Geoffroy (Jean) , dit Géo
Peintre français (Marennes, Charente-Maritime, 1850 – Paris 1924).
Cet artiste, soucieux de réalisme, a d'abord évoqué avec force, dans les harmonies sourdes de gris, la misère (les Infortunés, 1883, musée d'Amiens) et la résignation des humbles (le Jour de la visite à l'hôpital, 1889, hôtel de ville de Vichy). Ses décorations officielles, à caractère social, un peu conventionnelles, sont fraîches et sincères (le Dispensaire de la Goutte de lait, à Belleville, triptyque, 1903, coll. de la Ville de Paris). Elles offrent même de savoureux détails de pâte et de coloris (l'Arbre de Noël au dispensaire de la Goutte de lait, 1908, Paris, musée de l'Assistance publique). Puis l'artiste a dépeint en couleurs plus claires, et dans une technique floue impressionniste, la vie quotidienne des écoliers, la récréation, les révérences et les confidences enfantines (l'École maternelle, Birmingham, City Museum ; la Leçon d'écriture, Paris, Ministère de l'Éducation nationale ; la Sortie de l'école, musée de Moulins).
Gérard (François, baron)
Peintre français (Rome 1770 – Paris 1837).
Fils d'une Italienne et d'un intendant du cardinal de Bernis, ambassadeur de France près du Saint-Siège, il vécut ses douze premières années à Rome. Dès 1782, ayant suivi sa famille à Paris, il exerça ses dons de dessinateur chez le sculpteur Pajou, puis, en 1784, chez le peintre Brenet. Mais, gagné par l'enthousiasme que suscita le Serment des Horaces au Salon de 1785, il entra dans l'atelier de David (1786) pour se consacrer à la peinture. C'est son condisciple Girodet qui remporta devant lui le prix de Rome de 1789. À une époque où les troubles révolutionnaires favorisaient peu l'activité artistique, Gérard subvint aux besoins de sa famille en dessinant les illustrations du Virgile et du Racine édités par les frères Didot. Il remporta son premier succès au Salon de 1795, pour lequel il peignit un Bélisaire portant son guide piqué par un serpent. Le miniaturiste J.-B. Isabey s'étant chargé de vendre le tableau, Gérard le remercia en le peignant avec sa fille et son chien : la mise en place simple et originale s'harmonise avec la sincérité chaleureuse qui émane de ce portrait (1795, Louvre). Les louanges furent moins unanimes pour Psyché et l'Amour (Salon de 1798, id.), où, sous prétexte de pureté, l'artiste tombe dans la froideur marmoréenne et la mièvrerie du style " léché ". De la même époque datent les premiers portraits qui, par leur élégance et leur finesse psychologique, firent la célébrité du peintre : Larevellière-Lépeaux (1797, musée d'Angers), la Comtesse Regnault de Saint-Jean-d'Angély (1798, Louvre), dont l'attitude et la grâce sont à l'image des portraits de la Renaissance italienne. Son interprétation originale du style davidien donne souvent la mesure de sa personnalité : le Modèle (v. 1800, Washington, N. G.). Gérard ne connut vraiment le succès qu'à partir de 1800, quand Bonaparte lui confia des commandes. Il ne fit pas seulement le portrait de l'Empereur en costume de sacre (1805, une version à Versailles, une autre à Malmaison), mais fut le portraitiste attitré de la famille impériale, le peintre des dignitaires de l'Empire et des souverains étrangers. Le musée de Versailles acquit à la vente de son atelier 84 petites esquisses représentant un grand nombre de ces personnages, dont les collections privées gardent encore souvent les portraits. La souplesse des lignes et la richesse des coloris, la variété des décors cherchant à évoquer le cadre de vie de chacun permettent d'échapper à la rigidité des effigies officielles ; on peut citer Joséphine à Malmaison (1802, Malmaison), Madame Mère (1803, Versailles), Murat (1805, id.), la Reine Julie et ses filles (1807 ; réplique dans la coll. du prince Napoléon). Moins officiel, mais non moins célèbre est le portrait de Madame Récamier (1805, Paris, musée Carnavalet), destiné à remplacer celui que David n'avait pu achever (Louvre). Les commandes reçues par Gérard ne sont pas limitées à ce seul genre ; il fait aussi des décorations pour les résidences impériales ; entre 1800 et 1801, il peint pour le salon Doré de Malmaison l'illustration d'un poème d'Ossian en pendant à celle dont est chargé Girodet : comme celle-ci, vibrante d'" angoisse passionnée " et d'atmosphère lunaire, elle est pourtant moins étrange, car plus clairement organisée et sans allusion contemporaine (toutes deux ont repris leur place primitive, la toile de Gérard étant une réplique de l'original perdu). Puis, pour conserver au palais des Tuileries le souvenir de la Victoire d'Austerlitz, l'Empereur demande à son peintre un plafond (Salon de 1810), qui, au retour des Bourbons, est transféré dans la galerie des Batailles de Versailles, tandis que son encadrement de figures allégoriques vient au Louvre : équilibre de la composition et rayonnement de la lumière confèrent à l'œuvre une grandeur solennelle.
La chute de l'Empire n'a pas de conséquence sur la carrière de Gérard, qui, présenté à Louis XVIII par Talleyrand, fait le portrait en pied du roi (1814, Versailles), dont il devient le premier peintre (1817) avant de recevoir le titre de baron (1819). Tous les souverains que les événements de 1814 amenèrent à Paris voulurent se faire portraiturer par lui : Alexandre Ier de Russie, Frédéric-Guillaume III de Prusse (esquisses à Versailles), si bien que les contemporains l'appelèrent " le peintre des rois et le roi des peintres ". En outre, le prince Auguste de Prusse lui commanda la célèbre Corinne au cap Misène (1819, Salon de 1822, musée de Lyon), hommage apparent à Mme de Staël, mais hommage déguisé à Mme Récamier, à qui il offrit le tableau. Parallèlement, Gérard continua pour les commandes royales son œuvre d'historien, peignant pour Louis XVIII l'Entrée de Henri IV à Paris (1817, Versailles) ; par référence au précédent historique, ce sujet noble, émaillé de pittoresque, célèbre le retour des Bourbons. En pendant, il peignit pour Charles X le Sacre de 1825 à Reims (1829, id. ; version réduite à Reims, musée du Sacre), qui n'est qu'une monotone galerie de personnalités. Illustrant le renouveau du sentiment religieux suscité par les milieux royalistes, il peint une Sainte Thérèse (1827, Paris, infirmerie Marie-Thérèse) qui suscite l'admiration de Chateaubriand. Vers 1820, un certain déclin s'observe dans l'œuvre du portraitiste ; le modelé perd parfois de sa fermeté, le style devient plus onctueux, à la manière des Anglais : Lady Jersey (1819) et surtout la Comtesse de Laborde (1823), dont les esquisses sont à Versailles. Handicapé par une santé et une vue déficientes, Gérard, sous Louis-Philippe, ne produisit le plus souvent que des œuvres mineures. Il peignit pourtant alors des figures monumentales pour le musée historique de Versailles (1832) et pour les pendentifs de la coupole du Panthéon (1829-1836). Le Classicisme avait d'ailleurs épuisé sa sève, et, si l'artiste s'était assuré la constante collaboration de Mlle Godefroid pour exécuter ses innombrables commandes, il n'avait pas formé de disciples. Il avait toutefois encouragé les débuts de quelques artistes : Ary Scheffer, Léopold Robert, Ingres même, qui fréquentèrent sa maison ; car, pendant plus de trente ans, Gérard tint un salon où se côtoyèrent les gens du monde, les savants, les artistes, parmi lesquels les musiciens avaient une place de choix. Sa brillante clientèle fut à l'origine de ce rendez-vous, resté aussi célèbre que son œuvre.