Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Critz (John de)

Peintre anglais ( ? 1552  – Londres 1641).

Originaire des Pays-Bas, il arriva en Angleterre en 1568 ; sa vie et son œuvre restent très énigmatiques. On sait qu'il fit un voyage à l'étranger en 1580, encouragé par son protecteur sir Francis Walsingham, qu'il visita la France, Fontainebleau en particulier, et probablement l'Italie. Il fut élevé en 1603, par Jacques Ier, au grade de " Serjeant Painter " en même temps que Leonard Figer et, à partir de 1607, il partagea cet honneur avec Robert Peake. Bien qu'il n'existe aucun tableau signé, son œuvre doit avoir été important ; on lui attribue, autour des années 1580, de nombreux portraits qui se rattachent à la tradition des portraits bourgeois anversois : Sir Francis Walsingham (v. 1585, Londres, N. P. G.) ; un second groupe comprend, au début du XVIIe s., des effigies quelque peu stéréotypées de personnages officiels : Thomas Sackeville, 1er duc de Dorset (1601, Londres, N. P. G.), Robert Cecil, 1er duc de Salisbury (1602, id.), et différentes versions de Jacques Ier (l'une dans la coll. de l'université de Cambridge). En outre, il est l'auteur, avec Maximilian Colte, du Monument de la reine Élisabeth, à Westminster.

Crivelli (Carlo)

Peintre italien (Venise v. 1430/1435  – Ascoli Piceno vers 1493/1500).

La première date concernant Carlo Crivelli, fils d'un certain Jacopo, Vénitien et peintre également, est celle de 1457, lors d'une condamnation à Venise pour adultère. On ne sait rien de sa formation, dont on déduit toutefois l'orientation initiale par les caractères de sa première œuvre signée, la Vierge de la Passion (Vérone, Castel Vecchio), qui, par son goût inventif, révèle tous les éléments formels et décoratifs de l'ardente culture padouane du milieu du XVe s., culture propre à Squarcione et à son école, mais déjà tournée vers ces nouveautés de la Renaissance qui, importées en Vénétie par les Toscans (Donatello, Lippi), avaient déterminé la révélation de la personnalité de Mantegna.

   Après quelques années passées à Zara (en 1465, il était citoyen de la ville), le peintre retourne en 1468 dans les Marches, où il signe et date le Polyptyque de l'église S. Silvestro de Massa Fermana et où, travaillant dans les différents centres de la région, il restera jusqu'à sa mort. L'isolement culturel qui est le sien dans cette région (où il ressent cependant quelques reflets de l'école de Ferrare et des échos de l'influence flamande apportée à la cour des Este par Rogier Van der Weyden) le conduit à approfondir et à faire évoluer la stimulante leçon des Padouans grâce à un système d'introspection original, singulièrement imprégné tout à la fois de l'esprit du Gothique tardif et de celui de la Renaissance.

   Crivelli a laissé dans les Marches de nombreux polyptyques. La reconstruction de certains d'entre eux, auj. démembrés, a été suggérée par la critique récente. Tel est le cas du Polyptyque de Porto San Giorgio, divisé entre la N. G. de Londres (Saints Pierre et Paul), celle de Washington (Madone, panneau central), le Gardner Museum de Boston (Saint Georges et le dragon), l'Inst. of Arts de Detroit (Pietà), les musées de Tulsa (Deux Saints) et de Cracovie (Deux Saints).

   La structure de ces compositions, de goût gothique, et l'usage constant du fond or, qui traduit une tendance quelque peu archaïque du peintre, s'accompagnent d'un sentiment formel tout à fait " moderne ", en accord avec la vision de la Renaissance, qui se manifeste dans le relief nettement plastique donné aux figures et dans une volonté très claire de situer ces dernières dans l'espace à travers une recherche rigoureuse de la perspective : les diverses Scènes de la Passion de la savoureuse prédelle du polyptyque de Massa Fermana le montrent bien.

   Il est difficile d'établir une chronologie précise pour la suite des Vierges de Crivelli, depuis le chef-d'œuvre du musée de Corridonia jusqu'aux Madones de Bergame (Accad. Carrara), d'Ancône (Museo Civico), œuvre sans doute de jeunesse, du musée de San Diego, du Metropolitan Museum ; seule la Vierge, fragment d'un polyptyque du musée de Macerata, est datée (1470). L'Adoration des bergers de Strasbourg (musée des B.-A.) peut appartenir à ce moment stylistique de Carlo Crivelli.

   Le langage de l'artiste atteint sa véritable maturité dans le grand Retable à trois étages de la cathédrale d'Ascoli (1473), resté intact. Le raffinement de la modulation plastique, le rythme anguleux des compositions, les minutieuses descriptions élaborées avec une graphie suraiguë et un goût plein de fantaisie pour les situations paradoxales, l'élégance fastueuse des vêtements et jusqu'à la mimique si précieuse des mains (on en voit un autre exemple dans la Sainte Madeleine du Rijksmuseum) font de ce retable un chef-d'œuvre. Le Triptyque de Montefiore dell'Aso (église S. Lucia), attribué en totalité à Crivelli et faisant partie d'un polyptyque de reconstruction problématique (en feraient également partie la Vierge, panneau central, et le Saint François du M. R. B. A. de Bruxelles, la Pietà de la N. G. de Londres et une série de Saints constituant la prédelle et dispersés en particulier entre les musées de Detroit, de Williamstown, d'Honolulu), est une autre œuvre fort importante dans l'évolution du peintre.

   Ces grandes réussites marquent aussi la limite des possibilités expressives de l'artiste, limite à laquelle succède un recul stylistique dans le sens d'une peinture plus maniérée et plus décorative, soutenue toutefois par un style toujours extrêmement raffiné ; la Vierge à la bougie de la Brera (apr. 1490), centre d'un polyptyque jadis dans la cathédrale de Camerino, dont faisaient partie des Saints auj. conservés à Venise (Accademia), en est le parfait exemple. La dernière œuvre connue de Crivelli est le Couronnement de la Vierge (1493, autref. église des Franciscains à Fabriano, auj. Brera), composition extrêmement dense et d'une décoration chargée, avec une lunette figurant la Pietà ; à l'expressionnisme flamboyant qui marque les versions précédentes du même sujet (Pietà de Detroit et de Londres déjà citées ; Pietà du Metropolitan Museum, du Museum of Art de Philadelphie et du M. F. A. de Boston) succède ici une note sentimentale plus alanguie ; on remarque des fragments fort saisissants de vraie " nature morte ". Parmi les autres œuvres importantes de la deuxième partie de la carrière de Crivelli, on peut encore citer les deux retables de la N. G. de Londres, provenant de S. Domenico d'Ascoli, autrefois réunis en un seul polyptyque sous le nom de Retable Demidov (l'un d'eux est daté de 1476), le Saint Jacques de la Marche (1477, Louvre), la Madone du musée de Budapest, le triptyque venant du dôme de Camerino (1482, Brera, pinacles partagés entre le Städel. Inst. de Francfort et la coll. Abegg de Zurich), la célèbre Annonciation venant de l'Annunziata d'Ascoli (1486, Londres, N. G.), le Bienheureux Gabriele Ferretti en extase (autref. à S. Francesco d'Ancona) et le Retable Odoni (autref. à S. Francesco de Matelica) du même musée, enfin la Remise des clefs à saint Pierre (1488) des musées de Berlin.

 
Vittore (Venise v. 1440 – Fermo 1501) suit son frère Carlo à Zara en 1465 et ensuite dans les Marches, où il développe une vaste activité entièrement soutenue par l'exemple de son aîné, avec qui toutefois il ne collabore que rarement (Polyptyque de l'église S. Martino à Monte San Martino, Macerata). La systématisation des modèles de Carlo est évidente dans les cinq œuvres de Vittore conservées à Avignon (Petit Palais). On conserve des exemples de son art dans de nombreux musées et églises des Marches.