Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

Passeri (Giovan Battista)

Peintre et écrivain d'art italien (Rome 1610  – id. 1679).

Élève de Dominiquin, il a écrit une suite des Vite de Baglione, intitulée Vite de' pittori, scultori ed architetti che hanno lavorato in Roma, morti dal 1641 fino al 1673, publiée après sa mort avec des corrections stylistiques par G. L. Bianconi (Rome 1772). C'est la source principale pour l'art du Baroque romain. L'une des rares peintures connues de G. B. Passeri est une scène de genre (Repas dans un jardin, Dublin, N. G.).

   L'artiste eut pour élève son neveu Giuseppe (Rome 1654 – id. 1714) , qui fut formé aussi par Carlo Maratta, dont il devint l'un des plus fidèles et plus habiles disciples. Ses œuvres, de grandes toiles religieuses, sont pour la plupart conservées dans les églises de Rome (S. Maria in Aracoeli, S. Caterina a Magnanapoli, S. Maria in Campitelli, S. Sebastiano fuori le Mura, S. Giacomo degli Incurabili). Peu avant sa mort, Giuseppe peignit Saint Pierre baptisant dans sa prison (Urbino, San Francesco), qui servit pour une mosaïque du baptistère de Saint-Pierre de Rome (1719).

Passerotti (Bartolomeo)
ou Bartolomeo Passarotti

Peintre italien (Bologne 1529  – id.  1592).

Peintre et graveur, il est formé en dehors de Bologne et échappe en partie au courant du Maniérisme académique du dernier tiers du siècle, auquel mettra fin l'art des Carrache. Avant ces derniers, qui s'opposeront à lui, il fonda une académie à Bologne. Passarotti travaille à Rome, où il est appelé par Vignole, entre 1550 et 1555 ; il étudie Michel-Ange (influence visible essentiellement dans ses dessins), devient élève de Taddeo Zuccaro et acquiert une certaine réputation comme portraitiste, genre qu'il continuera à pratiquer jusqu'à la fin de sa vie. De retour à Bologne en 1560, il peint la Vierge en gloire avec des saints de S. Giacomo Maggiore (1564-65), marquée, curieusement, par le souvenir de l'école de Parme, en particulier par Corrège, et ouvre un atelier fréquenté par Agostino Carracci. Peu à peu, il évoluera vers le Maniérisme bolonais de Samachini et de Lorenzo Sabatini, dans des peintures au coloris pâle, légèrement désaccordé : Vierge en gloire avec saints dominicains (Bologne, S. Petronio, 1570) ; Crucifixion avec saint François et saint Bartholomé (Bologne, S. Giuseppe, v. 1575 ; détruite) ; Présentation de la Vierge au Temple (Bologne, P. N., v. 1583).

   À côté de son œuvre de portraitiste (la Famille Perracchini, 1569, Rome, Gal. Colonna), abondants et qui comprend d'impressionnantes effigies d'un naturalisme comme stylisé, il existe un autre aspect, plus rare, de la peinture de Passarotti, dont l'originalité doit être soulignée : celui de la scène de genre, combinant la nature morte et la caricature, parfois très réaliste, représentant souvent des scènes de boutiques de boucher. Il en subsiste peu d'exemples (Rome, G. N., Gal. Barberini ; Florence, fondation Longhi ; Rome, coll. Zerit). Ceux-ci peuvent être datés v. 1575 ; l'inspiration en est nettement flamande, du type de la peinture de Pieter Aertsen, qui avait déjà trouvé un écho à Crémone chez Vincenzo Campi. Il est probable que ces scènes de genre sont en partie à l'origine de celles d'Annibale Carracci.

Passignano (Domenico Cresti, dit)

Peintre italien (Florence 1559  – id. 1638).

Formé à Florence dans le milieu des peintres travaillant au studiolo de François Ier : G. Macchietti, G. B. Naldini, G. Stradano, il participe au décor de la coupole du Dôme de Florence comme assistant de Federico Zuccari (1574/75-1579). Passignano est à Rome en 1580 et à Venise, jusqu'en 1588, en compagnie de ce dernier. Il rentre à Florence avec une maîtrise qui se révèle dans deux fresques monumentales de la chapelle Salviati à S. Marco (scènes de procession), où travaillent également Allori, Naldini et Poppi, et dans les retables peints pour de nombreuses églises tant à Florence (Prédication de saint Jean-Baptiste à San Michel Visdomini ; Résurrection à la S. Annunziata), qu'à Rome : (Saint Vincent Ferrier à S. Giovanni dei Fiorentini ; Annonciation à la Chiesa Nuova). Il est apprécié par Clément VIII qui lui commande la Crucifixion de saint Pierre pour la basilique. À Rome, Passignano décore en outre Sant Andrea della Valle (fresques de la chapelle Barberini commandées par Maffeo Barberini), travaille à la basilique Saint-Pierre (Incrédulité de saint Thomas, 1625) et à Santa Maria Maggiore (fresques de la sacristie commandées par Paul V).

pastel

Crayon de couleur en bâtonnet fabriqué à partir de divers éléments : couleurs pulvérisées et terre blanche broyée, malaxées sous forme de pâte avec de la colle, de la gomme arabique, parfois du miel ou du lait et façonnées en petits cylindres, qui sont mis à sécher. Dessin en couleurs exécuté avec des crayons de pastel.

   L'étymologie du mot pastel indiquerait une origine italienne (pasta, [pâte]) ; cependant, d'après un texte de Léonard de Vinci (folio 247 du Codex Atlanticus, Milan, bibl. Ambrosienne), la technique du pastel, qu'il dénomme le " mode de colorier à sec ", lui aurait été révélée à la fin du XVe s. par un artiste français, Jean Perréal, venu à Milan en 1499 avec Louis XII.

   Rares sont les exemples de pastels de cette époque qui nous soient restés (Portrait de Juvénal des Ursins par Fouquet, au cabinet des Estampes de Berlin ; Portrait d'Isabelle d'Este par Vinci, au Louvre, où le pastel n'intervient qu'en légers rehauts). En effet, à ses débuts et pendant tout le XVIe s., le pastel est surtout utilisé pour rehausser de quelques touches colorées certains portraits dessinés : en France, ceux de Jean Clouet et de son fils François, de François Quesnel, de Daniel Dumonstier ; en Italie, ceux de Jacopo Bassano, de Barocci ; en Hollande, ceux de Hendrick Goltzius. Cependant, il ne faut pas confondre le pastel avec la technique dite " des trois crayons " (pierre noire, sanguine et craie blanche) : le pastel est un matériau plus tendre, plus velouté, plus volatile.

   Au XVIIe s. son emploi se généralise. Le pastel s'affirme comme une technique indépendante, parfaitement adaptée pour les portraits : ceux de Le Brun (portraits de Louis XIV), de Robert Nanteuil, de Vivien (portraits de la famille royale ou de grands personnages de la Cour) et, en Italie, ceux des Carrache ou de Sebastiano Mazzoni, lesquels utilisent aussi le pastel pour des sujets autres que les portraits.

   C'est en 1665, en France, qu'un pastel est donné pour la première fois comme sujet de réception à l'Académie royale : il s'agit de celui de Nicolas Dumonstier, représentant le Portrait d'Errard. La seconde fois, ce furent, en 1701, les pastels de Vivien, Portrait de François Girardon et Portrait de Robert de Cotte (Louvre), qui valurent à leur auteur d'être reçu à l'Académie comme " peintre en pastels ". Vivien était alors le premier à exécuter des portraits en pied, grandeur nature, créant ce type d'effigies solennelles, majestueuses, que le XVIIIe s. allait voir se développer.

   La plus grande production de pastels se situe, en effet, à cette époque. Le pastel est alors exécuté, le plus souvent, sur un support de papier ou de carton, de teinte généralement gris-bleu ou gris-beige. Il peut l'être également sur un parchemin ou sur une toile préalablement apprêtée, mais les exemples sont plus rares. Le support est habituellement collé sur un châssis entoilé, puis il est encadré afin d'éviter tout frottement. Le problème essentiel étant celui de la fixation du pastel sur son support, on pulvérise sur toute la surface de l'œuvre un " fixatif ", dont l'emploi ne se généralisera qu'au cours du XVIIIe s. Les principales qualités du pastel sont la souplesse, la rapidité de l'exécution, la variété dans la facture : hachures (fines ou écrasées), touches fondues ou complètement estompées. Le pastel permet aussi de superposer plusieurs couches sans avoir à effacer. De plus, la traduction parfaite qu'il donne de la matière d'un épiderme contribue à en faire une technique de prédilection pour le rendu des portraits. D'autres avantages interviennent, qui sont autant de facilités lors de l'exécution de portraits de commande : la faculté de " croquer " rapidement un visage et son expression sans exiger du modèle de longues heures de pose, la possibilité des " reprises ", la maniabilité donnée par le support (la tête seule des très grands personnages pouvait être dessinée devant le modèle sur un feuillet de petites dimensions ; le fragment était ensuite emporté à l'atelier, où il était raccordé à l'ensemble du portrait, composé de plusieurs feuillets de papier assemblés et collés). M. Q. de La Tour, l'auteur de nombreux portraits officiels des personnages de la Cour, a eu souvent recours à cette technique, ainsi pour le Portrait de la marquise de Pompadour, au Louvre, de dimensions imposantes.

   En dehors des portraits de commande réalisés par La Tour, A. Labille-Guiard, G. Lundberg, il faut insister sur la variété que peuvent prendre les différents portraits au cours du XVIIIe s. en Europe : avec Liotard, Perronneau, dont le talent de coloriste est immense, ils sont plus réalistes ; avec Chardin, dont les pastels tardifs sont d'une qualité exceptionnelle, Boze, Russell, ils sont plus intimistes ; avec Nattier, Boucher, Vigée, Piazzetta ou Rosalba Carriera, plus allégoriques. Cette dernière, qui travaillait à Venise, eut une influence importante, dès le début du XVIIIe s., sur le développement du pastel en France (elle vécut à Paris d'avril 1720 à mars 1721), puis dans toute l'Europe.

   Au XIXe s., en France, si le pastel est toujours utilisé pour les portraits (Manet, Degas et Toulouse-Lautrec en donnent les exemples les plus magistraux), il devient surtout un excellent moyen pour la traduction des paysages (Delacroix, Millet). Il va convenir, encore mieux, aux impressionnistes : le pastel, si vaporeux, est parfait pour traduire les impressions les plus fugitives (Boudin, Monet, Berthe Morisot, Renoir, Degas, dont la série des Plages est admirable, et qui fit du pastel sa technique privilégiée à la fin de sa vie). Les artistes symbolistes trouvent dans les couleurs des pastels les nuances les plus étranges pour traduire leurs visions (Puvis de Chavannes, Gauguin, et surtout Odilon Redon, qui fait de ce matériau l'une de ses techniques favorites [le Bouddha du musée d'Orsay]).

   Les artistes " 1900 " utilisent le pastel avec une prédilection particulière pour leurs paysages, aux couleurs souvent violentes (Dulac, Le Sidaner, Ménard), et pour leurs portraits, à la fois visionnaires et intimistes, où apparaissent, évanescentes, de pâles silhouettes (Lévy-Dhurmer, Aman-Jean, Eugène Loup).

   Au XXe s., le pastel reste une technique très en faveur, si l'on en juge par les œuvres de Picasso, Kupka, Sonia et Robert Delaunay, Balthus, Wifredo Lam, Matta, Sam Szafran, Atlan. Il est utilisé, dans la majeure partie des cas, pour ses couleurs les plus éclatantes, jaillissant en teintes pures sur le fond blanc du papier.