Bellmer (Hans)
Peintre, dessinateur et graveur français d'origine allemande (Katowice 1902 – Paris 1975).
Tempérament indépendant et rebelle à l'autorité paternelle, il vient à Berlin en 1922, où il suit les cours de la Technische Hochschule (1923-24), se lie avec Georg Grosz, et, au cours d'un séjour de trois mois à Paris (hiver 1924-25), découvre Pascin et prend contact avec les surréalistes. Il doit travailler de 1926 à 1932 comme dessinateur de publicité industrielle. Son art prend forme à partir de la Poupée, mannequin de petite fille dont les membres disloqués et l'expression sentimentale niaise ou équivoque offrent le contraste le plus saisissant et l'aliment le plus vivace à la troublante imagination érotique. À la fin de 1938, Bellmer s'installe à Paris et fréquente le groupe surréaliste. Dessinateur, il procède techniquement de la grande tradition germanique, celle de Grünewald et de Baldung Grien. En esprit, son art est spontanément surréaliste, dans l'expression jaillissante de la " beauté convulsive " réclamée par André Breton ; inlassablement, Bellmer inventorie le domaine interdit de l'érotisme, où concourent l'obsession adolescente, le rêve freudien, la rancune virile et le dégoût de la satiété. Ses courbes chantantes et dures, modelant volumes et cavités, témoignent en faveur d'une lancinante absence ou d'une évidence chaotique aussi désespérée (Mains de demi-mijaurée, 1934 ; Talon-aiguille, 1961). Visionnaire et voyeur, ses " transferts anatomiques " (nez-phallus, narines-testicules, visage se formant sous les fesses) témoignent de la richesse associative d'une imagination qui, dit-il, " puise exclusivement dans l'expérience corporelle " (l'Aigle mademoiselle, gravure du Petit Traité de morale, 1968). Outre ses dessins, Bellmer laisse des peintures, des gravures (à partir de 1944), des sculptures. Il illustre notamment Alcools d'Apollinaire (1948), Justine de Sade (1950), Dialogues de Joë Bousquet (1958). Il expose dans la plupart des manifestations du groupe surréaliste de 1935 à 1958 et participe à la Documenta de Kassel en 1966. Il a plusieurs expositions personnelles, au Stedelijk Museum d'Amsterdam (1970), au C. N. A. C. de Paris (1971). En 1983, le M. N. A. M. de Paris présenta son travail photographique. Cette œuvre rare ne fut longtemps accessible que dans les coll. part. Bellmer est représenté dans de grands musées (Paris, M. N. A. M., et New York, M. O. M. A.).
Bellotto (Bernardo) , dit aussi Canaletto le Jeune
Peintre italien (Venise 1720 – Varsovie 1780).
Fils de Lorenzo Bellotto et de Fiorenza Canal, sœur de Canaletto, il travaille dans l'atelier de celui-ci dès 1735. Entre 1738 et 1743, il est inscrit à la corporation des peintres vénitiens. Le 8 décembre 1740, il signe et date un dessin du Campo dei Santi Giovanni e Paolo de Venise (musée de Darmstadt), dont on retrouve le même sujet dans une peinture conservée au musée de Springfield (Mass.) et dans lequel il montre déjà un accent personnel dans l'interprétation de la " veduta " de Canaletto. En 1742, Bellotto se rend à Rome et probablement à Florence et à Lucques — on date habituellement de cette époque la vue du Pont Saint-Ange (Detroit, Inst. of Arts), où l'intensité des ombres et l'ampleur panoramique prennent déjà un aspect très original. Son orientation naturaliste, qui désormais le distingue nettement de Canaletto, peut être due à l'étude de quelque chef-d'œuvre d'un védutiste du XVIIe s. (Viviano Codazzi ?) et aussi au contact de Joseph Vernet, de peu son aîné, qui, à Rome, a pu le conduire à apprécier certains traits de perfection " hollandaise " dans les paysages de Claude Lorrain. Au cours des années suivantes, Bellotto ne réside pas régulièrement à Venise. En 1744, il travaille en Lombardie pour le comte Antonio Simonetta : Vue de Vaprio sur l'Adda (Metropolitan Museum), la Villa Melzi d'Eril à la Gazzada (Brera). À Turin, en 1745, il peint pour Charles-Emmanuel III de Savoie des Vues de Turin (Turin, Gal. Sabauda). Durant cette période, comme en témoignent certaines de ses œuvres (Dresde, Gg), il séjourne aussi à Vérone, où il semble avoir rencontré le peintre Pietro Rotari. L'étude des portraits de Vittore Ghislandi et des peintures à sujets populaires de Giacomo Ceruti renforce sa profonde vocation naturaliste. En juillet 1747, Bellotto s'installe à Dresde, avec sa femme et son fils Lorenzo, à la cour de Frédéric-Auguste II de Saxe. Nommé peintre de la Cour en 1748, il reste au service de Frédéric-Auguste jusqu'en 1758. Au cours de cette période, il exécute une série de 14 Vues de Dresde (Dresde, Gg) et réalise son chef-d'œuvre dans les 11 Vues de Pirna (id.), série qu'il reprend en format réduit pour le comte de Brühl, Premier ministre, et pour plusieurs amateurs particuliers. Il réalise aussi de belles vues de la Forteresse de Königstein (une à Washington, N. G., 1756-58). On peut supposer qu'il a tiré profit d'une nouvelle méditation des grands paysagistes hollandais du siècle précédent, en particulier des vues urbaines de Gerrit Berckheyde et de Jan Van der Heyden (il a laissé une gravure d'après un tableau, attribué à ce dernier, qui se trouvait dans la collection du comte de Brühl) ainsi que des " Flachlandschaften " (paysages de plaine) de Philips de Koninck. Bellotto est à Vienne, au service de Marie-Thérèse, de 1758 à 1761, où il exécute notamment les Sept Grandes Vues de Vienne et de ses environs (Vienne, K. M.) ; il est à Munich en 1761 (Vue de Munich, Bayerisches Nationalmuseum), puis retourne à Dresde en 1762. Frédéric-Auguste II et le comte de Brühl meurent en 1763. Bellotto perd sa charge de peintre de la Cour, mais, à la fondation de l'Académie des beaux-arts, en 1764, il obtient un poste de professeur de perspective. Il produit alors ses Vues imaginaires (Dresde, Gg ; musée de Varsovie) ainsi que des Allégories (Dresde, Gg). Durant cette " seconde période saxonne ", il abandonne progressivement l'agencement large et préimpressionniste qui marqua ses travaux de Pirna. Son style atteint alors une précision analytique de type néo-classique et néo-hollandais (analogue à celle d'un Johann Zoffany ou d'un Philip Hackert) qui distingue ses œuvres de la dernière période polonaise. En 1767, Bellotto part pour se rendre à Saint-Pétersbourg, mais Stanislas Auguste Poniatowski le retient à Varsovie, où il restera jusqu'à sa mort, et le nomme peintre de la Cour en 1768. Bellotto exécute alors sa célèbre série des Vingt-Quatre Vues de la ville (musée de Varsovie) et deux tableaux historiques : l'Élection de Stanislas Auguste (1778, id.) et l'Entrée de Georges Ossolinski à Rome en 1663 (1779, musée de Wrocław).