Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître du Cycle de Vyšší Brod

Peintre tchèque (actif v.  1350).

Le maître du Cycle de Vyšší Brod, sans doute originaire de Prague, est l'auteur de 9 tableaux d'un retable dispersé représentant des scènes de l'Enfance du Christ et de la Passion. Cette œuvre (av. 1350, musée de Prague) provient du couvent cistercien de Vyšší Brod (en allemand Hohenfurth), dans le sud de la Bohême, et a peut-être été exécutée pour Pierre Ier de Rozmberk, mort en 1347. C'est un des monuments les plus remarquables de la peinture sur panneaux du Moyen Âge, caractérisée par la synthèse de la conception septentrionale, linéaire et rythmique, et des influences italiennes dans la recherche des formes spatiales (synthèse dont on peut suivre l'évolution depuis le Codex de la reine Eliska Rejcka [1315-1323] jusqu'au Missel de Jean de Drazice, au Bréviaire de Vitek et aux peintures murales). On a parlé de l'influence de Giotto et de Duccio, et fait des rapprochements avec les panneaux du retable de Klosterneuburg (1331). Au Maître de Vyšší Brod sont attribuées l'Annonciation, la Nativité et peut-être l'Adoration des mages et la Résurrection ; à l'atelier du peintre, les autres épisodes. L'auteur de la Descente du Saint-Esprit se distingue par un modelé plus souple et une facture plus dynamique, annonçant l'évolution de la peinture tchèque.

   Dans l'entourage du retable de Vyšší Brod, il faut citer en premier lieu la Madone de Vysehrad (apr. 1350), qui influence à son tour la Madone de Zbraslav et celle de Strakov (apr. 1350, musée de Prague), puis la Madone de Kladsko, exécutée pour l'archevêque Arnost de Pardubice (musées de Berlin), la Crucifixion Kaufmann (id.), la Madone de Veveri (av. 1350, musée de Prague) ; des œuvres plus récentes restent fidèles à la tradition du Maître de Vyšší Brod : Diptyque de Karlsruhe (av. 1350, musée de Karlsruhe), Madone dite " de Rome " (v. 1360, musée de Prague), la Vierge entre sainte Catherine et sainte Marguerite (v. 1360, Hluboká nad Vlatovon), le Christ au jardin des Oliviers (dans le Codex Flores decretalium Magistri Johannis de Deo, couvent de Wilhering, Basse-Autriche). L'œuvre du Maître de Vyšší Brod a une valeur fondamentale dans l'évolution de la peinture sur bois ; des analogies de formes avec l'un des créateurs de la sculpture tchèque, le Maître de la Madone de Michle sont à noter.

Maître du Diptyque de Brunswick

Peintre néerlandais (actif à Haarlem à la fin du XVe s.).

L'œuvre de ce remarquable artiste, le meilleur élève de Gérard de Saint-Jean, a été regroupée autour des panneaux (Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant vénérés par un chartreux) conservés au musée de Brunswick. Elle comprend notamment une Sainte Famille (Cologne, W. R. M.), 3 volets d'un retable de la Vierge, l'Annonciation (Glasgow Art Gallery), la Nativité (Rijksmuseum), la Présentation au Temple (Minneapolis, Institute of Arts), 2 panneaux (Bruxelles, M. R. B. A.) et des volets extérieurs (Rijksmuseum) d'un retable de la Vie du Christ. On a proposé avec vraisemblance de l'identifier avec Jacob Jansz, mentionné à Haarlem de 1483 à sa mort en 1509, qui fut le maître de Jan Mostaert.

Maître du Fils Prodigue

Peintre flamand (actif à Anvers dans le deuxième tiers du XVIe s.).

Les œuvres de cet anonyme, dont aucune ne porte de date, ont été groupées autour d'un important tableau du K. M. de Vienne, le Fils prodigue chez les courtisanes, qui lui a donné son nom de convention. C'est à tort qu'on a essayé de l'identifier avec Jan Mandyn, suiveur de Jérôme Bosch, et avec Lenaert Kroes, dont aucune œuvre n'est connue.

   Le Maître du Fils prodigue est un peintre romaniste, partiellement touché par le Maniérisme international. Le réalisme très accentué de certains de ses personnages le rapproche de Pieter Aertsen, l'élégance apprêtée de ses figures féminines de Jan Massys et de Frans Floris. Ses tableaux les mieux caractérisés — les Œuvres de miséricorde (musée de Valenciennes), Satan semant l'ivraie (musée d'Anvers) — se distinguent par la démarche sautillante de certaines figures et par les visages émaciés des personnages âgés.

   La gamme des sujets traités par ce maître anonyme est étendue. Outre les thèmes religieux traditionnels — Vierge à l'Enfant (musées de Cleveland et de Vienne), Adoration des bergers, d'après une composition de Raphaël (Bruxelles, coll. part.), Pietà (Londres, N. G.) —, on rencontre des illustrations de l'Ancien Testament, notamment le Retour de Tobie (musée de Gand) et de rares tableaux de genre, comme le Vieillard amoureux du musée de Douai. Dans les tableaux à petits personnages — la Fuite en Égypte (musée de Tournai), le Christ et les pèlerins d'Emmaüs (musée de Varsovie) —, le paysage, d'esprit réaliste et familier, est peint dans des tonalités claires, comportant des verts vifs et des roses fondants.

   Les grandes figures de certaines compositions — Loth et ses filles (musée d'Anvers), Suzanne et les vieillards (musée de Porto) — ont un relief sculptural, et les carnations féminines un éclat marmoréen. Certains des tableaux de l'artiste ont été peints en plusieurs exemplaires, ce qui laisse à penser que ce maître anonyme était à la tête d'un atelier florissant et qu'il a dû faire appel à ses nombreux assistants.

Maître du Guiron le Courtois

Peintre italien (seconde moitié du XIVe s.).

Il est l'auteur lombard anonyme des enluminures d'un manuscrit de la B.N. de Paris (ms. fr. Nouv. Acq. 5234), fragmentaire contenant le " roman " de Guiron le Courtois. Le caractère lombard apparaît clairement dans le coloris des grandes scènes, dessinées à traits subtils et que recouvre une poussière impalpable de points minuscules " presque comme un Seurat " (Longhi). La parenté indéniable avec le Maître du Lancelot, l'autre anonyme lombard, se double d'une affinité nette avec l'art véronais-padouan contemporain et surtout avec les deux exemplaires du De viris illustribus de Pétrarque (Paris, B. N.), que Longhi attribue à Giusto de' Menabuoi, mais qui semblent plus proches de l'art d'Altichiero.

Maître du Jardinet du Paradis (Meister des Paradiesgärtleins)

Peintre allemand (actif dans le Rhin supérieur au cours des deux premières décennies du XVe s.).

Ce maître est ainsi désigné d'après le Paradiesgärtlein (Jardinet du Paradis), tableau de très petit format conservé au Städelsches Kunstinstitut de Francfort. Dans un jardin clos, la Vierge est assise et lit, entourée de trois saintes ; à gauche de la composition, sainte Dorothée cueille des cerises ; sainte Barbe (ou sainte Marthe ?) puise de l'eau dans une fontaine et sainte Cécile ( ?) tient un psaltérion dont joue l'Enfant Jésus installé aux pieds de la Vierge. À droite, saint Georges — identifiable par le minuscule dragon renversé sur le dos à ses pieds — converse avec l'archange saint Michel ; saint Sébastien (ou saint Bavon ?), debout contre un arbre, les écoute. Le jardin clos, thème cher à la mystique rhénane, symbolise le Paradis et la pureté de Marie : les fleurs — on en a dénombré plus de 18 espèces — et les fruits sont un reflet de sa beauté virginale. Tout en se rattachant au symbolisme religieux, cette scène, où de saints personnages sont placés dans un décor et une situation rappelant les jardins d'amour alors en vogue auprès de la noblesse, est également issue de la poésie courtoise. L'interpénétration du religieux et du profane, la préciosité qui émane de l'idyllique Jardinet du Paradis, où évoluent de délicates figures traitées avec raffinement, font de ce panneau une des œuvres les plus attachantes du Gothique international.

   La Madone aux fraisiers (musée de Soleure) est probablement de la main du Maître du Jardinet du Paradis. A. Stange lui attribue en outre la petite Annonciation de la coll. Reinhart, à Winterthur. L'auteur du Retable de Stanfen a vraisemblablement été formé dans l'atelier du Maître du Jardinet du Paradis.