitien de la facture font de Morazzone, avec Cerano et Giulio Cesare Procaccini, un des grands initiateurs du XVIIe s. lombard, bien que ce dernier exprime toutefois dans son œuvre une vision religieuse du monde plus austère et en accord avec l'esprit de la Contre-Réforme.

   Les " Sacri Monti " (sanctuaires) de Varallo, où il travailla à diverses reprises (1602, 1610, 1612), de Varèse (chapelle de la Flagellation, 1609) et d'Orta (v. 1616-1618) offrent de riches témoignages de son évolution stylistique. À ces travaux s'ajoutent les peintures à fresque ou sur toile exécutées au sanctuaire de Rho (Scènes de la légende de saint Georges, fresques), à Côme (Dôme : peintures du " Gonfalone " et peintures de la sacristie ; église S. Agostino : Scènes de la vie de la Vierge ; S. Trinità : la Trinité ), à Varèse (fresques de la chapelle du Rosaire à l'église S. Vittore), aux collégiales de Borgomanero (Scènes de la vie de saint Roch ; Scènes de la vie de saint Charles Borromée) et d'Arona (Scènes de la vie de la Vierge), à Novare (église S. Gaudenzio : fresques et toile de la chapelle de la Bonne Mort), à Plaisance (Dôme : Prophètes). Morazzone travailla aussi pour une clientèle de connaisseurs, comme le Cavalier Marin et Gerolamo Borsieri. À Milan, on trouve ses œuvres dans les églises S. Antonio Abate (Adoration des mages) et S. Angelo (Gloire de saint Charles) et dans les musées (Brera ; Castello Sforzesco : la Pentecôte). Le Martyre de sainte Ruffine et de sainte Seconde (Brera), dit aussi " Tableau des trois mains ", fut exécuté en collaboration avec Cerano et Giulio Cesare Procaccini et illustre bien les strictes affinités de ces trois artistes. Les musées de Paris (E. N. B. S. A. et Louvre), de Varallo, de Florence (Offices), de Milan (Ambrosienne) et les collections particulières conservent les dessins, nombreux et de haute qualité, de Morazzone.