Balthus (Balthazar Klossowski de Rola, dit)
Peintre français (Paris 1908 – Rossinière, canton de Vaud 2001).
Fils d'un père critique d'art et d'une mère peintre, il fit, grâce à sa famille, la connaissance de Bonnard, de Roussel et de Derain. Il peignit dès l'âge de seize ans et rencontra en Suisse le poète R. M. Rilke, qui fit publier ses premiers dessins et les préfaça (Mitsou : quarante images, Zurich et Leipzig, 1921). Les tableaux exécutés av. 1930, notamment des scènes parisiennes, reflètent diverses influences, dont celle de Bonnard (le Jardin du Luxembourg, v. 1927). Balthus fit sa première exposition à Paris en 1934 (gal. Pierre). Sa thématique et son style se précisent vers cette époque : scènes de la vie quotidienne (la Rue, 1933, New York, M. O. M. A.), scènes d'intérieur (Alice, 1933, M. N. A. M. ; Jeune Fille au chat, 1937), portraits (Derain, 1936, New York, M. O. M. A. ; Miró et sa fille, 1937-38, id. ; la Femme à la ceinture bleue, 1937, musée d'Amiens) ; s'apparentant plus peut-être au réalisme fantastique des peintres allemands (Grosz, Dix, Beckmann) ou à celui du groupe français Forces nouvelles (1935) qu'au Surréalisme proprement dit, dont il a retenu l'intérêt (il se lia avec Antonin Artaud et Giacometti). Dès cette époque, s'affirme ce qu'on a pu appeler l'" érotisme intimiste " de Balthus : fillettes dans des intérieurs, endormies, à leur toilette, candides ou perverses, paisibles ou angoissées (Thérèse rêvant, 1938 ; la Chambre, 1949-1952). On a souvent souligné la rigueur toute classique de la composition chez Balthus, grand admirateur de Piero della Francesca, fidèle à la tradition de Cézanne et de Seurat, ainsi que l'aspect scénographique de sa mise en page (le Passage du Commerce-Saint-André, 1952-1954, Paris, coll. part.). Son métier économe et mesuré doit à la méditation des fresques médiévales le goût des aplats mats et savoureusement grumeleux ; il donne au dessin une apparente primauté sur la couleur, qui se fait plus subtile aux environs de 1960, notamment dans ses paysages du Morvan (Chassy), qui concilient l'eurythmie cézannienne et la géométrie rigoureuse et émerveillée des panoramas du quattrocento. Précieux dessinateur, passant aisément d'une technique à l'autre (crayon, plume, fusain, aquarelle), Balthus a laissé des illustrations pour les Hauts de Hurlevent (1933) d'Emily Brontë, des décors de théâtre pour les Cenci adaptés par son ami Artaud (1944), pour Cosi fan tutte (festival d'Aix-en-Provence) et pour la Peste et l'État de siège de Camus, qui préfaça son exposition à la gal. P. Matisse à New York en 1949. Le peintre aime à traiter à plusieurs reprises le même thème, donnant parfois de savantes variantes d'une même composition, avec un goût des " séries " qui évoquent, là encore, Cézanne : la Partie de cartes 1948-50, Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza ; 1948-1950, Grande-Bretagne, coll. part. ; 1973, Rotterdam, B. V. B.) ; le Rêve (1955-56 ; 1956-57) ; les Trois Sœurs (1959-1964 ; 1964-1960-1965). La grande culture de Balthus, familier de Piero et d'Uccello, qui connaît tout de Poussin et d'Ingres, lui permet d'apparaître parfois tout proche de Courbet (la Montagne, 1937, New York, Metropolitan Museum) et, d'autres fois, d'être sollicité par les tentations les plus diverses de l'art oriental (la Chambre turque, Paris, M. N. A. M. ; Figure à la table rouge, 1967-1976, New York, coll. part.).
Directeur de la villa Médicis de 1961 à 1977, Balthus, qui a peu exposé, bénéficia d'importantes rétrospectives au musée des Arts décoratifs de Paris en 1966, à la Tate Gal. de Londres en 1968, au musée de Marseille en 1973, au Centre Pompidou et au Metropolitan Museum en 1983-84, à Lausanne en 1993, à la Villa Médicis, à Rome, en 1990. Les œuvres récentes (le Peintre et son modèle, 1980-81, M. N. A. M. ; le Chat au miroir II, 1987-90) continuent de le désigner comme l'héritier de la tradition du XIXe s. issu de Degas, de Cézanne et de Bonnard. La réserve d'un homme qui répugne à se livrer, la rareté de ses toiles, longuement élaborées, exercent une véritable fascination sur un public fervent d'amateurs exigeants. L'œuvre de Balthus, qui comporte moins de trois cents œuvres, est présente dans les grands musées d'Europe et des États-Unis et dans des coll. part. Le musée Cantini (Marseille) conserve le Baigneur, 1960.
Bamboccianti
On désigne sous le nom de Bamboccianti, peintres de bambochades, les peintres de la vie populaire de la Rome du XVIIe s. L'appellation vient du surnom de " Bamboche " donné à Pieter Van Laer et dû à sa difformité (son Autoportrait, aux Offices, montre le nabot en train de peindre). Arrivé à Rome en 1625, Van Laer avait introduit, durant les quatorze années de son séjour dans la capitale des arts, une vision nouvelle de la réalité, faite de l'observation directe du quotidien le plus banal, vision qui, pour être traditionnelle dans la peinture de genre nordique (P. Bruegel l'Ancien), n'en était pas moins nouvelle à Rome et tranchait avec le réalisme poétique et grandiose de Caravage. Ce genre, en marge de la grande peinture officielle, mythologique ou religieuse, et qui se répandit à travers toute l'Europe, fut adopté par de nombreux peintres italiens et étrangers établis ou de passage à Rome : d'abord Jan Miel, Lingelbach, Helmbrecker, Cerquozzi, qui firent des bombochades leur spécialité, mais aussi Karel Dujardin, Bourdon, Tassel et Sweerts, qui surent chacun ajouter une note personnelle et originale à la formule de Pieter Van Laer, dont Claude Lorrain lui-même subit l'influence au début des années 1630.
Des scènes de rues, où l'anecdote le dispute au pittoresque, sont décrites dans ces " bambochades ", en général sur des panneaux de petit format, sans que l'artiste tombe dans la caricature. Au contraire, et différant souvent en cela des exemples nordiques, c'est avec une réelle pitié devant ces drames de la vie populaire, une émouvante compréhension devant ces scènes de tous les jours (Cerquozzi, la Mort de l'âne, Rome, Gal. Spada) que les Bamboccianti dépeignent la vie des petites gens de Rome : camelots, mendiants, artisans, commerçants ou simples badauds. Ils annoncent ainsi les grands exemples d'un Velázquez ou d'un Le Nain, plus tard d'un Ceruti ou même d'un Manet.