Watson (Homer)
Peintre canadien (Doon, Ontario, 1855 – id. 1936).
Autodidacte, fortement influencé par le style des artistes de l'Hudson River School, il travailla à Toronto, puis à New York (1876), où il fit la rencontre de George Inness. Il assimila également l'influence de Constable et, lors de son premier voyage à Londres et à Paris, en 1887, il s'intéressa à la peinture de l'école de Barbizon. Il retourna plusieurs fois en Angleterre, d'où lui était venu le succès qui le lança : son Pioneer Mill (1880, Windsor Castel) avait été acheté en 1880 par la princesse Louise pour la reine Victoria. Il fut ainsi l'un des maîtres reconnus de l'art canadien autour de 1900. Sa peinture chante l'agrément de la vie champêtre canadienne. On la considère à juste titre comme une adaptation de l'art de Constable aux réalités canadiennes de l'époque. Le tableau Un champ de maïs (1883, Ottawa, G.N.) révèle un caractère nord-américain bien particulier.
Watteau (Antoine)
Peintre français (Valenciennes 1684 – Nogent-sur-Marne 1721).
Adulé de son vivant et peu après sa mort par les amateurs (Jullienne, Crozat, Frédéric II), il fut délaissé dès le milieu du siècle sous l'influence du goût antique (Caylus, en 1748, reproche à l'artiste de n'avoir rien composé d'héroïque) ou de la sensibilité (Diderot). À partir de 1810, l'intérêt pour Watteau renaît, mais c'est surtout la seconde moitié du siècle qui remet l'artiste vraiment en valeur : les Goncourt, dès 1854, Baudelaire (les Phares, 1855), et Verlaine (1867) le situent à sa vraie place, tandis que lord Hertford achète les tableaux qui font la gloire de la coll. Wallace et que le legs Lacaze (1869) fait enfin entrer 8 de ses tableaux (dont le Gilles) au Louvre, qui ne conservait jusqu'alors que son morceau de réception (Pèlerinage à l'île de Cythère).
La jeunesse de Watteau et son passage dans l'atelier de Gillot (1699-1707)
On trouve Watteau d'abord dans l'atelier de J.-A. Gérin à Valenciennes (1699-1702 ?), puis à Paris, où il copie des tableaux religieux ou néerlandais (la Vieille aux lunettes, d'après G. Dou) et fait la connaissance de Flamands (Vleughels, Spoëde). Sauf la Vraie Gaieté (1702-1703, musée de Valenciennes), aucune œuvre de cette période n'est connue autrement que par la gravure : ce sont des scènes rustiques rappelant Téniers. De 1703 à 1708, Watteau visite les marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques, Pierre II Mariette (qui a commandé à Rousselet des gravures sur la Comédie-Italienne) et son fils Jean (grand collectionneur d'œuvres des Pays-Bas), chez qui il regarde, tout autant que Titien ou Rubens, Callot, Picart ou Simpol : scènes religieuses ou galantes, gravures de mode et de mœurs contemporaines semblent donc être ses premières sources d'inspiration. C'est probablement chez les Mariette qu'il rencontre Gillot, chez qui il travaille de 1703 à 1707-1708 : phase décisive dans la carrière du peintre, qui copie ou complète des sujets de la Comédie-Italienne fort en vogue depuis la fermeture de l'hôtel de Bourgogne en 1697 (Arlequin empereur de la Lune, 1707, musée de Nantes, peut-être peint par Watteau d'après un dessin de Gillot ; Pour garder l'amour d'une belle, v. 1706, gravé par Cochin en 1729). Pendant cette période très importante, Watteau élargit son répertoire iconographique, moins sensible à l'aspect un peu sec des compositions de Gillot qu'à l'intelligence avec laquelle celui-ci saisit les thèmes populaires ou théâtraux. Nous possédons deux témoignages pour ces années : une œuvre sûre (Qu'ay-je fait assassins maudits ? 1704-1707, Moscou, musée Pouchkine), satire parallèle à celle de Monsieur de Pourceaugnac, et une autre que la critique a rendue à l'artiste (les Petits Comédiens, 1706-1708, Paris, musée Carnavalet, déposé à Dublin, N. G.), qui montre davantage l'influence de Gillot ; il semble que ce soit à Watteau plutôt qu'à Gillot que l'on commande désormais ces tableaux.
Watteau chez Claude III Audran (1708-1709)
Le concierge du palais du Luxembourg l'accueille chez lui, lui demande de l'aider dans ses commandes (les Mois grotesques pour Meudon, commencés en 1699 et pour lesquels l'Albertina possède un dessin de Watteau) et lui confie une partie de la décoration du château de la Muette (Cabinet du roi, v. 1708, connue par les gravures reproduites dans l'Œuvre gravé, publié en 1731). Tout en suivant la tradition de Bérain, Watteau innove et se montre le précurseur de Boucher, réalisant l'un des tout premiers ensembles témoins du goût pour les chinoiseries et l'exotisme, tandis que ses travaux décoratifs pour l'hôtel de Nointel (Poulpry) montrent sa fantaisie : il mêle les personnages galants aux grotesques et aux arabesques (le Faune, l'Enjôleur, Paris, coll. part., les deux seuls panneaux retrouvés). Mais la grande révélation pour lui pendant ces deux années est la galerie Médicis de Rubens, l'ensemble alors le plus célèbre de Paris, dont Nattier dirige la publication par la gravure (1703-1710). À ce contact, l'artiste acquiert un métier plus onctueux, adopte définitivement une pâte plus fluide. Au moment où il se rend à Valenciennes (1710), il s'essaie aux sujets militaires, où il se montre bien différent de ses prédécesseurs français (Van der Meulen), plus réaliste qu'eux (Camp volant, 1709-10, Moscou, musée Pouchkine). Mais, très vite, il laisse ce genre au jeune A. Pater, qui travaille à ses côtés ; il est possible cependant qu'il y revienne plus tard (la Recrue, Paris, coll. Rothschild).
Watteau et les amateurs parisiens (1710-1716)
De retour à Paris, il s'installe chez le beau-père de Gersaint, Sirois, dont il laissera le portrait (Sous un habit de mezzetin, v. 1717, Londres, Wallace Coll.), et se consacre aux mascarades dans le genre de Gillot : il complète alors sa culture théâtrale, se liant avec La Roque et Lesage. La protection de La Fosse lui permet d'être rapidement agréé à l'Académie (les Jaloux, connus par la gravure ; la Partie carrée, 1712, San Francisco, Fine Arts Museum). On est très mal renseigné sur son activité pendant les années 1712-1715 ; on sait qu'il fait la connaissance du trésorier Pierre Crozat (vit-il chez l'amateur en 1712 ou seulement en 1715 ?), qui met à sa disposition ses terres (Nogent-sur-Marne) et lui permet d'étudier dans son énorme collection de dessins les Flamands, et surtout Van Dyck (l'Amour désarmé, v. 1715, Chantilly, musée Condé ; l'Automne, Louvre). Watteau travaille longuement la technique du paysage, qu'il arrive à traiter pour lui-même (la Bièvre à Gentilly, v. 1715, Paris, coll. part.). Pendant tout ce temps, il ne semble pas rechercher de grandes commandes, s'attachant plutôt à se perfectionner. Il peint alors les Saisons pour Crozat (v. 1715), dont l'Été (Washington, N. G.) est la seule toile qui subsiste de cet ensemble. Il effectue donc une synthèse entre une esthétique d'origine bellifontaine, qu'admirait déjà Claude III Audran et dont il est l'héritier à travers Callot, un rubénisme qui poursuit l'effort des coloristes du siècle de Louis XIV et une référence très nette à l'art vénitien : le tout avec des coloris très délicats, des recherches luministes qu'il pousse très loin et une sensibilité à l'atmosphère d'une rare poésie (la Nymphe surprise par un satyre, dite aussi Antiope, du Louvre, dont le thème est emprunté à Van Dyck, mais qui rappelle aussi Titien).
La dernière période de l'artiste (1716-1721)
Malade, mais aussi instable, Watteau change plusieurs fois de domicile : Crozat, Sirois, Vleughels l'accueillent tour à tour, cependant qu'il vit un temps chez Edme Jeaurat. En 1717, il présente le Pèlerinage à Cythère (Louvre) à l'Académie, qui le reçoit comme peintre de fêtes galantes (bien que le tableau soit plutôt, avec ses teintes d'automne et le parti pris des personnages vus de dos, une allusion mélancolique à la Jeunesse et à l'Amour). À la fin de 1719, il se rend à Londres, où il rencontre des artistes français et reçoit des commandes que terminera Ph. Mercier. Il est de nouveau à Paris durant l'été de 1720, installé chez Gersaint, pour qui il exécute, très rapidement semble-t-il, l'Enseigne, dite l'Enseigne de Gersaint (Berlin, Charlottenburg), sorte d'évocation de la querelle des Anciens et des Modernes autant que de son art propre issu de Venise et des Flandres. Il se fixe enfin au printemps de 1721 à Nogent-sur-Marne, où il vit dans le milieu de Gersaint, de La Roque, de Pater : il partage entre eux ses dessins avant sa mort.
Sa production pour ces cinq dernières années est très abondante (un grand nombre de peintures ne sont plus connues que par les gravures ou des copies) : citons d'abord les sujets influencés par le réalisme du Nord (la Marmotte, 1716 ?, Ermitage) et certains nus d'un intimisme sensuel et délicat (la Toilette intime, Paris, coll. part. ; la Toilette, Londres, Wallace Coll.). Il peint de rares portraits : celui d'Antoine Pater (musée de Valenciennes), d'une autorité surprenante, et celui d'un Gentilhomme (dit à tort " Jullienne ", Louvre), l'un des portraits les plus significatifs de l'esprit même du XVIIIe s. Il peint aussi quelques tableaux religieux (Sainte Famille, Ermitage) ou mythologiques (Jugement de Pâris, Louvre). Mais ses œuvres les plus célèbres évoquent les rencontres, les plaisirs, les " moments musicaux " auxquels convient les " fêtes galantes ". Le monde du théâtre (l'Amour au Théâtre-Français, l'Amour au Théâtre-Italien, musées de Berlin ; les Comédiens-Français, Metropolitan Museum) lui fournit des costumes et un ton poétique : la figure monumentale et solitaire du Pierrot, encore souvent appelé Gilles (Louvre), sert de prétexte à une réflexion profonde sur la tristesse et la vanité du monde. À côté d'autres figures isolées (le Mezzetin, Metropolitan Museum ; l'Indifférent et la Finette, Louvre ; l'Amante inquiète, Chantilly, musée Condé), il peint surtout des compositions groupant plusieurs personnages réunis pour la musique, pour la danse ou pour l'entretien galant sous les frondaisons d'un parc ou au seuil d'un palais. Parmi les plus célèbres de ces " fêtes galantes ", citons la deuxième version, peinte pour Jullienne, du Pèlerinage à Cythère (1718, Berlin, Charlottenburg), la Perspective du M. F. A. de Boston, les Champs-Élysées, les Divertissements champêtres, les Charmes de la vie et le Rendez-vous de chasse de la Wallace Coll. à Londres, le Plaisir pastoral du musée Condé de Chantilly, le Plaisir du bal du Dulwich College Gal., l'Amour paisible, l'Assemblée dans un parc, le Concert (musées de Berlin) et Iris c'est de bonne heure avoir l'air à la danse (id.), les Plaisirs d'amour et la Réunion champêtre de la Gg de Dresde. Ces fêtes de plein air étaient apparues dès la fin du XVIIe s. ; mais Watteau aborde ce genre avec un esprit bien différent, fait de virtuosité et de finesse : les figures énigmatiques, l'atmosphère vaporeuse, l'évocation vague de l'eau sont le reflet d'une sensibilité toute personnelle, fort prisée du cercle des Crozat et qui n'est pas la simple continuation de Rubens et de Venise. Car, en 1718, on assiste à une transformation de son lyrisme visionnaire en une description plus nette de la comédie humaine : c'est une sorte de retour au réalisme septentrional (d'un accent plus moderne, la seconde version du Pèlerinage émeut moins), tandis que l'Enseigne de Gersaint (1720), sans doute le chef-d'œuvre de Watteau, montre combien celui-ci reste attaché à la sérénité vénitienne, avec peut-être une répartition plus solide des masses : s'agit-il d'une démarche nouvelle, brutalement interrompue, comme un demi-siècle auparavant celle de Poussin ? La grande exposition organisée en 1984-1985 (Washington, Paris, Berlin) a permis, pour la première fois, de mieux définir l'ambiguïté, la variété et la nouveauté d'une sensibilité qui rêve la réalité et embellit ce rêve.