Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître du Retable de Třeboň

Peintre tchèque (actif à Prague v. 1380-1390).

Il appartenait au groupe d'artistes travaillant pour la Cour à Prague ; son chef-d'œuvre est le retable vraisemblablement destiné à l'église Saint-Gilles au couvent des Augustins de Třeboň (en allemand, Wittingau) et dont il ne subsiste que 3 panneaux : le Christ au mont des Oliviers, la Mise au tombeau, la Résurrection (v. 1380, Prague N. G.), tous trois ornés au revers de figures de saints et de saintes.

   Préparé par des œuvres de la génération précédente (peintures du château de Karl-štejn, celles de Maître Théodoric, celles de la cathédrale Saint-Guy de Prague et celles du monastère d'Emmaüs), l'art du maître est imprégné de sensibilité augustinienne ; peut-être l'artiste a-t-il été en contact avec la peinture française des années 1360-1370 (Apocalypse d'Angers, petit diptyque du Bargello, à Florence, Parement de Narbonne), peut-être a-t-il subi des influences de l'Italie du Nord. Il est, en tout cas, la plus grande figure de la peinture gothique tchèque ; il conçoit l'espace construit en profondeur et il nuance les formes par le clair-obscur, qui apparaît ici pour la première fois. De nouvelles tendances au dynamisme, à l'intensité du sentiment apparaissent. Le maître est un des créateurs du " beau style ", variante du style international en Bohême et en Europe centrale, et il annonce le Gothique tardif dans ces mêmes régions.

   Les avis de la critique divergent sur la chronologie de l'œuvre du maître. On admet que la Vierge de douleur (église de Církvice), l'Adoration de l'Enfant (château de Hluboká), la Crucifixion (église Sainte-Barbe, près de Hluboká), la Crucifixion (église Sainte-Barbe, près de Třeboň) précèdent les panneaux du Retable de Třeboň. La Madone de Roudnice (Prague, Galerie nationale) et la Vierge de l'Ara Coeli (Prague, id.) furent probablement peintes v. 1385. C'est dans l'entourage de l'artiste que furent exécutés la Vierge entre saint Barthélemy et sainte Marguerite (château de Hluboká) et le Crucifiement de Vyšší Brod (fin du XIVe s., musée de Prague) ; son influence se reflète dans le Retable de Pähl (fin du XIVe s., Munich, Bayerisches Nationalmuseum) et le Retable de Grüzdziadze (v. 1400, musée de Varsovie) ; elle se fera également sentir dans les régions voisines de la Bohême (Nuremberg, Bavière, Silésie).

Maître du Retable des Augustins

Peintre allemand (actif à Nuremberg v.  1487).

Il doit son nom au grand retable à double paire de volets placé dans l'église des Augustins de Nuremberg, réalisé v. 1487. La partie sculptée, qui comportait une Vierge à l'Enfant et deux saints, a disparu. Sur les panneaux intérieurs de la première paire de volets, c'est-à-dire à l'emplacement privilégié qu'on ne voyait qu'aux jours de fête, figurent : à droite, Saint Luc peignant la Vierge et Saint Christophe ; à gauche, la Vision de saint Bernard et Sainte Barbe ; à l'extérieur, 8 Saints. Sur la seconde paire de volets figurent : à l'intérieur, 4 Saints ; à l'extérieur, la Légende de saint Guy (musée de Nuremberg). L'auteur principal du retable est indiscutablement une personnalité éminente qui avait pleinement assimilé les leçons de la peinture des Pays-Bas. L'un des collaborateurs du peintre a signé des lettres R. F. (Rueland Frueauf l'Ancien ?) sur l'une des scènes de la Légende de saint Guy.

   Doté d'un remarquable sens de l'espace, le Maître du Retable des Augustins est sans doute le plus remarquable des peintres nurembergeois de la génération qui précéda celle de Dürer. Ce retable, d'une grande plasticité, a été considéré par Thode comme l'œuvre la plus remarquable de l'école de peinture nurembergeoise de la seconde moitié du XVe s.

Maître du Retable d'Or (Meister der goldenen Tafel)

Peintre allemand (actif au début du XVe s. à Lunebourg).

Il doit son nom à son œuvre principale, les volets du Retable d'or, ensemble géant à double paire de volets ornant autrefois le maître-autel de l'église du couvent Saint-Michel de Lunebourg (musée de Hanovre), qui date probablement de 1418, époque de la consécration de la nouvelle église. Dans son coffre central étaient disposés des objets précieux et étonnants — le trésor du couvent (vestiges au musée de Hanovre) —, et la face interne des volets, sculptée et dorée, avait donné son nom à ce retable, d'une incomparable richesse. Lorsque les volets extérieurs étaient ouverts, laissant apparaître leurs faces antérieures, et que la première paire de volets était rabattue sur le coffret central, on voyait se dérouler comme une frise, sur trois rangs, de gauche à droite du retable, 36 peintures sur fond d'or, de couleurs resplendissantes et précieuses, illustrant la Vie du Christ et de la Vierge. Dans la position de fermeture complète, en juxtaposition symbolique, les scènes du Serpent d'airain et de la Crucifixion, l'Annonce aux bergers, la Fuite en Égypte, le Baptême du Christ, la Crucifixion, les Trois Marie au tombeau, qui témoignent d'un grandiose sentiment, sont parmi les plus remarquables scènes. La prédelle est perdue. Pour les peintures de l'intérieur des volets extérieurs, le maître s'est fait aider : seuls le Couronnement de la Vierge (très ruiné) et le Baptême du Christ sont de sa main. D'autres ouvrages ont été attribués à cet anonyme, notamment les miniatures du Missel Vewelkoven, qui présentent de grandes affinités avec les peintures du Retable d'or (Lunebourg, Stadtarchiv), 2 panneaux représentant l'un une Vierge à l'Enfant, l'autre l'Empereur Auguste et la Sibylle de Tibur (tous deux à Brême, coll. part.).

   Cet ensemble n'a pu jusqu'ici être exactement localisé. Son auteur apparaît comme la plus importante personnalité artistique de la Basse-Saxe au début du XVe s. L'art de ce maître, grave, typiquement bas-allemand, est mêlé d'inspirations complexes, de courants westphaliens, colonais, et décèle dans l'élégance et la souplesse des formes et de nombreux motifs une vive influence franco-flamande (Jacquemart de Hesdin).

Maître du Retable Tucher

Peintre allemand (actif à Nuremberg entre 1438 et 1450).

Cette personnalité dominante de l'école de Nuremberg au milieu du XVe s. doit son nom au Retable Tucher. Cet ensemble remarquable se trouvait à l'origine dans l'église des Augustins de Nuremberg ; il fut transporté en 1615 dans l'église des Chartreux et restauré aux frais de la famille Tucher, dont il porte les armes ; depuis le début du XIXe s., il est conservé dans l'église Notre-Dame de Nuremberg. Sur le panneau central, on voit : au milieu, la Crucifixion avec la Vierge et saint Jean ; sur les côtés, l'Annonciation et la Résurrection ; sur les faces internes des volets : à gauche, Saint Guy et l'Assomption et, à droite, Saint Léonard et la Vision de saint Augustin. Les figures, isolées, courtes, puissantes, témoignent d'un réalisme issu d'influences flamandes (R. Campin) et bourguignonnes (Claus Sluter). Diverses œuvres sont attribuées au Maître de Tucher ou à son atelier, notamment le Retable Haller (Nuremberg, église Saint-Sébald) et l'Épitaphe de Jean d'Ehenheim (Nuremberg, église Saint-Laurent).