Redon (Odilon) (suite)
Peintures et pastels
Par la détente de son inspiration, l'artiste est amené à rechercher dans la peinture et le pastel de nouveaux moyens d'expression. En fait, il n'a jamais cessé de peindre, qu'il s'agisse de copies d'après les maîtres (Chasse aux lions d'après Delacroix, musée de Bordeaux), de portraits (Autoportrait, 1867, Paris, musée d'Orsay), d'études de fleurs (musée de Karlsruhe ; Paris, musée d'Orsay) ou de paysages exécutés à Peyrelebade (la Maison de Peyrelebade, le Nuage blanc, Paris, musée d'Orsay) ou en Bretagne (les Rochers, Rotterdam, B.V.B. ; Port breton, Paris, musée d'Orsay). Mais ces œuvres, d'une rare sensibilité, intitulées Études pour l'auteur et gardées à l'atelier, se situaient en marge de son activité essentielle.
À partir de 1890, Redon tente une transposition colorée des thèmes des Noirs dans les peintures (les Yeux clos, 1890, Paris, musée d'Orsay) et dans des fusains rehaussés de pastel (Vieil Ange, Paris, Petit Palais). En 1900, la couleur est présente et triomphe définitivement dans l'œuvre de ce peintre âgé de soixante ans : " J'ai voulu faire un fusain comme autrefois ; impossible, c'était une rupture avec le charbon ", écrit-il en 1902.
De cette période date le remarquable ensemble de portraits au pastel : Madame Arthur Fontaine (1901, Metropolitan Museum) ; Jeanne Chaine (1903, musée de Bâle) ; Violette Heymann (musée de Cleveland), ainsi que les variations intensément colorées sur des thèmes mythologiques (Naissance de Vénus, pastel, Paris, Petit Palais ; Pégase, peinture, Otterlo, Kröller-Müller) ou religieux (Sacré-Cœur, le Bouddha, pastels, Paris, musée d'Orsay). L'œuvre colorée est placée sous le signe des fleurs ; la qualité de la transposition s'allie à la beauté de l'exécution pour doter d'un exceptionnel rayonnement ces " fleurs venues au confluent de deux rivages, celui de la représentation, celui du souvenir ", selon la définition de Redon lui-même (Paris, musée d'Orsay, Petit Palais ; coll. Hahnloser ; New York, Metropolitan Museum).
Isolé parmi ses contemporains, Redon était devenu le guide des générations suivantes. C'est sous sa présidence que fut fondée en 1884 la Société des artistes indépendants. Émile Bernard et Gauguin reconnaissent leur dette envers lui. Les Nabis, Bonnard, Vuillard, Denis, sont ses amis : " Il était l'idéal de la jeune génération symboliste, notre Mallarmé ", écrira Denis.
Après l'exposition de 1894 chez Durand-Ruel, de nouveaux amateurs s'intéressent à ses œuvres, parmi lesquels A. Fontaine, G. Frizeau, G. Fayet. Des commandes orientent l'artiste vers l'art décoratif. Il exécute alors de vastes compositions inscrites dans un décor (comme celles de ses jeunes amis Nabis), où ses thèmes symboliques sont baignés dans l'irisation colorée d'un univers végétal (château de Domecy, Yonne, 1901, auj. au musée d'Orsay ; hôtel de Mme E. Chausson, Paris, 1901-1902 ; abbaye de Fontfroide, près de Narbonne, 1910-1914). À partir de 1905, le thème du Char d'Apollon apparaît comme l'ultime expression de son art suggestif et symbolique (Paris, Petit Palais ; musée de Bordeaux) ; dans le dessin, sa dernière technique sera l'aquarelle.