Cornelius (Peter von)
Peintre allemand (Düsseldorf 1783 – Berlin 1867).
Il fait ses études de 1795 à 1809 à l'Académie de Düsseldorf, où son père Aloÿs est peintre, professeur et conservateur ; il subit d'abord l'influence de l'école de David (Ulysse et Polyphème, 1803, Coblence, château de Stolrenfel ; Athena enseignant aux femmes, 1808, Düsseldorf, Kunstmuseum), puis celle des primitifs allemands, qu'il étudie dans la collection des frères Boisseree (la Sainte Famille, 1809, Francfort, Städel. Inst.). Cornelius s'installe à Francfort jusqu'en 1811 et y commence un cycle de dessins consacré au Faust de Goethe, terminé en 1816. En 1811, il part pour Rome et adhère au groupe des Nazaréens, au sein duquel il jouera bientôt avec Overbeck un rôle prépondérant. Dans son style, alors imprégné de l'art de Raphaël et de Michel-Ange, fusionnent l'idéal nazaréen et un classicisme inspiré de Carstens (les Vierges sages et les vierges folles, 1813-1819, Düsseldorf, K. M.). De 1816 à 1818, il collabore avec les Nazaréens aux fresques de la Casa Bartholdy, demeure du consul général de Prusse à Rome (Joseph reconnu par ses frères, Berlin, N. G.), et, en 1817, à celle de la villa du marquis Massimo, où il exécute une esquisse de plafond inspirée du Paradis de Dante. En 1819, il est appelé par le prince Louis de Bavière à Munich pour décorer la glyptothèque, où il traite des sujets inspirés d'Hésiode et d'Homère, et enseigne à l'Académie. De 1830 à 1840, il exécute des fresques dans l'église Saint-Louis de Munich, (Jugement dernier). Directeur de l'Académie de Düsseldorf (1821-1824), puis de l'Académie de Munich (1825-1841), il exerce une influence profonde et est considéré comme le représentant de la peinture d'histoire idéaliste, utilisant le vocabulaire de la permanence : formes pleines et forts contrastes lumineux sont traités dans un style linéaire mêlé de maniérisme. En 1840, Cornelius est appelé par Frédéric-Guillaume IV de Prusse à Berlin ; il exécute alors des esquisses (musées de Berlin) pour des fresques (non réalisées) destinées à la décoration d'une sépulture des Hohenzollern : les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, influencés par Dürer et par les œuvres de Phidias qu'il vit à Londres. Même si son influence sur ses contemporains fut fortement combattue, à partir de 1840 env., par les progrès du Réalisme, on lui doit une tentative de résurrection de l'art monumental qui est à l'origine de l'art " colossal " allemand de la fin du XIXe s. Ses compositions dépassent largement la rhétorique des grandes machines pour atteindre une dimension visionnaire. Il eut de grands admirateurs en France, comme Ingres, Gérard et Delacroix.
Cornell (Joseph)
Peintre américain (Nyack 1903 New York 1972).
Joseph Cornell est sans conteste le plus grand et le plus original des artistes surréalistes américains. Autodidacte, il fréquente les milieux artistiques new-yorkais au début des années 30. C'est par l'intermédiaire de Julien Levy, dont il visite la galerie dès son ouverture à New York en 1931, qu'il sera influencé par le Surréalisme. Il a sa première exposition dans cette galerie dès 1932 et y présente des collages. À son origine, l'art de Joseph Cornell est marqué par un certain nombre d'artistes, au premier rang desquels se trouvent Marcel Duchamp avec sa Boîte en valise, Giorgio De Chirico avec ses compositions métaphysiques (Grand Intérieur métaphysique, New York, M. O. M. A.) mais aussi Max Ernst et Salvador Dalí, que Joseph Cornell rencontrera bientôt à l'occasion de son exposition chez Julien Levy. Le tableau de Max Ernst Deux enfants sont menacés par un rossignol (1924, New York, id.), avec ses éléments en relief, et, d'autre part, la technique et les thèmes de la série de collages de Max Ernst intitulée la Femme 100 têtes ont été déterminants pour lui, tout autant que les différentes productions de l'art populaire, telles que reliquaires, boîtes à musique, coffrets à bijoux, bouliers d'enfants et boîtes d'entomologiste. Enfin, le monde du cinéma, avec en particulier ses actrices (Lauren Bacall), a été l'une de ses sources d'inspiration privilégiées. En 1936, Joseph Cornell expose dans la grande manifestation organisée par Alfred Barr au Museum of Modern Art de New York et intitulée " Phantastic Art Dada and Surrealism ". Dès ce moment, son style est formé. Il élabore des collages et des assemblages d'objets, qui s'apparentent aux reliquaires (A Pantry Ballet for Jacques Offenbach, 1942), qui peuvent être aussi des boîtes (Portrait of Ondine, v. 1940), des coffrets avec un couvercle (l'Égypte de Mlle Cléo de Mérode — cours élémentaire d'histoire naturelle, 1940, contient des petits flacons renfermant différents objets et matières). Ses œuvres peuvent aussi s'apparenter à des machines à jouer (Penny Arcade, Portrait of Lauren Bacall, 1945-46) ou rappeler des petites armoires familiales (Pharmacy, 1947). Elles rassemblent images, photos, gravures, reproductions de tableaux et d'objets, pipes, balles, verres à liqueur, anneaux, ressorts, petites poupées, jouets en tout genre. De nombreux thèmes y sont développés, celui des hôtels, des habitats pour perroquets, perruches et autres hiboux, celui des natures mortes avec différents éléments (Space Object Box), qui comporte généralement une carte du ciel, celui de la pipe (Soap Bubble Set) et celui des distributeurs automatiques (Medici Slot Machine). À côté de ses collages et de ses constructions, Joseph Cornell a réalisé de nombreux films à partir de 1936. Son monde est tout à fait original dans l'histoire du collage et de l'assemblage aussi bien que dans celle du Surréalisme. Il se remarque par sa modestie, sa fragilité, très souvent le côté suranné et nostalgique de' ses images. Cornell a surtout voulu montrer des espaces, créer des représentations qui ont beaucoup à voir avec le théâtre. Mais de son propos se dégagent à la fois une rêverie poétique sur le passé et le cours des choses et un sentiment d'étrangeté qui touche très souvent au plus profond la sensibilité. Son œuvre est conservé dans de nombreuses collections internationales, particulières et publiques, aux États-Unis et en Europe (Paris, M. N. A. M. ; musées de Strasbourg, de Marseille et de Grenoble). Une rétrospective de son œuvre a eu lieu au Museum of Modern Art de New York en 1980-81.