Maître de Montesión
Peintre espagnol (actif à Majorque au début du XVe s.).
L'église de Montesión à Palma a prêté son nom à l'auteur du grand retable placé dans l'une de ses chapelles. Cette œuvre, parvenue dans un très bel état de conservation, reprend l'ordonnance des polyptyques italiens avec de grandes figures de saints encadrant le panneau central consacré à la Vierge. L'influence siennoise est notable dans le dessin, précis et élégant, des figures, et dans le modelé lisse des draperies, bordées d'un galon doré. Deux panneaux votifs (cathédrale de Palma) peints en 1406 lui sont également attribués.
Maître de Moulins
Peintre français (actif dans le centre de la France entre 1480 et 1500 env.).
Cet artiste anonyme tire son appellation provisoire de son ouvrage principal, le Triptyque de la Vierge en gloire entourée d'anges, de la cathédrale de Moulins ; il est le peintre français du XVe s. dont on a conservé l'ensemble de tableaux le plus important. Leur regroupement s'est fait à partir de critères de style, car on ne possède aucun document concernant ni le peintre ni ses œuvres. On s'accorde généralement pour attribuer aujourd'hui au Maître de Moulins une quinzaine de tableaux, un vitrail, une miniature et un dessin. Grâce aux nombreux portraits de personnages identifiés qui y figurent, on peut établir une chronologie approximative de son œuvre.
Œuvres
Les débuts reconnus du Maître se situent v. 1480-1483 en Bourgogne, avec la Nativité commandée par le cardinal Rolin (musée d'Autun) ; de la même époque doit dater le portrait du Cardinal Charles de Bourbon (Munich, Alte Pin.). Autour de 1490 se placent le portrait présumé de Madeleine de Bourgogne, dame de Laage, avec sainte Madeleine (Louvre), la Vierge aux anges (Bruxelles, M. R. B. A.), le dessin représentant un profil de jeune femme (Louvre) et, v. 1490-91, le Portrait d'une jeune princesse, très probablement Marguerite d'Autriche, alors fiancée à Charles VIII (Metropolitan Museum, coll. Lehman). En 1492-93, l'artiste peint pour les ducs de Bourbon un petit triptyque, dont le panneau central est perdu et dont les volets présentent Pierre II de Bourbon avec saint Pierre et sa femme Anne de France avec saint Jean l'Évangéliste (Louvre) ; derrière elle figurait à l'origine, avant le découpage du panneau, sa fille Suzanne, âgée d'un ou deux ans, connue sous le nom d'Enfant en prière (Louvre). En 1493, le duc de Bourbon fait peindre pour Charles VIII la miniature frontispice d'un exemplaire des Statuts de l'ordre de Saint-Michel (Paris, B. N.). En 1494, l'artiste exécute le portrait du Dauphin Charles-Orland (Louvre), destiné à être envoyé à Charles VIII pendant la campagne d'Italie. De 1490-1495 env. semblent dater 2 panneaux coupés aux extrémités d'un retable de format allongé, dont la partie centrale a disparu : la Rencontre à la porte Dorée (Londres, N. G.) et l'Annonciation (Chicago, Art Inst.). Vers 1498, les ducs de Bourbon commandent un grand triptyque d'apparat pour la collégiale de Moulins : au centre, la Vierge en gloire entourée d'anges ; sur les volets, Saint Pierre présentant Pierre II de Bourbon et Sainte Anne présentant Anne de France avec sa fille Suzanne (au revers, l'Annonciation en grisaille). Enfin, autour de 1500 doivent se situer le portrait d'un Donateur présenté par saint Maurice (Glasgow, Art Gal.), une Vierge allaitant l'Enfant (Paris, coll. part.) et le vitrail de la famille Popillon, à la cathédrale de Moulins. L'absence d'œuvres postérieures aux env. de 1500 donne à penser que l'artiste a dû disparaître dans la première décennie du XVIe s.
Formation et style
L'étude de ces œuvres permet de reconstituer le développement de la carrière du Maître de Moulins. Il paraît avoir travaillé dans le centre de la France, tout particulièrement au service de la famille et de la cour de Bourbon ; d'où le nom de " Peintre des Bourbons " qui lui a été donné après sa redécouverte au début de ce siècle. Ses premiers tableaux révèlent que sa formation a dû se faire en Flandre, dont il gardera le goût de la fidélité naturaliste dans le portrait, dans le rendu des matières, dans le paysage et quelques formules de composition et d'iconographie. Il restera marqué de façon décisive par l'influence des œuvres de maturité de Hugo Van der Goes, auxquelles il emprunte, outre la couleur claire et froide et le dessin aigu de ses débuts, son modelé dense et éclairé de reflets, certains types de visages et l'allure générale de ses personnages, qu'on retrouvera au long de sa carrière.
Mais le Maître de Moulins est devenu un peintre authentiquement français : l'autorité grandiose de Van der Goes se tempère chez lui d'une sensibilité plus familière ; son naturalisme fondamental se nuance très tôt d'une finesse et d'un sentiment d'équilibre caractéristiques du milieu artistique français. Au contact de l'art de la région de la Loire et de Bourges, c'est-à-dire de celui de Fouquet et du Maître de Jacques Cœur, l'artiste acquiert une vision des formes plus synthétique, un sens sculptural des volumes, un goût plus classique de l'ordonnance monumentale dans la composition. Peintre de cour, il sait donner à ses œuvres un ton de dignité aristocratique et d'élégance raffinée, qui fait de lui un des plus grands artistes à la frontière du Gothique finissant et de la Renaissance nordique.
Identité de l'artiste
Les tentatives d'identification du Maître de Moulins sont restées longtemps infructueuses, car aucune preuve documentaire ne peut être apportée, les archives bourbonnaises de la fin du XVe s. ayant été détruites. On a d'abord voulu l'identifier avec Jean Perréal, le peintre le plus renommé de l'époque et qui passait pour avoir été en contact avec plusieurs des modèles des portraits attribués au Maître de Moulins ; mais son œuvre apparaît totalement différente. Une seconde hypothèse, qui repose sur l'interprétation aventureuse d'un texte et concorde mal avec les faits historiques, suggère Jean Prévost, dit Jean le Peintre, peintre verrier de l'église de Lyon (connu seulement à travers des documents, de 1471 à sa mort, en 1503-1504). La dernière hypothèse émise propose Jean Hey, peintre d'origine néerlandaise, cité parmi les plus grands artistes du temps en France et dont on connaît un tableau daté et authentifié par une inscription : l'Ecce homo (1494, Bruxelles, M. R. B. A.).
Une ressemblance fondamentale de style et la personnalité du donateur de l'œuvre, Jean Cueillette, trésorier du duc de Bourbon, donnent toute raison d'identifier le Maître de Moulins avec Jean Hey.