Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Flinck (Govert)

Peintre néerlandais (Clèves 1615  – Amsterdam 1660).

C'est Lambert Jacobsz, de passage à Clèves v. 1630, qui l'engagea à peindre et le fit venir à Leeuwarden dans son atelier, où se trouvait aussi Backer, artiste qui suivra une évolution très comparable à celle de Flinck et dont les larges dessins de nus ont tant de points communs avec ceux du maître de Clèves. C'est également avec Backer que Flinck passe ensuite à Amsterdam dans l'atelier de Rembrandt, v. 1632-33. Il travaille à son compte à partir de 1636, date de ses premiers tableaux connus, comme la Bergère (Brunswick Herzog Anton Ulrich-Museum), qui fait pendant au Berger du Rijksmuseum représentant peut-être Rembrandt en berger. C'est le type même d'un excellent élève de Rembrandt, habile à saisir la facture du maître et se hissant parfois presque à son niveau ; mais, tout comme Bol, il fut trop vite flatté par ses succès de portraitiste à la mode pour échapper à la manière mondaine et décorative de Van der Helst et trop ambitieux pour ne pas céder au goût de la grande peinture d'histoire baroque italo-flamande, qui fut commun à tant de rembranisants infidèles (Lievens, Bol, Backer, Ovens, Victors et Albert Eeckhout).

   Dans sa première période, la meilleure, Flinck multiplie à la fois les portraits, les têtes d'études, les scènes religieuses, comme en témoignent son Isaac bénissant Jacob (1638, Rijksmuseum) ou d'attachants portraits, tels que Graswinckel et sa femme (1646, Rotterdam, B. V. B.) ou la Fillette du musée de Nantes, dont les fonds de paysage sont traités dans une belle matière blonde nerveusement triturée. Son rôle précoce dans le domaine du paysage a d'ailleurs pu être récemment souligné (Paysage au pont et aux ruines, 1637, Louvre ; Paysage à l'obélisque, Boston, Gardner Museum, longtemps donné à Rembrandt). Parmi les nombreux chefs-d'œuvre de ces années, citons encore l'incandescent Archer noir (Londres, Wallace Coll.) attribué à Rembrandt jusqu'en 1913, la Petite Fille (1640, Mauritshuis) aux blancs lumineux et nourris, le Jeune Garçon (1640, Birmingham, Barber Inst. of Art), la Jeune Bergère du Louvre, le rayonnant Samuel Manasse ben Israël du Mauritshuis, autre tableau de Flinck portant la signature jadis falsifiée de Rembrandt. Au nombre des tableaux religieux, on relèvera quelques fidèles et heureuses démarcations de Rembrandt, comme l'Annonce aux bergers (1639, Louvre) ou le Sacrifice d'Abraham (1636, Munich, Alte Pin.), immédiatement inspiré par le Rembrandt de l'année précédente (Ermitage). Après 1640, cette influence s'affaiblit : les grands tableaux de corporations militaires de 1642, 1645 et 1648 (Rijksmuseum), habiles mais sans grande originalité par rapport à ceux de Van der Helst, confirment le succès du portraitiste devenu le rival de l'auteur de la Ronde de nuit (pendants, daté, 1646, du Gentilhomme et sa femme de Raleigh, North Carolina Museum ; Couple du musée de Karlsruhe). Le peintre d'histoire n'est pas moins flatté avec les commandes de grandes toiles allégoriques d'un baroque triomphal bien fait pour plaire au poète Vondel, qui surnommait Flinck l'" Apelle de Clèves ", telles que la Naissance (et la mort) du prince Guillaume Henri de Brandebourg (Potsdam, Sans-Souci) ou la Mort du stadhouder Frédéric Henri d'Orange (1654, Rijksmuseum). Le couronnement de la carrière de Flinck devait être ainsi obtenu avec sa Prière de Salomon (1658) et son Marcus Curius Dentatus (1656), gigantesques machines théâtrales, peintes pour le nouvel hôtel de ville d'Amsterdam (auj. au palais royal du Dam, les tableaux étant toujours en place). Bien plus, en 1659, c'est Flinck qui recevait l'immense commande de 12 tableaux historiques pour le même édifice, 8 grandes toiles étant destinées à célébrer la lutte nationale des Bataves contre les Romains, et 4 plus petites à évoquer divers héros du passé. Mais, dès 1660, l'artiste disparaissait, ne laissant que 4 compositions sommairement ébauchées (l'une d'elles, reprise par Jürgen Ovens en 1662, remplacera la Conjuration de Claudius Civilis, exécutée par Rembrandt, mais refusée), et la commande sera répartie entre Bol, Lievens, Backer, Jordaens et Rembrandt lui-même.

flochetage

Terme utilisé par Delacroix pour désigner une technique picturale proche de la division des tons telle qu'il la pratique à la fin de sa vie, dans des œuvres comme la Lutte de Jacob avec l'Ange (Paris, église Saint-Sulpice, chapelle des Saints-Anges, 1861) : " Au lieu de poser la couleur juste à sa place, brillante et pure, il entrelace les teintes, les rompt et, assimilant le pinceau à une navette, cherche à former un tissu dont les fils multicolores se croisent et s'interrompent à chaque instant " (Villot).

Floris (Frans) , dit Floris de Vriendt

Peintre flamand (Anvers v.  1519/20  – id.  1570).

Fils du sculpteur Cornelis Floris, il devint en 1538, à Liège, l'élève de Lambert Lombard qui rentrait d'Italie et, en 1540, s'inscrivit comme maître à la gilde d'Anvers. Vers 1541, il partit pour Rome, où il fut profondément impressionné par le Jugement dernier de Michel-Ange, d'après lequel il fit de nombreux dessins, et par les Loges de Raphaël au Vatican ; il voyagea aussi à Mantoue, étudiant Giulio Romano, à Gênes et à Venise. Floris subit ainsi l'influence de Tintoret, de Vasari, de Daniele da Volterra, de Salviati et de Zuccari, autant que les antiques. De retour à Anvers en 1547, il connut un succès énorme et acquit bientôt une fortune considérable qui lui permit de se faire construire une demeure somptueuse, de style italien. Devenu le principal représentant du Romanisme à Anvers, Floris peignit avec virtuosité des sujets religieux, des compositions mythologiques, des portraits et dirigea un atelier fréquenté par plus de cent élèves. Considéré par ses contemporains comme un novateur important, il eut une grande influence sur son entourage non seulement du fait des nombreuses compositions religieuses destinées aux églises d'Anvers, de Bruxelles, de Delft entre autres, mais aussi en raison des multiples dessins qu'il proposa aux graveurs, Cornelis Cort et Fr. Menton par ex.

   Dès le début de sa carrière, Floris voulut s'imposer par ses connaissances apportées d'Italie. Ses premiers tableaux signés et datés remontent à 1547 : triptyque avec Cinq Saints (Rome, coll. part.), où se reflètent des influences vénitiennes ; Vénus et Mars pris dans le filet de Vulcain (loc. inc.). Dans ce dernier tableau, Floris s'est inspiré du style de Lucas de Leyde. La Chute des anges rebelles du musée d'Anvers, commandée par la gilde des escrimeurs de la ville, porte un monogramme et la date 1554. L'artiste a essayé ici d'égaler le style héroïque et monumental de Michel-Ange, sans vraiment rendre vivants les mouvements et les formes, qu'il a voulus grandioses. En 1554, également, fut exécuté le triptyque avec le Calvaire de l'église d'Arnstadt. La Joueuse de harpe (1555) et le Saint Luc (1556, musée d'Anvers) ne se distinguent guère des productions courantes et soignées de l'époque. Dans tous ces tableaux, où il renie quelque peu la tradition flamande dans son besoin de couleurs intenses et son lien très sûr avec la réalité, Floris ne parvient guère à s'affirmer. Son vrai talent se manifeste en deux portraits signés de 1558 qui forment pendants : la Dame âgée (musée de Caen) et le Fauconnier (Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum). Contrairement à la conception des portraits contemporains, où les personnages sont représentés dans une pose raide et conventionnelle, Floris a su capter d'une façon directe et magistrale l'exactitude de la physionomie, la mobilité de l'expression du visage, la sensation de l'instantané et le charme d'une présence vivante libérée de toutes conventions. La sincérité émouvante de ces chefs-d'œuvre ne se retrouve pas dans l'Adam et Ève (1560, Offices) ni dans le Banquet des dieux marins du Nm de Stockholm, qui porte un monogramme et la date 1561. Ce dernier tableau ne diffère pas sensiblement de l'Assemblée des dieux, peinte en 1550 et conservée au musée d'Anvers. La volonté de l'artiste d'égaler les Italiens dans ces sortes de compositions n'aboutit pas toujours à un résultat satisfaisant : il ne parvient guère à créer une impression d'espace ni à établir un rythme synthétique liant les groupes divers de sa composition. Également laborieux paraît le Jugement dernier de 1565 (Vienne, K. M.). Une version plus grande de ce thème figure dans un triptyque du M. R. B. A. de Bruxelles signé d'un monogramme et daté 1566. L'Adoration des mages (Bruxelles, M. R. B. A.), inachevée à la mort du peintre, a été reprise par son élève Hieronymus Francken et porte les monogrammes des deux peintres ainsi que la date 1571. Vu à travers ses œuvres attestées, le style de Floris ne semble pas avoir évolué d'une façon remarquable ; l'enthousiasme de Van Mander et de ses contemporains ne peut être partagé sans réserve devant les tableaux de ce peintre virtuose que trahit en général sa facilité.