Rusiñol (Santiago)
Peintre espagnol (Barcelone 1861 – Aranjuez 1931).
Peintre de valeur, mais aussi romancier, chroniqueur, auteur dramatique, il compte avant tout dans l'histoire comme un des animateurs du " modernisme " catalan de 1890-1900 et l'un de ses principaux traits d'union avec la France. D'une famille d'industriels aisés, il fut d'abord, sous la direction de Moragas, un peintre aquarelliste. Contraint d'entrer dans la fabrique de tissus de son grand-père, il s'en libère en 1865 pour effectuer un premier voyage à Paris et travailler à l'Académie Gervex. En 1887, il s'installe à Montmartre, partageant la vie pleine de fantaisie d'un petit groupe espagnol dont les figures dominantes sont le critique d'art et journaliste Miguel Utrillo et le peintre barcelonais Ramón Casas, puis, à partir de 1890, le Basque Zuloaga. Fréquentant l'Académie de la Palette, où corrigent Puvis de Chavannes et Carrière, il est aussi un familier du Chat-Noir. Bohème cordial, jovial et mélancolique, il se mêle aux milieux littéraires et artistiques les plus divers ; il est un familier de Léon Daudet, de Toulet, de Curnonsky, d'Erik Satie, aussi bien que de nombreux peintres. Ses premières œuvres, influencées par Carrière, Whistler, l'estampe japonaise, autant que par les impressionnistes purs, traitent des sujets réalistes et intimistes : portraits en plein air (Utrillo devant le Moulin de la Galette, Barcelone, M. A. M.), coins de Montmartre, souvent en hiver, figures de jeunes femmes ou d'enfants dans des intérieurs (Portrait de Sarah Bernhardt, Prado, Casón), dans une gamme très fine, un peu brumeuse, où dominent les gris. Par la suite, Rusiñol évolue vers un symbolisme sentimental assez proche des préraphaélites (le Mystique, l'Angélus, Nuit de veille, musée du Cau Ferrat à Sitges). Après son retour définitif à Barcelone en 1894, il prend une place importante dans la vie artistique, par l'affiche et la décoration autant que par la peinture. Il est un des fondateurs des Quatre Gats, transposition barcelonaise du Chat-Noir et rendez-vous de toute l'avant-garde. En outre, au petit port de Sitges, la maison de pêcheur qu'il a achetée en 1892 se transforme en une vaste villa, que Rusiñol décore d'allégories gothicisantes (Peinture, Musique, Poésie). Le Cau Ferrat devient le théâtre de " fêtes modernistes " où affluent les artistes barcelonais ; on y célèbre le culte de Greco, dont Rusiñol avait acquis des toiles, notamment une importante Madeleine. Légué à la ville de Sitges, le Cau Ferrat est rattaché depuis 1932 aux musées de Barcelone. La collection de peintures de Rusiñol apporte un témoignage précieux sur les peintres espagnols du début du siècle (Picasso, Zuloaga, Regoyos) et permet de suivre les étapes de son œuvre. Rusiñol devait en effet trouver sa voie définitive avec un thème nouveau : celui des jardins d'Espagne, qu'un voyage à Grenade lui avait révélés depuis 1892 (Cour aux orangers, Castres, musée Goya) ; il découvre ensuite ceux de Majorque et de Castille : Aranjuez devient pour lui un lieu de prédilection ; il y meurt en 1931.
Russell (John)
Peintre britannique (Guilford 1745 Hull 1806).
Fils d'un libraire et marchand d'estampes, il fut l'élève de Francis Cotes — portraitiste dont les meilleures œuvres étaient des pastels — (1767), et, comme son maître, se voua au portrait. Entré comme étudiant à la Royal Academy en 1770, il deviendra A. R. A. en 1772 et R. A. en 1788. Russell, qui avait étudié de près les œuvres de Rosalba Carriera et subi l'influence de Reynolds, devint fameux pour ses pastels, qui atteignirent des prix aussi élevés que les œuvres de Reynolds. Il fabriquait ses propres crayons et les mélangeait sur ses peintures en frottant légèrement avec les doigts pour que les couleurs se fondent. Il publia en 1772 ses Elements of Painting with Crayons et, en 1790, il reçut le titre de " Crayon Painter to the King and Prince of Wales ". Peintre, miniaturiste, mais avant tout pastelliste, il exécuta des centaines de portraits, dont les plus remarquables sont les portraits d'enfants : l'Enfant aux cerises (1798, Louvre).
Il est représenté à Londres (N. P. G. et V. A. M.), à Édimbourg (N. G.). En outre, il s'intéressa à l'astronomie, sous l'influence de l'astronome sir William Herschel. Il inventa le " selenograph " et exécuta, au pastel, une grande carte de la Lune (Oxford, Radcliffe Observatory) et d'autres versions (Birmingham, City Museum) montrant divers aspects de cet astre, de la plus grande singularité pour son temps.
Russell (Morgan)
Peintre américain (New York 1883 – Broomall, Pennsylvanie, 1953).
Il est avec MacDonald-Wright le fondateur du Synchromisme. Dès 1906, il se familiarisa avec les impressionnistes et Cézanne lors d'un premier voyage à Paris, à la suite duquel il suivit les cours de Robert Henri à l'Art Students League. Pendant trois ans, il revint en Europe tous les étés et s'intéressa particulièrement aux solutions apportées par Monet aux problèmes de la lumière et de la couleur. En 1909, il se fixa à Paris (il ne devait quitter la France qu'en 1946), fréquenta Leo et Gertrude Stein et, chez eux, fit la connaissance de Picasso, puis de Matisse, avec qui il travailla cette même année à une série de sculptures. En 1910, il exposa au Salon d'automne (Hommes nus sur la plage, É.-U., coll. Dr. William Q. Sturner). Son intérêt se dirigeait alors plus vers Cézanne que vers Monet. En même temps, Russell attachait une grande importance aux écrits théoriques de Chevreul, de Helmoltz et de Roods (Modern Chromatics). Il rencontra MacDonald-Wright en 1911. Fiers de leurs connaissances théoriques et instruits par l'exemple de Delaunay et de Kupka (bien qu'ils n'eussent jamais admis entièrement l'influence de ceux-ci sur leur œuvre), Russell et MacDonald-Wright exprimèrent leurs positions en 1913 dans une série d'expositions accompagnées de pamphlets, à Munich (Neue Kunstsalon), à Paris (Bernheim-Jeune) ainsi qu'au Salon des indépendants et à l'Armory Show.
Le programme de Russell peut se résumer en une phrase qu'il écrivit dans l'introduction à son exposition chez Bernheim-Jeune : " C'est d'un ensemble de couleurs s'équilibrant autour d'une couleur génératrice que doit jaillir la forme. " (Synchromy to Form : Orange, 1914, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.). En 1916, Russell revint à une peinture figurative à thèmes religieux proche de Maurice Denis, mais continua, semble-t-il, à peindre des synchromies jusqu'en 1929. L'influence de Russell et du mouvement synchromiste apparut clairement en 1916 lors de la Forum Exhibition (New York, Anderson Gal.) sur des peintres tels que Thomas Benton, Marsden Hartley, Patrick Henry, Bruce, Andrew Darsburg et Morton Schamberg.
L'œuvre synchromiste de Russell est surtout représenté dans les coll. publiques américaines. Il pose des problèmes délicats de datation : en raison de la rivalité qui l'opposait à R. Delaunay et aux orphistes, Russell antidata certains tableaux des années 1920.