Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Redon (Odilon) (suite)

Peintures et pastels

Par la détente de son inspiration, l'artiste est amené à rechercher dans la peinture et le pastel de nouveaux moyens d'expression. En fait, il n'a jamais cessé de peindre, qu'il s'agisse de copies d'après les maîtres (Chasse aux lions d'après Delacroix, musée de Bordeaux), de portraits (Autoportrait, 1867, Paris, musée d'Orsay), d'études de fleurs (musée de Karlsruhe ; Paris, musée d'Orsay) ou de paysages exécutés à Peyrelebade (la Maison de Peyrelebade, le Nuage blanc, Paris, musée d'Orsay) ou en Bretagne (les Rochers, Rotterdam, B.V.B. ; Port breton, Paris, musée d'Orsay). Mais ces œuvres, d'une rare sensibilité, intitulées Études pour l'auteur et gardées à l'atelier, se situaient en marge de son activité essentielle.

   À partir de 1890, Redon tente une transposition colorée des thèmes des Noirs dans les peintures (les Yeux clos, 1890, Paris, musée d'Orsay) et dans des fusains rehaussés de pastel (Vieil Ange, Paris, Petit Palais). En 1900, la couleur est présente et triomphe définitivement dans l'œuvre de ce peintre âgé de soixante ans : " J'ai voulu faire un fusain comme autrefois ; impossible, c'était une rupture avec le charbon ", écrit-il en 1902.

   De cette période date le remarquable ensemble de portraits au pastel : Madame Arthur Fontaine (1901, Metropolitan Museum) ; Jeanne Chaine (1903, musée de Bâle) ; Violette Heymann (musée de Cleveland), ainsi que les variations intensément colorées sur des thèmes mythologiques (Naissance de Vénus, pastel, Paris, Petit Palais ; Pégase, peinture, Otterlo, Kröller-Müller) ou religieux (Sacré-Cœur, le Bouddha, pastels, Paris, musée d'Orsay). L'œuvre colorée est placée sous le signe des fleurs ; la qualité de la transposition s'allie à la beauté de l'exécution pour doter d'un exceptionnel rayonnement ces " fleurs venues au confluent de deux rivages, celui de la représentation, celui du souvenir ", selon la définition de Redon lui-même (Paris, musée d'Orsay, Petit Palais ; coll. Hahnloser ; New York, Metropolitan Museum).

   Isolé parmi ses contemporains, Redon était devenu le guide des générations suivantes. C'est sous sa présidence que fut fondée en 1884 la Société des artistes indépendants. Émile Bernard et Gauguin reconnaissent leur dette envers lui. Les Nabis, Bonnard, Vuillard, Denis, sont ses amis : " Il était l'idéal de la jeune génération symboliste, notre Mallarmé ", écrira Denis.

   Après l'exposition de 1894 chez Durand-Ruel, de nouveaux amateurs s'intéressent à ses œuvres, parmi lesquels A. Fontaine, G. Frizeau, G. Fayet. Des commandes orientent l'artiste vers l'art décoratif. Il exécute alors de vastes compositions inscrites dans un décor (comme celles de ses jeunes amis Nabis), où ses thèmes symboliques sont baignés dans l'irisation colorée d'un univers végétal (château de Domecy, Yonne, 1901, auj. au musée d'Orsay ; hôtel de Mme E. Chausson, Paris, 1901-1902 ; abbaye de Fontfroide, près de Narbonne, 1910-1914). À partir de 1905, le thème du Char d'Apollon apparaît comme l'ultime expression de son art suggestif et symbolique (Paris, Petit Palais ; musée de Bordeaux) ; dans le dessin, sa dernière technique sera l'aquarelle.

Redouté (les)

Famille de peintres belges, considérés aussi, à juste titre, comme français.

 
Le plus célèbre des membres de cette famille est l'aquarelliste et lithographe Pierre Joseph (Saint-Hubert, près de Liège, 1759 – Paris 1840). Il fait son apprentissage chez son père, Charles-Joseph (Jamaque, près de Philippeville, 1715 – Saint-Hubert 1776) , puis sur les routes de Flandre et des Pays-Bas, exécutant portraits et tableaux d'église (1772-1782) ; à Amsterdam, il est frappé par les natures mortes de fleurs et de fruits de Jan Van Huysum. En 1782, il rejoint Antoine-Ferdinand (Saint-Hubert 1756 – Paris 1809) , son frère aîné, peintre décorateur à Paris ; il l'aide, mais occupe surtout ses loisirs à dessiner et à peindre à l'aquarelle les fleurs du Jardin du roi. Il fait aussi un stage (1784) chez le graveur Demarteau, qui tire ses premières planches. Le botaniste Charles Louis L'Héritier de Brutelle le remarque, lui fait illustrer le Stirpes novae (1784-85), puis l'appelle à Londres (1787) pour lui confier une grande partie des planches du Sertum anglicum, où seront publiées (1788) les plantes du jardin de Kew. Entre-temps, Pierre-Joseph est nommé dessinateur du cabinet de Marie-Antoinette (1786). Les encouragements de L'Héritier le déterminèrent à se consacrer à l'iconographie botanique. En 1793, Pierre-Joseph est chargé avec son frère, Henri-Joseph (Saint-Hubert 1766 – Paris 1852) , affecté à la zoologie, d'enrichir de nouvelles pièces la Collection des vélins de plantes et d'animaux du Muséum d'histoire naturelle (ancien Jardin du roi). Les études que Ventenat et lui font dans les jardins de Joséphine les amènent à publier en 1803 le Jardin de la Malmaison (2 vol., exemplaire à la bibl. Marmottan, Boulogne-sur-Seine), et Pierre-Joseph est nommé, en 1805, peintre de fleurs de l'impératrice. Cet artiste a tour à tour illustré la Flora Atlantica, par laquelle le botaniste Desfontaines fit connaître en 1798-99 les plantes observées en Afrique du Nord, et fait écrire par le jeune Pyrame de Candolle le texte qui accompagne la belle Histoire des plantes grasses (1799-1803). Mais ses deux principaux ouvrages sont les Liliacées (8 vol., 1802-1816) et surtout les Roses (3 vol., 1817-1824), célèbres pour la finesse du dessin, la subtilité et l'éclat des couleurs, le souci naturaliste. Redouté avait du reste innové, en 1796, un procédé de gravure en couleurs réalisé avec une seule planche, dont chaque épreuve était reprise au pinceau. En 1823, il est maître de dessin au Muséum ; parmi ses élèves figurent Mme Panckoucke et Pancrace Bessa, et aussi, à titre privé, les 2 filles aînées du duc d'Orléans. Les aquarelles originales de celui qu'on appela " le Raphaël des fleurs " sont aujourd'hui dispersées dans les musées (ensembles au Muséum d'histoire naturelle de Paris et au musée de Luxembourg [grand-duché] ; pièces isolées dans les musées de Meudon, Dieppe et Compiègne) et dans les coll. part. La série des Roses, achetée par la duchesse de Berry, a péri dans l'incendie des Tuileries en 1871. Les peintures à l'huile de Pierre-Joseph sont fort rares. Un tableau du musée de Rouen, le Vase fleuri, lui serait peut-être dû.