Lemmen (Georges)
Peintre, graveur et décorateur belge (Schaerbeck 1865 – Uccle 1916).
Après de brèves études à l'École de dessin de Saint-Josse-ten-Noode (Bruxelles), où il fut l'élève de Hendrickx et d'Amédée Bourson, il participa à divers mouvements d'avant-garde. En 1889, il fut admis au groupe des Vingt, en même temps que Van de Velde, qui, en 1893, devait l'inviter à l'Association pour l'art d'Anvers. Simultanément, il exposait à Paris — de 1889 à 1893 — au Salon des indépendants et se liait avec les artistes du groupe néo-impressionniste, dont il appliqua librement la technique jusqu'en 1895 ; il fut en Belgique, avec William Finch et Théo Van Rysselberghe, l'un des premiers adeptes du Divisionnisme. Il contribua, dès cette époque, au renouveau des arts graphiques et décoratifs — affiches (musée d'Ixelles), livres, papiers peints, tissus, céramique — en créant un style d'arabesque, interprétation originale des modèles orientaux et anglais ; il fut en cela fidèle à l'idéal social de la Libre Esthétique, dont il se montra, dès sa fondation en 1894, l'un des ardents défenseurs. Artiste sensible, passionné par toutes les techniques, il fut ensuite influencé dans ses dessins, ses gravures et ses peintures par Bonnard et Vuillard, et, comme eux, eut une prédilection pour les paysages lumineux et les sujets intimistes (la Chambre des enfants, aquarelle, Bruxelles, M. R. B. A. ; Nu debout se peignant, Brême, Kunsthalle). Puis, après un voyage dans le midi de la France en 1911, Georges Lemmen s'enthousiasma pour l'art de Renoir et peignit Jeune Fille au bord de la mer (1913, Bruxelles, M. R. B. A.).
Il exposa avec succès en 1906 et en 1908 à la gal. Druet à Paris, mais ce n'est que trois ans avant sa mort, en 1913, que fut organisée sa première exposition particulière à Bruxelles, chez Georges Giroux, qui devait lui apporter la notoriété.
Lemoyne (François)
Peintre français (Paris 1688 id. 1737).
Élève de Louis Galloche de 1701 à 1713, il fut reçu académicien en 1718 (Hercule et Cacus, Paris, E. N. B. A. ; dessin préparatoire et esquisse peinte au Louvre). À l'encontre de son contemporain Watteau — on a parfois confondu leurs œuvres, qui témoignent d'une sensibilité très voisine —, il eut une carrière officielle de professeur à l'Académie (1733) et de premier peintre du roi (1736). Ses premières toiles, qui s'inscrivent dans la suite de La Fosse, sont conçues dans des tonalités chaudes héritées de Jouvenet et de Galloche : commande d'un ensemble illustrant des Épisodes de la vie du Christ par les cordeliers d'Amiens (1715-1720), dont plusieurs toiles sont conservées au musée du Palais synodal de Sens ; l'Olympe, esquisse pour la décoration du plafond de la Banque royale (1718, Paris, musée des Arts décoratifs). Mais le passage à Paris de S. Ricci, qu'il connut, ainsi que Pellegrini, et un voyage en Italie (Rome, Venise, 1723) l'orientèrent vers la recherche d'un coloris plus clair, et l'usage prédominant de jaunes et de roses constamment rompus lui fit adopter une facture onctueuse, fluide et plus vibrante : Hercule et Omphale, peint à Rome (Louvre) ; Transfiguration (1723, Paris, église Saint-Thomas-d'Aquin). Lemoyne travailla ensuite pour divers monuments de Versailles (Céphale et l'Aurore, 1724, hôtel de ville ; tableaux pour la cathédrale) et diverses églises parisiennes (Glorification de la Vierge, 1731-32, très repeinte, Saint-Sulpice) : ces ensembles marquent la nette évolution du métier de l'artiste vers une répartition plus claire des valeurs et des grandes masses colorées, qu'anime une touche frémissante. L'artiste obtint alors deux commandes pour le château de Versailles : une composition allégorique pour le salon de la Paix (Louis XV donnant la paix à l'Europe, 1728-29) et le plafond du salon d'Hercule (1733-1736, esquisse à Versailles), qui restent dans la tradition décorative du Grand Siècle, avec cependant une composition plus lisible, moins austère, moins monumentale aussi, à l'instar des œuvres vénitiennes contemporaines. La dernière œuvre conservée de lui est une grisaille qui servit de modèle à Laurent Cars pour la gravure du frontispice de la thèse de théologie du cardinal de Rohan-Ventadour (Allégorie à la gloire de Louis XV et à la fin de la guerre de la Succession de Pologne, 1737, musée de Strasbourg). Inquiet, de caractère perpétuellement insatisfait, Lemoyne se suicida cette année-là.
S'il connaissait les décorations françaises du XVIIe s. (Le Brun) et italiennes contemporaines ou antérieures (Corrège), celles de Rubens ne pouvaient que l'attirer vers la peinture claire, ainsi l'ovale du salon de la Paix, dont l'ordonnance rappelle la galerie Médicis. Cette influence est tout à fait sensible dans le Repos des chasseurs (Munich, Alte Pin. ; dessins préparatoires au Nm de Stockholm, et au Metropolitan Museum), où les vêtements dits " à l'espagnole " sont directement empruntés au flamand ; c'est aussi le seul tableau de Lemoyne dont le parti décoratif soit animé par un souci descriptif qui évoque à la même époque J. F. de Troy, influencé par Rubens et Véronèse. Sa dernière source d'inspiration est l'art des Bolonais et, en particulier, l'œuvre de l'Albane : dessins et petites compositions autref. attribués à Watteau (les Enfants tirant à la cible, coll. part., gravés en couleurs par Jean Robert et par N. C. de Silvestre ; Enfants jouant avec les attributs d'Hercule, motif repris dans le plafond d'Hercule). Pour n'être point un simple imitateur, François Lemoyne sut, grâce à une culture étendue, rester dans la tradition décorative française, dont il adapta la grandeur et la monumentalité d'un goût de la cour de Louis XV, au service d'une peinture plus claire, plus agréable, plus facile aussi, qui allait permettre, en face des fêtes galantes de l'école de Watteau, l'éclosion de l'élégance et de la grâce dont témoigne, vers le milieu du siècle, la peinture de Boucher et de Natoire, ses élèves.
Lempicka (Tamara de)
Peintre américain d'origine polonaise (Varsovie 1898 – Cuernavaca, Mexique 1980).
Élève de l'Académie de Saint-Pétersbourg, elle s'enfuit de la Russie bolchevique et s'installe à dix-sept ans à Paris, où elle étudie sous la direction de Maurice Denis et d'André Lhote. Dès 1923, elle participe à de nombreuses expositions collectives et privées (Kisette au balcon, à l'Exposition internationale des beaux-arts de Bordeaux, v. 1927 ; Paris, M. N. A. M.). En 1938, elle se rend aux États-Unis, d'abord en Californie puis à New York et à Houston, où elle s'installe définitivement. Peintre du " grand monde " de l'entre-deux-guerres, elle appliquait aux tableaux des formules stylistiques empruntées au Cubisme synthétique, en particulier à l'art d'André Lhote et au " Tubisme " de Léger. Bien que son vif succès dans les années 30 n'ait été que passager, la qualité d'exécution de ses nombreux portraits reste indéniable (Jeune Fille aux gants, 1930, Paris, M. N. A. M. ; Portrait de S. Solidor, 1932, musée de Cagnes ; Portrait de Gide, v. 1924-25). Elle a peint aussi de nombreux nus (Adam et Ève, 1972) et quelques natures mortes. Une rétrospective lui a été consacrée (Rome, villa Médicis) en 1994.