La Farge (John)
Peintre américain (New York 1835 – Providence 1910).
Il était le fils d'émigrés français riches et cultivés et reçut ainsi une excellente éducation classique. Il fut un temps l'élève de Thomas Couture à Paris, voyagea en Angleterre, où, à Manchester, il put voir des œuvres des peintres préraphaélites, mais ne décida de se consacrer à la peinture que plus tard, en 1859, après avoir travaillé avec W. M. Hunt. Il commença par des peintures de fleurs mais une grave maladie l'obligea à s'interrompre. Remis, il accepta la commande de la décoration intérieure de Trinity Church, à Boston, qui venait d'être achevée par le célèbre architecte Henry H. Richardson (1876). Il réalisa pour ce faire décorations murales et vitraux, s'intéressant de près à ces techniques, qu'il contribua à faire revivre sur le continent américain. Il devait travailler à d'autres églises, cette fois new-yorkaises, dans les années suivantes (St. Thomas, 1877-78 ; églises de l'Incarnation et de l'Ascension, respectivement 1885 et 1886-1888). Son talent était alors reconnu (il pratiqua aussi l'aquarelle et donna des illustrations pour divers ouvrages), mais lui-même était considéré comme isolé par rapport aux divers courants qui traversaient la peinture américaine. Il fut l'un des premiers à se rendre au Japon (1886) et fit aussi en 1890-91 un séjour dans les mers du Sud (Maua, our Boatman, 1891, Andover, Mass., Addison Gallery of American Art). On doit également à La Farge des essais et écrits sur l'art, parmi lesquels Considerations on Painting (1895) et An Artist's Letters from Japan (1897).
La Fosse (Charles de)
Peintre français (Paris 1636 – id. 1716).
Il est de bonne heure l'élève de Le Brun, avec qui il collabore dans les années 1650 au séminaire de Saint-Sulpice et à l'hôtel Lambert. De 1658 à 1663, il séjourne à Rome, à Parme et longuement à Venise, dont il gardera toujours l'empreinte.
Après son retour à Paris, Le Brun l'emploie aux Tuileries, puis au grand appartement de Versailles : lunettes du salon de Diane et Sacrifice d'Iphigénie, sur la cheminée ; plafond du salon d'Apollon, 1672-73 (peintures conservées, mais retouchées ; l'esquisse du Lever du soleil est au musée de Rouen). La Fosse fut reçu à l'Académie en 1673 (Enlèvement de Proserpine, Paris, E. N. B. A.), dont il deviendra directeur en 1707 grâce à l'appui d'Hardouin-Mansart. Il peindra divers tableaux de chevalet pour le Grand Trianon (Clytie changée en tournesol, Apollon et Thétys, 1688, en place), pour Marly (Bacchus et Ariane, 1699, musée de Dijon), pour Meudon (Triomphe de Bacchus, 1700, Louvre), pour Versailles (Moïse sauvé des eaux, 1701, Louvre), tableaux dont la composition, parfois un peu embarrassée, est compensée par un coloris doré d'inspiration vénitienne. Auteur de nombreuses toiles religieuses pour les églises et communautés parisiennes ou provinciales (Présentation de la Vierge, 1682, musée de Toulouse ; Résurrection de la fille de Jaïre, Paris, église Notre-Dame de Bercy ; Adoration des Mages, 1715, peinte pour le chœur de Notre-Dame de Paris, Louvre ; plusieurs toiles à l'Ermitage et au musée Pouchkine de Moscou), il est aussi un grand décorateur, dont l'art s'éloigne fortement de Le Brun ou d'un contemporain comme Jouvenet. Il décore notamment l'église Sainte-Marie-de-l'Assomption à Paris (v. 1680, coupole conservée, mais repeinte : Assomption de la Vierge ; esquisse au musée Magnin de Dijon), une partie de l'église des Invalides (1702-1704, coupole avec Saint Louis au ciel, pendentifs avec les Évangélistes, dégradés ; esquisses à Paris, musée des Arts décoratifs) et l'abside de la chapelle du château de Versailles (Résurrection du Christ, 1709, conservée). Ces grandes décorations, avec leurs couleurs chaudes, le dynamisme de leurs formes rondes, l'audace des raccourcis perspectifs font figure d'événement européen et ont certainement frappé un Pellegrini. On sait, d'ailleurs, que La Fosse se rendit en Angleterre de 1689 à 1692, appelé par lord Montagu pour décorer son palais à Bloomsbury Square. Cet ensemble considérable, exécuté avec la collaboration de Monnoyer et de J. Rousseau, a disparu. À la fin de sa vie, La Fosse est un habitué du milieu Crozat, où il rencontre le jeune Watteau. Grand ami de Roger de Piles, il est le meilleur peintre du camp des rubénistes, ou coloristes, dans la querelle qui les oppose aux poussinistes.
La Fresnaye (Roger de)
Peintre français (Le Mans 1885 – Grasse 1925).
Issu d'une famille de Normandie, il se sentit très tôt des dispositions pour le dessin et, ses études classiques terminées, s'inscrivit à Paris à l'académie Julian, où il se lia avec Dunoyer de Segonzac, Lotiron, Boussingault et Luc-Albert Moreau. Conscient de la faiblesse de l'enseignement qui y était dispensé, il la quitta en 1905 et entra en 1908 à l'académie Ranson, où professaient Denis et Sérusier. C'est volontairement et par admiration pour leur œuvre qu'il se soumit alors aux conseils de ces deux " patrons ", qui l'initièrent aux véritables problèmes de la peinture et lui firent découvrir les impressionnistes, Gauguin et Cézanne.
Les débuts
La facture des œuvres qu'il exécuta en 1908 et en 1909 est effectivement très proche tantôt de celle de Maurice Denis (le Printemps, 1908 ; Ève, 1909, France, coll. part.), tantôt de celle de Sérusier (Paysage de Bretagne, 1908, New York, anc. coll. G. Seligmann), tantôt de celle de Gauguin (la Femme aux chrysanthèmes, 1909 ; Nus dans un paysage, 1910, Paris, M. N. A. M.). Mais, si sa véritable personnalité se révèle un peu lente à se dégager, on peut malgré tout en entrevoir déjà la marque dans la Gardeuse de moutons (1909, Libourne, coll. part.) et l'Homme buvant et chantant (1910, Paris, coll. part.), toiles d'un réalisme fortement stylisé et d'une expressivité un peu caricaturale qui les apparentent curieusement à l'imagerie populaire.
Cette tendance à l'imagerie se retrouve au demeurant dans certaines œuvres postérieures, telles que le Cuirassier de 1910 (Paris, M. N. A. M.) ou la Jeanne d'Arc de 1912 (Troyes, musée d'Art moderne, donation P. Lévy), mais ces deux derniers tableaux font entrer en jeu un élément nouveau : l'affirmation résolue des volumes essentiels, procédé que La Fresnaye a hérité de Cézanne, dont il subit profondément l'influence à partir de la fin de 1910. Cette influence se révèle du reste assez différente de celle subie par Picasso et Braque en 1908-1909. En effet, dans la série de ses Paysages de Meulan notamment (1911-12, Paris, M. N. A. M.), La Fresnaye simplifie fortement les volumes et les modèles par un clair-obscur appuyé, mais il se refuse à renoncer aux modulations de la lumière et de l'atmosphère. En l'obligeant à conserver la perspective aérienne, ce refus le gardera malheureusement prisonnier plus longtemps que d'autres de l'espace scénographique classique, dont il parviendra d'autant plus difficilement à se libérer que, tant par éducation que par tempérament, il se montrera toute sa vie fort respectueux de la tradition.
L'influence cubiste
Avec la seconde version de l'Artillerie (1912) et le Portrait d'Alice, exécutés durant l'hiver de 1911-12 et exposés aux Indépendants de 1912 (musée de Lyon), La Fresnaye aborde la période la plus fructueuse de sa production. Renonçant enfin aux règles de la perspective albertienne, il construit alors son espace par le système de superposition des plans inauguré par Picasso et par une utilisation très subtile et personnelle de " passages ", plus cézanniens que cubistes il est vrai, mais qui lui permettent néanmoins de briser, carrément cette fois, l'encombrante carcasse linéaire de la composition traditionnelle. Travaillant par aplats colorés à peine " rabattus " par endroits pour suggérer le modelé, il efface le plus possible les lignes de contour des objets, les réduisant à de simples indications graphiques flottant dans un espace qui n'est plus mesuré, c'est-à-dire dans lequel la profondeur est encore présente, mais sans être nettement évaluée.
Bien plus que la première, la seconde version de l'Artillerie révèle en outre une assez nette préoccupation de l'expression du mouvement : au début de 1912, les futuristes italiens tinrent leur première exposition à Paris (gal. Bernheim-Jeune), événement qui, malgré son caractère passablement tapageur, laissa peu de peintres indifférents.