Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
L

Lowe (Peter)

Peintre britannique (Londres 1938).

Peter Lowe fait partie, comme Norman Dillworth, du groupe des artistes britanniques constructivistes et systématiques qui utilisent le relief dans la lignée de Victor Pasmore, Mary Martin et Antony Hill. Après avoir fait ses études au Goldsmith College de Londres avec Kenneth et Mary Martin, il participe à sa première exposition de groupe en 1957. De 1960 datent ses premiers reliefs abstraits, et sa première exposition a lieu en 1974 au Gardner Center de l'université du Sussex. À ce moment, il a trouvé son style, fait de reliefs d'une couleur grise uniforme, dont la composition repose sur un système simple établi avant l'exécution. Peter Lowe utilise des modules carrés dont le nombre est toujours proportionnel à la taille de l'œuvre et qu'il déplace horizontalement, perpendiculairement ou en hauteur en les empilant selon une progression arithmétique. Le résultat donne une œuvre toujours compréhensible immédiatement grâce au système qui a présidé à son élaboration et qui se situe dans la droite ligne des préceptes recommandés par Théo Van Doesburg dans le Manifeste de l'art concret en 1930. Les reliefs de Peter Lowe sont souvent fondés sur la notion de série et de développement. Les découpes du support et l'empilement des éléments, le jeu des pleins et des vides leur confèrent un aspect surprenant et une très grande poésie plastique. Peter Lowe a participé à de nombreuses expositions de groupe, en particulier celle intitulée " Systems " en 1972 à la Whitechapel Art Gal. de Londres et en 1980 à l'exposition " Pier and Ocean " à la Hayward Gal. de Londres. Ses œuvres sont conservées dans de nombreuses collections de Grande-Bretagne ainsi qu'au musée de Grenoble. L'art de Peter Lowe représente, par son refus d'utiliser la couleur, son absence de facture, sa réalisation anonyme, son recours aux systèmes, une radicalisation de celui de Victor Pasmore et de Mary Martin.

Lowry (Lawrence Stephen)

Peintre britannique (Manchester 1887  – 1976).

Élève des écoles d'art de Salford et de Manchester. Lowry représente les paysages industriels et les habitants du nord de l'Angleterre d'une façon naïve qui s'oppose à sa formation académique. Il expose au Salon à Paris de 1927 à 1934. Il a toujours vécu dans le voisinage de Manchester, à Pendlebury jusqu'en 1948 et, depuis lors, dans le village de la chaîne de Mottram-in-Longdendale. Il fait partie de la Royal Academy depuis 1962. Une rétrospective de ses œuvres eut lieu en 1966 à la Tate Gallery, qui conserve plusieurs de ses peintures : Paysage de Salford (1927) ; l'Étang (1950) et Collines du pays de Galles (1962). Lowry meurt d'une pneumonie en février 1976. Son atelier a été reconstitué au musée de Manchester. Le centenaire de la naissance de l'artiste a été célébré par une rétrospective (City of Salford Art Gallery) en 1987.

Lubarda (Petar)

Peintre originaire du Monténégro (Ljubotinj  1907  – Belgrade  1976).

Après avoir passé quelques mois à l'École des beaux-arts de Belgrade, il se rend à Paris en 1926 et y séjourne jusqu'en 1932. Il y revient de 1938 à 1940. Après la guerre, où il est prisonnier, il reste cinq ans à Cetinje, où il forme la première École des beaux-arts au Monténégro. Depuis 1950, il réside à Belgrade. Il fut le premier peintre abstrait en Serbie, et son exposition de 1951 reste une date importante dans l'évolution de l'art moderne yougoslave. Après la guerre, il peint d'une manière plus personnelle sur de grandes surfaces abstraites qui exigent le couteau plutôt que le pinceau.

Luca di Tommé

Peintre italien (Sienne, documenté de 1356 à 1389).

Collaborateur de Niccolo, di Ser Sozzo avec qui il signe en 1362 un Polyptyque (Madone et Saints, Sienne, P. N. ; dans ce polyptyque, il est l'auteur du Saint Jean-Baptiste et des panneaux de prédelle aujourd'hui au Vatican et dans la coll. Crawford à Balcarres), il travaille pour l'Opera del Duomo, à Sienne, après 1363, mais on sait qu'il eut une activité intense dans d'autres villes italiennes comme Pise (Crucifixion de 1366, M. N.), Foligno (Madone et anges à S. Niccolò), Spolète (Polyptyque à la G. N. de Pérouse), Rieti (Polyptyque de 1370, Museo Civico) et dans divers centres des Marches. À Sienne, il remplit des fonctions publiques et fut membre du Conseil de la cathédrale, pour laquelle il peignit un Polyptyque (1389) en collaboration avec Bartolo di Fredi et Andrea di Bartolo, pour une œuvre, perdue, autrefois au Dôme de Sienne. Personnalité artistique solide, mais sans raffinement, il a divulgué largement la manière siennoise, s'inspirant dans ses meilleurs moments de l'art de Pietro Lorenzetti.

Lucas de Leyde (Lucas Huyghensz, dit)

Peintre et graveur néerlandais (Leyde 1489 ou 1494  – id. 1533).

Venu au monde " le pinceau et l'outil de graveur à la main " (Van Mander), Lucas de Leyde est, par la variété et l'étendue de son œuvre, un des artistes les plus marquants de la première moitié du XVIe s.

   Fils et élève de Hugo Jacobsz, il entre en 1508 dans l'atelier de Cornelis Engebrechtsz et commence à peindre, dès cette époque, des scènes de genre de petit format, telle la Tireuse de cartes (Louvre). Comparables sont, vers 1510, des tableaux comme Suzanne devant le juge (musée de Brême ; disparu en 1945), la Femme de Putiphar (Rotterdam, B. V. B.), la Partie d'échecs (Berlin), présentant tous des figures cadrées à mi-corps, originaux par leur mise en page autant que par l'apparition de purs sujets de genre. Lucas est tout aussi précoce dans le domaine de l'estampe : en 1508, il grave sur cuivre l'Ivresse de Mahomet, œuvre savamment organisée, utilisant pleinement le contraste entre les ombres et les parties claires. Dans le domaine de l'estampe, il exécute en 1509 une série de 9 gravures sur cuivre de forme ronde représentant la Passion du Christ, où il étudie les attitudes et s'attache à l'analyse psychologique. Il affectionna particulièrement la gravure sur cuivre, mais grava également sur bois. C'est ainsi qu'entre 1511 et 1515 il illustre le Jardin de l'âme et orne de 42 vignettes représentant des saints le Missale ad verum cathedralis ecclesiae Traiectensis ritum, paru chez Jan Seversz à Leyde. En 1513-14, il tire une série de 7 gravures sur bois, dite " grande série de la femme " (Adam et Ève, Samson et Dalila, le Festin d'Hérodiade, Virgile suspendu dans un panier, Salomon adorant les idoles, la Reine de Saba devant Salomon, Aristote et Phylis). Parallèlement à ces illustrations, il grave sur cuivre, en 1510, le Porte-drapeau, inspiré du style de Dürer, qu'il connaissait par des estampes, et, en 1512, une série de 5 gravures racontant l'Histoire de Jacob, où la composition très soignée et les vêtements compliqués aux plis froissés révèlent une indiscutable influence du Maniérisme anversois ; de la même époque date la série de 13 gravures représentant le Christ et les apôtres. Sa carrière de graveur se poursuit avec le Triomphe de Mardochée (1515), Esther devant Assuérus (1518) et les Évangélistes. En 1520, il s'initie à la technique de l'eau-forte en exécutant le Portrait de l'empereur Maximilien Ier, copie exacte de la gravure sur bois que Dürer fit en 1519. Toutes ces œuvres témoignent de son souci constant de résoudre les problèmes de composition, de mouvement et d'expression ; tout est prétexte, pour lui, à représenter des scènes de genre, même les épisodes tirés de l'Ancien et du Nouveau Testament. Les Fiancés (v. 1519, musée de Strasbourg) et le Portrait de femme (v. 1520, Rotterdam, B. V. B.) figurent parmi les rares peintures qu'il exécuta à cette époque.

   En 1521, il est à Anvers et rencontre Dürer, qui fait son Portrait à la pointe d'argent (daté de 1521, musée de Lille). Cette rencontre fut très importante : Lucas connaissait, avant 1521, l'œuvre du maître de Nuremberg et l'admirait ; l'entrevue d'Anvers permit aux deux hommes d'échanger leurs idées : " On a prétendu qu'Albert Dürer et lui se défièrent et cherchèrent à se surpasser " (Van Mander). Dès 1521, Lucas grave sur cuivre une série de 14 estampes dite " de la Petite Passion ", inspirée par la suite que Dürer exécuta de 1507 à 1513. Quant au voyage que Lucas, selon Van Mander, aurait fait dans les Flandres, à l'âge de trente-trois ans, en compagnie de Gossaert, il doit être placé en 1522 (et non en 1527), car on ne conserve aucune gravure datée de 1522 et la présence de Lucas de Leyde à Anvers est justement attestée en 1521. Rentré à Leyde, Lucas abandonne quelque peu la gravure pour se consacrer à la peinture. De 1522 date le diptyque de la Vierge à l'Enfant avec sainte Madeleine et un donateur (Munich, Alte Pin.), où l'on sent l'intérêt de l'artiste à peindre le paysage. À partir de 1526, Lucas s'intéresse au nu : en 1529, il grave sur cuivre 6 planches tirées de l'Histoire d'Adam et Ève, influencées par Marcantonio Raimondi et des sujets mythologiques (Vénus et Cupidon, 1528).

   La plus grande réalisation de Lucas — et son vrai chef-d'œuvre — reste le fameux triptyque du Jugement dernier (1526-27, musée de Leyde), tableau votif peint à la mémoire de Claes Dirck Van Swieten pour l'église Saint-Pierre de Leyde et soigneusement préservé des troubles iconoclastes du XVIe s. par les Leydois eux-mêmes, qui furent très vite conscients de l'exceptionnel intérêt de ce retable. Le Paradis (avec au revers Saint Pierre) et l'Enfer (avec au revers Saint Paul ) encadrent la scène du Jugement dernier, riche de tons clairs très précieux avivés par de grandes zones de lumière blanche. La scène centrale, qui se poursuit sur les volets, comprend peu de personnages, mais Lucas les étudia très attentivement et soigna plus particulièrement les liaisons entre les groupes en jouant sur l'opposition des corps clairs et du sol brun sombre. Peu après viennent les retables de l'Adoration du Veau d'or (Amsterdam, Rijksmuseum), Moïse frappant le rocher (1527, Boston, M.F.A.) et la Guérison des aveugles de Jéricho (1531, Ermitage), aux coloris sonores et raffinés, aux compositions savamment organisées, qui réalisent les tendances contenues dans l'art d'Engebrechtsz.

   Lucas a laissé dans le domaine du portrait, aussi bien peint que dessiné, des chefs-d'œuvre surprenants de force plastique et d'intensité psychologique : Portraits d'hommes de Londres (N. G.) et de Madrid (fondation Thyssen-Bornemisza), Autoportrait de Brunswick (Herzog Anton Ulrich-Museum).

   Artiste de réputation internationale, célébré par Vasari, Lucas de Leyde fut connu comme graveur plus que comme peintre. Nous conservons peu de tableaux de l'artiste (une quinzaine seulement), mais son assimilation égale du maniérisme gothique leydois (Engebrechtsz) et anversois, de Gossaert et des estampes de Dürer et de Marcantonio Raimondi le place au premier rang de l'art pictural des Pays-Bas du Nord dans le premier quart du XVIe siècle. L'importance de Lucas de Leyde peintre apparaît d'abord dans le domaine de la scène de genre, traitée pour la première fois de façon indépendante, dans des mises en page directes et avec un souci de l'expression physionomique, ensuite dans un nouvel équilibre narratif de la peinture d'histoire, servi par l'harmonieuse distribution des personnages dans le déploiement du paysage, l'appoint de scènes annexes et un chromatisme sonore et lumineux. Ses principaux émules ont été Aertgen Van Leyden, Jan Wellens de Cock, Pieter Cornelisz, dit Kunst, et Jan Swart Van Groningen.