Cabrera (Jaime)
Peintre espagnol (documenté à Barcelone de 1394 à 1432).
Il se forma sans doute dans l'atelier de Jaime Serra, dont il continua la tradition italianisante. Auteur du Retable de saint Nicolas (1406, Manresa, Collégiale), il crée des figures massives au canon court, enveloppées de plis rigides, très sculpturaux ; l'influence de Borrassá est sensible dans certaines peintures qui lui sont attribuées : le Retable d'Alzina de Ribelles (Sitges, musée Maricel), la Mise au tombeau (Gérone, cath.) et le Retable de la Vierge (Sarroca, église S. Martin).
cadavre exquis
Cette expression est ainsi définie par le Dictionnaire abrégé du Surréalisme : " Jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes sans qu'aucune puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. " L'exemple, devenu classique, qui a donné son nom au " cadavre exquis " tient dans la première phrase obtenue par cette technique : " Le cadavre exquis boira le vin nouveau. " Il participe du goût du hasard et de l'étrange, cher aux surréalistes, et tient à la fois du jeu de société et de la magie. Inventé en 1925, rue du Château, chez Marcel Duhamel, il connut une grande faveur. Les revues surréalistes en publièrent des exemples à partir de 1927 (Ernst, Masson, Max Morise : A. Breton, J. Hérold, Tanguy, Brauner). Le groupe surréaliste portugais (Azevedo, Dominguez, Moniz-Pereira, Antonio Pedro et Vespeira) a exécuté en 1948 un " cadavre exquis " entièrement peint.
Cadéré (André)
Artiste français (Varsovie 1934 – Paris 1978).
La personnalité de Cadéré est indissociable du climat artistique des années 70. Son travail consiste en une panoplie de bâtons colorés, que l'artiste transporte avec lui et définit comme des " assemblages de segments peints avec des couleurs différentes, dont les permutations systématiques contiennent au moins une erreur ". Du fait de son aspect cylindrique, le bâton ne possède ni recto ni verso et ne privilégie aucun sens de lecture. C'est à ce titre que Cadéré parlait de " peinture sans fin ". Il commence à réaliser ses premières barres de bois en 1970 et les expose, dès l'année suivante, aussi bien dans des lieux ordinaires (café, rue, commerces...) que dans des galeries ou des musées. Au moyen de ce " brouillage ", il se propose de perturber l'approche purement institutionnelle du concept d'exposition. Les galeries Sperone (Turin, 1975), Lucio Amelio (Naples, 1975), Yvon Lambert (Paris, 1975), M. T. L. (Bruxelles, 1973-75) ou Véga (Liège, 1975-77) ont accueilli ce travail, dont le caractère subversif reste l'emblème de nombreuses recherches critiques effectuées par des artistes de cette génération, tel Buren.
Cades (Giuseppe)
Peintre italien (Rome 1750 – id. 1799).
Né d'un père français et d'une mère romaine, Cades est un artiste précoce, dont les premiers dessins datés remontent à 1762 (Rome, archives de l'Académie de Saint-Luc). Au début des années 1770, il reçoit sa première commande officielle (Martyre de saint Bénigne, San Benigno Canavese, abbaye de San Benigno di Fruttuaria). La production de ses années de jeunesse se résume essentiellement à des dessins, généralement de grand format, très achevés et destinés à la vente (Achille et Ulysse, Paris, Louvre ; Achille et Briséis, Montpellier, musée Fabre). Dès ses premières œuvres, Cades rompt avec les courants les plus traditionnels de la peinture romaine du XVIIIe siècle, et avec son équilibre établi non sans peine entre tendances classiques et baroques, et récupère les moyens d'expression de la grande manière du XVIe siècle : figures massives, campées au premier plan avec la netteté de personnages de bas-relief, force du trait de contour, formes expressives ; il parvient à formuler un original style néomaniériste, où s'exprime la crise entre le baroque vieillissant et l'esthétique romantique naissante. La pala de la basilique romaine des Saints-Apôtres, représentant l'Extase de saint Joseph de Copertino (1777, in situ), marque un tournant néovénitien dans la peinture de Cades, sans doute influencé par ses contacts avec le milieu des Vénitiens de Rome, réuni autour des neveux du pape Clément XIII Rezzonico. Dans les années 1780-1790, il participe à de nombreux travaux de rénovation et de décoration intérieure de demeures romaines : palais Ruspoli (1782), Chigi de Rome (1784), Chigi d'Ariccia (1788-1791), Altieri (1787 et 1791), villa Borghèse (1787). En 1786, il est élu membre de l'Académie de Saint-Luc. À partir de 1790, une tendance classique, poussée parfois jusqu'au purisme, se manifeste dans sa peinture. Elle s'exprime dans quatre toiles envoyées au couvent de Saint-François, à Fabriano, dans les Marches (aujourd'hui dans les églises de Sainte-Catherine et de Saint-Augustin de la même ville), et dans deux tableaux d'autel pour l'église de Santa Maria la Nova à Montecelio (actuellement dans l'église de San Giovanni Evangelista de la ville). Vers la même époque, Cades peint à l'encaustique deux compositions inspirées des histoires d'Alexandre le Grand pour Catherine II de Russie (Saint-Pétersbourg, Ermitage). Le chromatisme sobre et la mise en page rigoureuse et dépouillée de ses dernières peintures n'excluent pas, dans ses dessins tardifs, une résurgence de formes maniéristes, due surtout à l'attention fidèle qu'il prêta tout au long de sa vie à la leçon de Michel-Ange. L'artiste meurt prématurément à Rome en laissant de nombreuses œuvres inachevées (Martyre du bienheureux Alliata, esquisses à Pise et à Baltimore ; Chute des anges rebelles, esquisse à Chicago). L'ensemble le plus considérable de dessins de sa main est réuni dans l'album Sequeira du musée national d'Art ancien de Lisbonne.
cadre
Élément mobilier destiné à assurer la présentation et la protection des œuvres d'art à deux dimensions — peinture, dessin, gravure, broderie — ou en bas relief.
Dérive de l'italien quadro, le terme s'applique d'abord à une bordure de bois de forme carrée ou rectangulaire, mais devient, dès le milieu du XVIIIe s. — par exemple dans les livres du marchand Lazare Duvaux, fournisseur de Mme de Pompadour, et surtout depuis le XIXe s. — le terme général qui remplace définitivement celui de bordure aux applications plus nombreuses et s'emploie quels que soient la forme à la " vue " (rectangulaire, polygonale, ronde, ovale, chantournée) et le contour extérieur.
Le cadre est l'une des solutions matérielles apportées en réponse au besoin quasi universel de délimitation de l'espace figuré, besoin qui trouve aussi son expression dans la simple ligne fermée des peintures murales antiques et médiévales, dans les encadrements décorés des peintures de manuscrits ou dans les bordures gravées qui entourent les portraits gravés du XVIIe s. Les bordures tissées des tapisseries appartiennent à cette même catégorie et sont parfois de simples imitations en trompe-l'œil de cadres moulurés. Mais le cadre au sens strict n'existe que pour une œuvre d'art mobile, rigide (à l'exclusion des livres ou des rouleaux extrême-orientaux) et autonome par rapport à l'architecture où elle prend place.
Moyen Âge et Renaissance
Au XIIIe s., le cadre fait encore partie du panneau peint, se caractérisant par une simple bordure en relief. Des exemples nombreux de cette technique se trouvent dans l'art byzantin et dans l'art russe, où les icônes sont peintes sur un panneau de bois recreusé dans la partie centrale. Mais, pour des œuvres de grandes dimensions, des solutions qui allient la solidité à l'esthétique sont rapidement nécessaires : pour la Madone Rucellai de Duccio (Offices), si le cadre, finement mouluré et orné de médaillons, ne fait plus partie du panneau et sert à en maintenir les éléments assemblés, il est encore couvert d'un enduit et de feuilles d'or, comme le fond du tableau.
En joignant plusieurs panneaux ainsi encadrés, il devient possible de composer de vastes retables ; dressés sur l'autel en avant du mur, ils sont de véritables unités architecturales, figurant la section transversale d'une église avec colonnes, arcatures, en rapport avec l'architecture du moment. Les arcs florentins, les pinacles triangulaires avec médaillons peints, d'un style encore traditionnel, du cadre de l'Adoration des mages de Gentile da Fabriano (1423, Offices) contrastent avec la conception nouvelle de l'espace, le retable représentant pour la première fois une scène unique.
Puis, au milieu du XVe s., les retables florentins s'insèrent dans un cadre rectangulaire composé d'une corniche supportée par des pilastres et reposant sur un socle lourd, au décor Renaissance. À la fin du XVe s. se développe en Toscane le tondo, tableau rond dont le cadre imite la couronne de fleurs des médaillons de terre cuite de Luca della Robbia. Un riche exemple de ce type de cadre fut sculpté, sans doute, dans l'atelier florentin de la famille del Tasso pour la Sainte Famille de Michel-Ange (Offices) et est orné de feuillage classique avec masques et oiseaux et de 5 médaillons contenant des bustes. On peut citer également à une époque un peu plus tardive le cadre de la Sainte Famille (1533-1535) de Beccafumi (Florence, musée Horne) dont la réalisation est peut-être due au sculpteur Lorenzo di Girolamo Donati.
Chez Mantegna, le Polyptyque de saint Luc (1453-1454, Milan, Brera) répond encore à un schéma gothique alors que l'espace se trouve unifié dans le Retable de S. Zeno (1457-1459, Vérone, église San Zeno) qui comporte une vaste prédelle et dont le cadre, d'esprit renaissant, fut réalisé selon un dessin de Mantegna. On se gardera d'oublier le démembrement, voire le dépeçage de retables au cours du temps, et de nombreuses œuvres, que nous voyons aujourd'hui isolées et dispersées, furent conçues pour s'intégrer dans un retable (Léonard de Vinci, Vierge au rocher, Paris, Louvre ; Londres, N.G.).
À Venise, persiste encore la tradition gothique, et 3 retables de l'église des Frari permettent de situer avec précision le passage au style nouveau : l'Autel de saint Marc de B. Vivarini (1474) a un encadrement rappelant le décor gothique de la Porta della Carta au palais des Doges ; en 1482, le retable de la Madone et des saints du même peintre comporte encore la division traditionnelle, mais avec un décor Renaissance, tandis que Giovanni Bellini, en 1488, pour la Madone et les saints (Triptyque des Frari), utilise de façon originale l'encadrement de Jacopo da Faenza en peignant, en trompe-l'œil, une architecture continuant celle du cadre.
En Espagne, dans les pays germaniques, dans les Flandres, le style gothique est plus vivave encore : plusieurs exemples de l'art flamboyant tardif, extrêmement riche, se trouvent toujours en place dans l'église de Levoča (nord de la Slovaquie), particulièrement le grand retable sculpté, exécuté par Maître Paul entre 1508 et 1517.
Dans les Flandres, les artistes restent fidèles au triptyque, parfois de petites dimensions, généralement chantourné à la partie supérieure ; l'on y trouve aussi de petits diptyques, comme celui du Chanoine Carondelet par Gossaert (1517, Louvre), où le donateur prie face à une image de la Vierge.
Le cadre peut aussi jouer un rôle dans la représentation de la profondeur : ainsi, dans la Justice de l'empereur Othon (Bruxelles, M. R. B. A.), Dirk Bouts n'hésite pas à placer dans la partie supérieure de son tableau deux fines arcatures flamboyantes en bois doré découpé, qui représentent en relief l'entrée de la pièce où se situe la scène de l'Épreuve du feu et qui sont semblables aux deux arcatures peintes au fond, soulignant d'une façon plus frappante l'effet de perspective.
Ce procédé est utilisé, avec naïveté, dans le petit portrait d'Englebert de Nassau (1487, Rijksmuseum), qui semble à sa fenêtre ; sa main et la queue de son faucon sont peintes sur le chanfrein du cadre. L'intérêt des artistes pour les cadres est, dès cette époque, attesté par un dessin de Dürer (Chantilly, musée Condé) ; il s'agit d'une étude pour l'Adoration de la Trinité (auj. à Vienne, K. M.) et pour le cadre que devait exécuter, en 1511, Veit Stoss et qui est conservé au musée de Nuremberg.
En Italie se généralise au XVIe s. un nouveau type de cadre de tableau, qui n'est plus une imitation des motifs architecturaux : il se définit par son profil composé de 3 parties : entre 2 moulures, généralement dorées, existe une large bande plate décorée d'un motif peint, gravé, parfois moulé en faible relief. Une plus grande fantaisie est possible pour les cadres de miroirs, dont l'industrie est alors une des richesses de Venise. On utilise non seulement des formes plus exubérantes, des volutes inspirées du répertoire de l'architecte Sansovino, mais aussi de riches matériaux, métaux, marbres, pierres précieuses ou nacres incrustées.