Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Robert (Léopold)

Peintre, lithographe et dessinateur suisse (Les Éplatures, Neuchâtel, 1794  – Venise 1835).

Il étudia à Paris chez le graveur Girardet, à l'École des beaux-arts et chez David, puis travailla avec Gros et revint en Suisse après les Cent-Jours. En 1818, il gagna Rome et se consacra entièrement à la peinture. Ses modèles furent surtout des détenus du château Saint-Ange et des Termini (Retraite de brigands, 1824, musée de Neuchâtel). Dans les années suivantes, il entreprit quatre grandes compositions personnifiant les saisons et certaines régions italiennes. Deux d'entre elles sont au Louvre : le Retour de la fête de la Madone de l'Arc (1827) et l'Arrivée des moissonneurs dans les marais Pontins (v. 1830). En 1832, Robert se rendit à Venise pour travailler à la dernière œuvre du cycle : les Pêcheurs de l'Adriatique, œuvre interrompue par son suicide.

Robert (Paul Ponce Antoine) , dit Robert de Séry

Peintre français (Séry-en-Porcien, Aisne, 1686  – Paris 1733).

Il fut élève de Jean Jouvenet et de P.-J. Cazes, passa une grande partie de sa vie en Italie, protégé par le cardinal de Rohan, avec qui il rentra à Paris v. 1725. On comprend mal le mépris de l'Académie, malgré l'avis de certains amateurs (Crozat, Mariette), pour ce peintre d'histoire (Sainte Famille, musée de Charleville) qui reçut plusieurs commandes ; fin connaisseur, il exécuta le vigoureux et original Portrait de femme du musée de Lille (1722) et il est l'auteur d'agréables compositions où certaines figures évoquent Watteau (Revue de mousquetaires, 1729, Versailles).

Roberti (Ercole)

Peintre italien (Ferrare v.  1450  – ? 1496).

Longtemps considérés comme deux artistes différents, Ercole de Grandi et Ercole Roberti sont désormais identifiés dans une seule et même personnalité.

Sa carrière

Roberti fut l'élève et le collaborateur de Francesco del Cossa, et il apparaît probable que celui-ci, abandonnant la décoration du palais Schifanoia de Ferrare, l'emmena avec lui à Bologne en 1470. Roberti collabora à l'exécution de la " Pala " Griffoni à la basilique S. Petronio (v. 1473) en peignant la prédelle et les pilastres. De retour à Ferrare, il termina la " pala " de l'église S. Lazzaro commandée à Francesco del Cossa (détruit en 1945). Ensuite, il restera aux côtés de Cossa, fixé à Bologne, jusqu'à la mort de ce dernier (v. 1478) ; puis, en 1479, il rejoint son frère Polidoro, qui a un atelier à Ferrare. En 1481, il est payé pour l'exécution de la " pala " de S. Maria in Porto, près de Ravenne. Avant 1486, il exécute les fresques de la chapelle Garganelli de S. Pietro à Bologne. C'est de cette époque que doivent dater la prédelle avec des Scènes de la Passion, peinte pour l'église S. Giovanni in Monte, ainsi que les fresques du palais Bentivoglio de Bologne, auj. disparues. Rentré à Ferrare av. 1486, il est nommé peintre à la cour d'Ercole Ier. L'année suivante, il accompagne le cardinal Ippolito d'Este en Hongrie. On a retrouvé la trace de différents paiements, de 1486 à 1494, attestant ses travaux pour les membres de la cour d'Este : la duchesse Eleonora d'Aragon, Isabella et Beatrice Alfonso et Ippolito d'Este. En 1495, les travaux de l'église S. Maria in Vado, dirigés par l'architecte Biagio Rossetti, sont effectués d'après ses plans.

   Son œuvre. On sait que Cossa fut le principal artisan de la décoration à fresque du palais Schifanoia de Ferrare, mais la critique moderne a mis en évidence la participation d'Ercole, auteur principalement du panneau consacré au mois de Septembre, où sont figurés dans la partie supérieure la Forge de Vulcain, le Triomphe de la luxure et les Amours de Vénus et de Mars, dans la zone médiane les Allégories des trois décans de Septembre et en bas Borso d'Este entouré de ses courtisans.

   Ici, la force et l'âpreté de Tura revivent chez Roberti avec une exceptionnelle finesse d'interprétation et une extraordinaire vivacité. Il se détache ainsi de Cossa par plus de brusquerie, par une articulation plus heurtée des compositions, par la variété inattendue et l'originalité des trouvailles. Sans renoncer aux mêmes valeurs essentielles que Cossa découvrit grâce à l'influence de Piero della Francesca, Ercole Roberti parvint à créer un monde plus complexe et plus inquiet, instable et fascinant. Plus encore que dans le Septembre du palais Schifanoia, ces caractères se rencontrent dans la prédelle évoquant les Miracles de saint Vincent Ferrier (Vatican) et faisant partie de la grande " pala " de la chapelle Griffoni de S. Petronio de Bologne, dont les panneaux principaux (Londres, N. G. ; Brera) sont de Cossa. La prédelle, certainement conçue par Cossa et réalisée sous sa direction, est exécutée par Ercole, dont on retrouve le style expressif si personnel dans plusieurs épisodes narratifs. Pour la décoration des pilastres de l'encadrement de la " Pala " Griffoni, Ercole exécute également 8 petits panneaux représentant des saints, dont sept sont auj. dispersés dans divers musées (Louvre ; Rotterdam, B. V. B. ; Ferrare, P. N.) et coll. part. (Cini à Venise). Anciennement conservée à Berlin, la grande " pala " (détruite en 1944) qui provenait de l'église S. Lazzaro de Ferrare était une des autres œuvres fondamentales de Roberti datant de sa première période (Vierge et l'Enfant sur un trône avec quatre saints). Il semble qu'elle ait été réalisée d'après une ébauche de Cossa, dont certaines particularités stylistiques marquent les personnages des angelots sur le trône de la Vierge. L'ordonnance complexe de la " pala " traduit encore les suggestions de Tura, mais les très belles frises en trompe-l'œil (imitant des bas-reliefs) qui ornent la base du trône sont tout à fait empreintes du style personnel d'Ercole Roberti.

   La comparaison entre la " pala " de S. Lazzaro et la " Pala " Portuense (provenant de S. Maria in Porto, près de Ravenne), actuellement à la Brera, met clairement en évidence la profonde évolution que subit l'art de Roberti en quelques années. Dans la " Pala " Portuense (Vierge et l'Enfant sur un trône avec deux saints et deux saintes), Ercole atteint à la plus haute dignité dans la composition, développant solennellement le thème de la Sainte Conversation. Il utilise comme cadre l'intérieur d'un grand édicule parfaitement équilibré, dresse le groupe sacré sur un haut piédestal et, par un trait de génie inventif, laisse entrevoir l'horizon lointain à travers la base de cette construction, reprenant un motif qu'il avait à peine esquissé dans la " pala " de S. Lazzaro. De même que Giovanni Bellini à Venise, il recueille les fruits de la haute leçon de Piero della Francesca ; il assimile la fermeté de style de Tura tout en l'adoucissant par la subtilité de sa vision optique, apportant aux détails une finesse presque flamande. Il ne renonce pas à donner libre cours à son extraordinaire fantaisie, digne d'un Dürer ou d'un Baldung Grien dans la frise monochrome du soubassement du trône.

   D'une égale intensité dramatique sont le Saint Jean-Baptiste de Berlin, tragique et hallucinant insecte humain, devançant l'irréalisme des maniéristes, et la prédelle en deux parties montrant l'Arrestation du Christ et le Chemin du Calvaire (Dresde, Gg), exécutée pour l'église S. Giovanni in Monte de Bologne et qui comportait en son milieu la prodigieuse Pietà (Liverpool, Walker Art Gal.). Dans cette œuvre, l'art de Roberti associe à la nouvelle plénitude formelle inaugurée dans la " Pala " Portuense les articulations inventives les plus complexes et les finesses optiques d'un agencement pictural cristallin. On retrouve ces qualités dans la Madeleine (Bologne, P. N.), fragment d'un Calvaire et unique vestige des fresques de la chapelle Garganelli de S. Pietro à Bologne (avec des copies du Calvaire, dans la sacristie de l'église, et de la Mort de la Vierge, au Ringling Museum de Sarasota et au Louvre).

   Parmi les autres œuvres de la première période de l'activité artistique de Roberti, on peut encore citer : Saint Jérôme pénitent (anc. coll. Barlow de Londres), les portraits de profil de Giovanni II Bentivoglio et de sa femme Ginevra Sforza (Washington, N. G.), la Madone à l'Enfant (Chicago, Art Inst.). De la seconde période datent un autre portrait de Giovanni II Bentivoglio (Bologne, Université), une série de petits panneaux avec l'Adoration des bergers, la Pietà, la Cène et la Récolte de la manne (tous à Londres, N. G.), ces deux derniers (avec Abraham et Melchisedech, connue par une copie) formaient sans doute la prédelle d'une Pietà perdue (copie autrefois à Rome, coll. Blumenstihl) à l'église San Domenico à Ferrare. Saint Michel (Bologne, P. N.), la Madone à l'Enfant (Berlin), Brutus et Porcia (Fort Worth, Kimbell Art Museum) et la Femme d'Asdrubal (Washington, N. G.).

   L'influence d'Ercole à Bologne a été, plus que celle de Cossa, déterminante pour la peinture bolonaise : Francia et surtout Costa se sont ainsi inspirés de son style.