Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Bosboom (Johannes)

Peintre néerlandais (La Haye 1817  – id. 1891).

Ses premières œuvres sont des décors de théâtre et des vues de ville, dont B. J. Van Hove, dans l'atelier de qui il travaille à partir de 1831, s'est fait une spécialité ; il fréquente en même temps l'Académie de La Haye jusqu'en 1835. De voyages en Allemagne (1835), en Belgique (1837), en France (1838-39), il rapporte dessins, aquarelles et lavis traités avec une aisance toute moderne. Mais ce sont surtout ses intérieurs d'église, peints dans la tradition de De Witte, qui établirent sa réputation (la Nieuwe Kerk à Amsterdam, La Haye, Gemeente Museum ; Intérieur d'église, Louvre).

Bosch (Jheronimus van Aken ou Aeken, dit Jheronimus (en français Jérôme))

Peintre flamand (Bois-le-Duc v. 1450  – id.  1516).

Sa famille, peut-être originaire d'Aix-la-Chapelle, était fixée à Bois-le-Duc depuis au moins deux générations. Son grand-père Jan et son père, Anton Van Aken, exerçaient le métier de peintre. On sait qu'en 1481 Bosch était marié avec Aleyt, fille du bourgeois aisé Goyarts Van der Mervenne, dont il n'eut pas d'enfants. À partir de 1486, il est cité comme membre de la confrérie de Notre-Dame, mais son appartenance à ce groupement religieux ne permet pas, semble-t-il, d'expliquer les sources de son inspiration. Les rares mentions de commandes faites à l'artiste (en 1488-89, volets d'un retable sculpté pour la confrérie de Notre-Dame ; en 1504, Jugement dernier pour Philippe le Beau) n'ont pu être rattachées à des œuvres connues. L'évolution de son style n'a été reconstituée par Charles de Tolnay que grâce à des hypothèses fondées sur l'analyse de ses œuvres. Les peintures les plus anciennes de Bosch (le Christ en croix, Bruxelles, M. R. B. A. ; 2 versions de l'Ecce Homo, Francfort, Städel. Inst., et Boston, M. F. A.) ne se distinguent guère par leur originalité, bien que l'artiste y introduise des personnages aux faciès presque caricaturaux. Les Péchés capitaux (Prado) illustrent un thème moins courant, avec une drôlerie qui révèle une inspiration populaire. Chaque épisode est développé à la manière d'une scène de genre, où l'accent est mis non sur les accessoires, mais sur les attitudes humaines. La même veine apparaît dans la Mort de l'avare (Washington, N. G.) et la Nef des fous (Louvre). Cette dernière œuvre est peut-être la première illustration connue d'un thème cher à Bosch et qui suppose une attitude essentiellement critique et morale, celui de la folie humaine qui néglige l'enseignement du Christ. C'est également le panneau le plus ancien exécuté suivant une technique d'un brio surprenant qui, sur un dessin incisif, souvent lisible à travers les minces couches picturales, campe les personnages par quelques coups de pinceau ou de légers empâtements suggestifs : déjà Van Mander remarquait que Bosch peignait " du coup ". À ce premier groupe d'œuvres peuvent être rattachés : 4 panneaux évoquant le Paradis et l'Enfer (Venise, palais des Doges, mentionnés dès 1521 dans la coll. du cardinal Grimani), interprétations de légendes médiévales sur l'au-delà, proches de la pensée des mystiques ; 2 tableaux sur le thème du Déluge et de l'Enfer (Rotterdam, B. V. B.), au revers desquels figurent 4 scènes dont le sens reste obscur ; enfin un Portement de croix (Vienne, K. M.).

   C'est à la période principale de son activité qu'il convient de rattacher les grands triptyques recherchés par Philippe II d'Espagne. Le Char de foin (Prado) développe le thème de la folie humaine. Le péché originel et l'enfer, décrits sur les volets, encadrent une scène mystérieuse dont l'interprétation reste encore assez imprécise dans le détail. L'association de figures réalistes et pittoresques à des créatures imaginaires et diaboliques domine toute la composition et sera désormais caractéristique de l'art de Bosch. La création de monstres est réalisée avec une imagination inépuisable et un sens remarquable de la vraisemblance anatomique. La Tentation de saint Antoine de Lisbonne (M. A. A.), qui frappa si vivement l'imagination de Flaubert, est l'une des œuvres les plus justement célèbres et les plus énigmatiques du peintre. Les épisodes de la Légende dorée sont développés avec une extraordinaire verve fantastique. Chaque détail implique, semble-t-il, de subtiles allégories, mais le thème essentiel n'en reste pas moins la lutte du Bien et du Mal. Les revers des volets ont pour sujets l'Arrestation du Christ et le Portement de croix avec la mort de Judas, c'est-à-dire la chute d'un apôtre associée à la souffrance du Sauveur pour l'humanité. Le Jugement dernier de Vienne (Akademie) est sans doute une œuvre en partie " surpeinte " ou une réplique ancienne qui traite largement un thème traditionnel. Le Jardin des délices (Prado), œuvre majeure de l'artiste, a suscité les commentaires les plus variés. Au revers des volets, la création du monde est évoquée dans une vision d'une puissante poésie, où les éléments se séparent dans un globe émergeant du noir néant. Ouvert, le triptyque présente, entre le Paradis et l'Enfer, le Jardin des délices : paysage fantastique, prodigieux grouillement de nudités, tantôt associées en couples, tantôt opposées en groupes et accompagnées de formes végétales gigantesques et de bêtes étranges. À partir d'une analyse minutieuse, on a tenté d'affirmer l'appartenance de Bosch à une secte " adamique ", dont l'existence à la fin du XVe s. est loin d'être prouvée. Il est plus vraisemblable que le panneau central soit consacré à la tentation et à la déchéance humaines, qu'engendrent ici les plaisirs des sens et la luxure. Les fruits géants sont des symboles sexuels et rappellent la définition que Siguenza donnait en 1576 de cette œuvre : " Le tableau de la vaine gloire et du goût de la fraise ou grenade, de son goût qui se ressent à peine alors qu'il est déjà passé. " Un fragment de représentation de l'Enfer (Munich, Alte Pin.), dont le style s'apparente à celui du Jardin des délices, est peut-être un fragment du Jugement dernier peint pour Philippe le Beau en 1504. Une série d'œuvres à grands personnages, consacrées notamment à des saints, se rattache encore à ce groupe central. Le Saint Jean à Patmos (musées de Berlin) est remarquable par la qualité de son paysage : les transitions colorées, chères aux primitifs, marquent encore l'éloignement relatif des plans ; c'est pourtant une vision réaliste du paysage hollandais, sans relief notable et dominé par l'eau. Des qualités voisines se retrouvent dans le Saint Jérôme en prière (musée de Gand), qui traduit avec plus de passion encore l'abandon dans la communion mystique. Les deux triptyques du palais des Doges de Venise (Retable des ermites et Triptyque de sainte Julie) sont malheureusement assez dégradés. À la même série, il convient de rattacher un Saint Christophe (Rotterdam, B. V. B.), un Saint Jean-Baptiste dans le désert (Madrid, musée Lázaro Galdiano) et un Saint Antoine (Prado), dans lesquels le paysage est nettement dominé par la luxuriance des arbres. Quelques grands chefs-d'œuvre éclairent encore les dernières années de la production du peintre. Le Portement de croix (musée de Gand) est formé d'une mosaïque envoûtante de visages, de laquelle émergent par leur seule pureté ceux du Christ et de sainte Véronique. L'Adoration des mages du Prado associe, dans un paysage voisin de celui du Saint Jean de Berlin, le monde divin de l'Évangile à celui du fantastique, pour souligner la présence du Mal rôdant autour du Sauveur. L'Enfant prodigue (Rotterdam, B. V. B.) est peut-être la plus haute réussite picturale proprement dite de Bosch, par la poésie de ses harmonies de bruns et de gris relevés de quelques tons rouge pâle, dans laquelle présente une inoubliable figure de vagabond inquiet. Une récente et subtile interprétation voit dans cette œuvre l'image du colporteur, qui est lui-même une des allégories classiques de l'un des " enfants de Saturne ", c'est-à-dire de l'une des quatre " humeurs " de l'humanité, la mélancolie.

   L'œuvre de Bosch a une portée exceptionnelle dans l'art de son temps par son sens du mystère ainsi que par sa richesse d'invention iconographique. Son orientation essentielle apparaît dictée par des soucis moraux, et il convient de la situer dans un milieu religieux en pleine évolution, animé par le mouvement de la Devotio moderna. Sans doute, la complaisance évidente de Bosch pour la représentation de monstres et la présence d'un fantastique souvent sexuel peuvent-elles relever de l'interprétation psychanalytique, mais une telle " analyse " ne peut intervenir qu'après la distinction des thèmes essentiels. Les compositions de Bosch ont été souvent copiées ou imitées de son vivant même et dans le siècle suivant. Les rapports évidents de sa thématique, malgré tout mystérieuse, avec celle de Bruegel l'Ancien, ont fait couler beaucoup d'encre.