Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Poyet (Jean)

Peintre et enlumineur français (Tours, fin du XVe s.).

Poyet était réputé jusqu'au XVe siècle comme un des artistes les plus importants de son époque, à la suite de Fouquet, et était particulièrement renommé pour sa science de la perspective. Poyet est seulement connu par de rares documents, qui le signalent en 1483, 1491, 1497 et 1498 comme peintre et enlumineur de Tours ; quoiqu'il soit payé en 1497 pour les 23 miniatures d'un petit livre d'heures pour la reine Anne de Bretagne, il ne semble pas avoir été au service attitré de la famille royale. Faute de document attestant un ouvrage conservé, on lui attribue un groupe d'œuvres d'une exceptionnelle qualité, qui révèlent un artiste d'une puissante originalité dans les compositions, la richesse iconographique, la mise en scène spatiale, le sens du paysage et la richesse du coloris, et qui ont été peintes pour les plus hauts personnages du temps. Si ce groupe comporte essentiellement des manuscrits enluminés, on conserve cependant un important témoignage du talent du peintre, le Triptyque du Liget daté de 1485 (Loches, musée). Son activité d'enlumineur s'étend de 1485 à 1515 environ : avant 1500 on relève les Heures anonymes du musée Teyler de Haarlem, son chef-d'œuvre, vers 1485-1490, les Prières d'Anne de Bretagne, vers 1492, et les Heures de Charles VIII, vers 1495 (New York, P. Morgan Library), ainsi que les Heures de Jean Lallemant, vers 1498 (Londres, British Library). Du siècle suivant doivent dater les Heures de Marie d'Angleterre (bibl. de Lyon), les Heures du Tilliot (Londres, British Library), les Heures dites de Henry VIII, son manuscrit le plus richement enluminé, et le Missel de Guillaume Lallemant (New York, P. Morgan Library). Il est aussi l'auteur d'une série (dispersée) de beaux dessins aquarellés à sujets bibliques. Comme l'on ne possède pas de preuve documentaire de l'activité de Poyet au-delà de 1500, l'attribution de ce vaste ensemble, digne de la réputation de l'artiste, demeure cependant sujet à controverse.

Poynter (sir Edward John)

Peintre britannique (Paris 1836  – Londres 1919).

Fils d'un architecte, il se forma en Italie, où il rencontra Leighton (1853), puis à Paris, dans l'atelier de Gleyre (1856-1859). Cette période de sa vie a été immortalisée dans le Trilby de Du Maurier. Il retourna à Londres et s'y fixa en 1860, exposant à la Royal Academy à partir de 1861. Il commença comme illustrateur, mais le succès lui vint de ses grands tableaux historiques : Israel in Egypt, 1867, Londres, Guildhall Art Gal. ; Visite de la reine de Saba au roi Salomon, 1890, Sydney, Art Gal. of New South Wales. Sa carrière officielle fut brillante : A. R. A. en 1869, élu R. A. en 1876, il fut le président de la Royal Academy de 1886 à 1918. Il occupa de grandes chaires d'enseignement artistique de 1871 à 1881 et y développa les principes de l'École des beaux-arts de Paris. Il fut également Director for Art au South Kensington Museum (auj. V. A. M.) et, directeur de la N. G. de 1894 à 1906, il œuvra à ce dernier poste pour favoriser l'ouverture de la Tate Gallery.

   Tant par son inspiration que par sa technique, il est inséparable de ses contemporains Leighton et Alma Tadema, avec lesquels il forme le trio le plus représentatif de la grande peinture historique en Grande-Bretagne à la fin du XIXe s.

Pozzo (Andrea Pozzo, dit le Père)

Peintre italien (Trente 1642  – Vienne 1709).

Dans son extrême jeunesse, il copia les œuvres vénitiennes des églises de Trente : il fut un autodidacte réceptif à toutes les influences. Ses modèles fondamentaux furent alors les grands Vénitiens, surtout Véronèse. Entré dans l'ordre des Jésuites en 1665, il fut en contact avec l'œuvre de Rubens, qui l'influença lors de son noviciat à Gênes. Puis il passa neuf ans à Milan, travaillant surtout pour l'église S. Fedele. Il se perfectionna dans la voie de la grande décoration au cours de voyages à Venise, Parme et Bologne. À Parme, auprès de Mitelli et de Colonna, à Bologne, autour des Bibbiena, il apprit l'art de la quadrature. Le premier témoignage documenté connu est la décoration de l'église Saint-François-Xavier à Mondovi (1676-77) : tout y est vénitien — les motifs serliens des architectures feintes, la composition de l'abside inspirée de Véronèse, le goût de la couleur — mais c'est une œuvre baroque par l'aspect mouvementé des architectures. Pour la première fois, on voit apparaître le motif de la coupole feinte, systématique dans ses décorations d'église, que l'on retrouvera à Saint-Ignace de Rome, à Modène, à Arezzo et à Montepulciano. Pozzo emploiera ce langage qui lui est propre dans toutes ses décorations, tandis que, dans ses tableaux de chevalet, il changera sans cesse de style selon les influences. L'influence bolonaise domine dans ses tableaux peints à Turin de 1677 à 1679 : le Christ en croix et le Massacre des Innocents, peints pour la chapelle de la Congrégation des marchands. En 1679-80, Pozzo donne les grandes lignes de la décoration de S. Bartolommeo à Modène, qui fut exécutée par un collaborateur médiocre, frère Barberis. En 1681, il est appelé à Rome, où il restera jusqu'en 1702. Il commence par décorer une galerie de la maison professe de Saint-Ignace, pur exercice de spécialiste de la quadrature. Sa virtuosité établira sa renommée, mais fera méconnaître la réelle valeur picturale de certaines de ses œuvres. On la retrouve dans les autels peints en trompe-l'œil de l'église de Frascati et dans la colonnade feinte du réfectoire du couvent du Sacré-Cœur à la Trinité-des-Monts (1694). Mais c'est dans le chef-d'œuvre de cet artiste, la décoration de Saint-Ignace (1685-1694), que cette virtuosité révèle une véritable sensibilité picturale : après avoir peint à l'abside Saint Ignace protecteur des affligés et à la tribune le Siège de Pampelune, Pozzo ouvre dans la nef un espace infini où se déploient le Triomphe de saint Ignace et la Mission des Jésuites (esquisse à Rome, Galleria Nazionale), lisibles à partir d'un seul endroit précis de la nef. C'est le terme mis par un peintre étranger à la tradition décorative romaine, l'aboutissement des recherches illusionnistes de Pietro da Cortona et de Gaulli, où l'espace feint se confond avec l'espace réel. À Rome, où commençait à triompher le Classicisme de Maratta, cette œuvre fut partiellement incomprise. Dans ses dernières œuvres à Rome de 1695 à 1702, il décore la chapelle Saint-Louis de Gonzague à Saint-Ignace (1692), crée l'autel de Saint-Ignace au Gesù (1695-1699), son œuvre architecturale la plus importante ; il subit alors l'influence de Maratta, visible dans les 3 tableaux envoyés à Turin pour la chapelle de la Congrégation des marchands.

   Appelé à Vienne par la maison impériale, il s'arrêta en chemin en Toscane — où il donna de 1702 à 1703 les directives pour la décoration des églises d'Arezzo, de Montepulciano et du palais Contucci de cette ville — et à Trente. Il arriva à Vienne à la fin de 1703 pour y rester jusqu'à sa mort. Il y accomplit une œuvre considérable : les décorations de la Favorite et du théâtre impérial, disparues, et celle de l'Universitätkirche, défigurée au XIXe s. Il n'en reste plus que 2 témoignages : l'Apothéose d'Hercule au plafond du salon de la villa du prince de Liechtenstein (1704-1708) et sa dernière œuvre, l'Assomption de la Vierge (1709), à l'Universitätkirche. Avec ces deux œuvres, il termine sa carrière dans le style de la grande tradition vénitienne, issue de Titien et de Véronèse et qui se continuera avec G. B. Tiepolo. On saisit la personnalité du virtuose de la perspective et de la couleur dans son Autoportrait (Offices), où il s'est représenté montrant la coupole de Saint-Ignace. Nourri d'art vénitien, libéré de la tradition du cinquecento par l'influence rubénienne, initié par les Bolonais à la quadrature, Pozzo n'aurait pu s'épanouir sans Rome, qui le stimula et où il a clos la tradition baroque. L'aspect systématique de ses recherches plut aux pays germaniques, où il fut le principal propagateur de la peinture baroque.