Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître de San Martino

Peintre italien (actif à Pise dans la seconde moitié du XIIIe s.).

Il tire son nom de la dédicace de l'église d'où provient son œuvre principale, une Vierge à l'Enfant avec douze scènes de la vie de sainte Anne et de Joachim (Pise, M. N.). Son identification avec le peintre Rainieri di Ugolino, proposée par quelques critiques, est controversée. Se fondant sur des comparaisons stylistiques, la critique est au contraire unanime à attribuer à ce maître un autre panneau avec Sainte Anne et la Vierge enfant (id.). D'autre part, la chronologie de ses œuvres est encore matière à divergences : les dates proposées pour la Vierge de Pise, son œuvre la plus ancienne certainement, oscillent, par exemple, entre 1260 et 1270-1275. En conséquence, les hypothèses concernant la formation du style du Maître, et surtout ses rapports avec Cimabue, sont également très variées. Selon certains historiens, l'autonomie du peintre serait absolue ; il n'aurait aucun lien avec le grand Florentin, dont, stylistiquement, il serait plutôt le précurseur ; pour d'autres, sa personnalité est inexplicable si l'on récuse l'influence exercée sur lui par Cimabue, influence qui, cependant, fait finalement ressortir l'originalité poétique du maître pisan. Il semble en tout cas difficile d'admettre que la Vierge de Pise ne dérive pas, par certains aspects, de la Vierge aux anges que Cimabue avait peinte pour l'église San Francesco, à Pise justement (Louvre) ; mais une différence profonde sépare la majestueuse mythologie chrétienne imprégnée de fermeté plastique du Florentin et le récit du Pisan, si humain et émouvant dans l'éclat incomparable de son coloris. La critique récente suppose que la connaissance de la sculpture provençale tardive pourrait être à l'origine de ces aspects particuliers de son art, que l'on peut certainement relier à la diffusion du goût gothique dans la peinture italienne de cette époque. Suivant certains jugements, une Madone de la fin du XIIIe s. (Florence, coll. Acton), attribuée parfois à un artiste florentin, serait une œuvre tardive du Maître de San Martino.

Maître de Santa Cecilia

Peintre italien (actif à Florence à la fin du XIIIe s. et dans le premier quart du XIVe

s.). Il est ainsi nommé d'après un tableau d'autel représentant Sainte Cécile et des scènes de sa vie (Offices), attribué par Vasari à Cimabue mais restitué par Cavalcaselle à un maître anonyme giottesque. Les historiens sont d'accord pour rattacher à cette œuvre le retable représentant Sainte Marguerite et des scènes de sa vie ainsi que celui qui représente la Vierge avec l'Enfant, conservés dans l'église de Santa Margherita à Montici, près de Florence. En dehors de ces trois œuvres, le catalogue du peintre s'étend, selon certains critiques, jusqu'à comprendre les fresques de la Vie de saint François de l'église supérieure d'Assise, qui seraient ainsi enlevées à Giotto ; pour d'autres, il se limite aux trois dernières scènes de ce même cycle. En réalité, le problème de la participation de ce maître au cycle d'Assise et, par conséquent, de ses rapports plus ou moins étroits avec Giotto, est fondamental pour la définition de son style. Quelques historiens, en effet, nient sa culture giottesque et affirment que l'artiste est d'origine romaine, alors que, récemment, il a été proposé d'exclure le Maître de Santa Cecilia de toute participation au cycle d'Assise. En tout cas, le giottisme que l'on constate dans le tableau des Offices, exécuté certainement av. 1304, mais pas avant les fresques d'Assise, ne semble pas atteindre l'évolution de ces dernières au point d'éliminer toute perplexité. Le style de ce maître a été défini à la fois lyrique et mystique, indépendant du goût monumental giottesque. Il est certain qu'un courant giottesque de tendance hétérodoxe remonte, à Florence pendant les toutes premières années du XIVe s., à ce maître qui se distingue par une accentuation des tendances gothiques et par la délicatesse de ses choix chromatiques.

Maître de Santa Clara de Palencia

Peintre italien (actif en Castille à la fin du XVe s.).

Il est l'auteur de 4 grands panneaux appartenant probablement à un même retable : la Vierge de miséricorde, la Messe de saint Grégoire, provenant du couvent de Santa Maria de Palencia (Madrid, Musée archéologique), la Dormition et le Couronnement de la Vierge (musée de Lyon). Si ces œuvres reprennent certains éléments flamands empruntés surtout à Hugo Van der Goes (composition, type des anges), elles témoignent aussi d'une profonde connaissance de la peinture provençale par la répartition rigoureuse de la lumière, qui sculpte les visages et stylise les formes pour leur conférer une simplicité monumentale. Ces qualités ont permis à Charles Sterling de proposer comme auteur de ce retable le nom de Jean de Nalda, originaire de La Rioja en Castille, et cité dans l'atelier de Jean Changenet par un contrat de 1493. Du retable de Santa Clara de Palencia ont été rapprochées un certain nombre de peintures attribuées au Maître de Santa Maria del Campo : 3 panneaux de prédelle représentant le Christ de Douleur, la Vierge et Quatre Évangélistes (église de Santa Maria del Campo), un Saint Jean-Baptiste (cathédrale de Palencia) et 6 figures se détachant sur un fond damasquiné — Saint François d'Assise, Saint Antoine de Padoue (Madrid, musée Lázaro Galdiano), Saint Grégoire, Saint Jacques (Prado), Saint Jean et Saint Pierre (Vienne, coll. part.).

Maître de Sant'Agata

Peintre italien (actif à Crémone v. la fin du XIIIe s.).

Il doit son nom à la peinture qu'il exécuta à l'église Sant'Agata de Crémone et qui reste jusqu'à présent l'unique témoignage connu de son activité. Cette œuvre est un panneau à 2 faces, qui porte : au recto, la Madone à l'Enfant avec, dans sa partie supérieure, la Pentecôte ; au verso, quelques Scènes de la vie de sainte Agathe. L'artiste s'insère d'une manière fort originale dans la culture figurative de l'Italie septentrionale de la seconde moitié du XIIIe s. En faisant abstraction du langage de base, d'origine byzantine, il faut rechercher ses prédécesseurs régionaux dans le courant des miniaturistes padouans gothicisants, qui aboutit à l'Épistolier de Giovanni da Gaibana (1259, Padoue, bibl. capitulaire), et dans la tradition des peintures lombardes, comme les fresques exécutées plus tard à Saint-Vincent de Galliano (v. 1270-1280). La connaissance des fresques de Cimabue à Assise est certainement venue compléter ces expériences. Le résultat ainsi obtenu est l'un des plus remarquables, mais aussi l'un des plus déconcertants de la peinture italienne du XIIIe s. Le peintre semble mû par un désir irrépressible de rompre avec tout formalisme. Dans les Scènes de la vie de sainte Agathe, il donne à la narration un ton de pathétique populaire, accentue et dénature jusqu'au grotesque la physionomie et les gestes. Pourtant, les personnages ainsi déformés acquièrent une plus grande réalité. La couleur, avec ses tons subtils, étendue presque à plein empâtement, met encore plus en évidence la totale liberté formelle du Maître.