Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Marquet (Albert)

Peintre français (Bordeaux 1875  – Paris 1947).

Il a quinze ans lors de l'installation de sa famille à Paris, où sa mère tiendra, rue Monge, un modeste commerce. Il se lia avec Matisse à l'École des arts décoratifs en 1890 et le suivit à l'École des beaux-arts, où tous deux devinrent élèves de Gustave Moreau. Sur le conseil de celui-ci, Marquet exécuta au Louvre des copies d'après Poussin, Lorrain, Watteau. Matisse et lui allèrent écouter, à l'académie Ranson, Paul Sérusier parler d'Émile Bernard et de Gauguin. Marquet préféra Corot à ces derniers. Quant aux impressionnistes, à Cézanne, à Van Gogh, à Seurat, c'est chez Durand-Ruel, rue Laffitte, que lui et son ami eurent la révélation, ce qui les conduisit à peindre, en 1897, à Arcueil et dans le jardin du Luxembourg, des paysages transposés en couleurs pures et que l'on considère avec raison comme annonciateurs du Fauvisme. Marquet demeura fidèle à ce parti jusqu'en 1906, mais avec une modération d'ores et déjà significative de son propre tempérament (la Plage de Fécamp, 1906, Paris, M. N. A. M.). Admis au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1900, il expose au Salon des indépendants à partir de 1901, au Salon d'automne en 1903 et participe en 1905 au coup d'éclat de la salle des fauves. Son portrait par Matisse (Oslo, Ng) date de cette époque. Marquet, de son côté, a peint en 1904, avec une certaine brusquerie, celui d'André Rouveyre (Paris, M. N. A. M.) et en 1904-1905 Matisse peignant dans l'atelier de Manguin (Paris, M. N. A. M.). De 1906 date l'éclatant Quatorze-Juillet au Havre (musée de Bagnols-sur-Cèze), chef-d'œuvre fauve de l'artiste. En 1907, la gal. Druet présente la première exposition particulière des œuvres de Marquet. La même année, celui-ci exécute le Sergent de la coloniale (musée de Bordeaux), d'un coloris encore contrasté, mais aussi avec plus de souplesse dans le graphisme et de délicatesse dans le nuancement des couleurs, ainsi que des paysages de Paris en perspective plongeante ; c'est le spectacle qu'il voit se dérouler quotidiennement sous les fenêtres de ses ateliers successifs : quai des Grands-Augustins, quai des Orfèvres, quai Saint-Michel, qu'il a représentés sous divers éclairages diurnes et nocturnes, au fil des saisons. Rien moins que chercheur et réalisateur de nouvelles expressions plastiques, son originalité sera de se montrer moins imaginatif que subtil observateur, capable d'associer, dans ses calmes tableaux, la vérité des formes à celle de l'atmosphère miroitante où elles se poétisent. Il cédera de moins en moins à la tentation de hausser le ton en ajoutant trop de soi-même aux simples perfections de la réalité tangible. Son Fauvisme n'aura duré qu'un temps très court. S'il en a fait la traversée, c'est sans jamais perdre de vue ni Corot ni Monet.

   Entre 1910 et 1914, il a peint, sans complaisance, avec autant de lucidité que d'ironie, quelques nus ou déshabillés féminins (les Amies, 1912, musée de Besançon ; la Femme blonde, 1912, Paris, M. N. A. M.). On lui doit aussi des portraits (Marcelle Marty, Madame Marquet, musée de Bordeaux). Il est l'auteur de nombreux dessins, paysages au trait, résumés dans une intense palpitation de la lumière. À travers les villes, dans les rues, il a pris sur le vif des croquis d'après les gens du peuple et s'en est servi pour agrémenter de menus personnages et de scènes discrètement pittoresques ses vues de Paris et d'ailleurs, ce qui l'a fait surnommer, par Matisse, " notre Hokusai ".

   Marquet, représenté dans la plupart des musées du monde et principalement au M. N. A. M. et au musée de Bordeaux, est surtout célèbre comme paysagiste : " De Paris à Hambourg, a écrit son ami George Besson, de Naples à Oslo, de Marseille au Pirée, de Venise à Alger, dans cent villes d'Europe et d'Afrique où se dressent des grues et des docks, fument des remorqueurs, s'allongent des quais et des rives, oscillent des mâts et naissent des reflets, partout où la splendeur de l'eau répond à la mobilité des ciels, Marquet, créateur tyrannique, impose le pathétique ou le charme de sa vision au point de la substituer à la nôtre. " Dédaignant les effets de pâte et de patte, il a utilisé les couleurs telles qu'elles sortent du tube, en les additionnant parfois d'un peu d'essence ou d'huile. Albert Marquet a porté à un très haut degré le sentiment et la science des valeurs. Depuis 1925, il pratiquait l'aquarelle avec une égale maîtrise.

Márquez (Estebán)

Peintre espagnol (La Puebla de Guzmán, prov. de Huelva ? v. 1640  – Séville 1696).

Sa vie est mal connue. Venu de son Estrémadure natale à Séville, élève d'un oncle, Fernando Marqués, Márquez aurait connu des jours difficiles après la mort prématurée de son oncle, travaillant dans un atelier " industriel " spécialisé dans l'imagerie pieuse à destination de l'Amérique. À force de persévérance, il se serait parfaitement assimilé le style de Murillo, dont il devint un des imitateurs les plus appréciés pour l'agilité du dessin et la fraîcheur du coloris. Mais il n'est pas facile aujourd'hui d'apprécier son abondante production pour les églises sévillanes, peu d'œuvres étant restées in situ. Les plus louées par Ceán, les 8 scènes de la Vie de la Vierge du couvent des Trinitaires, ont quitté l'Espagne en 1808 et ont été vendues à Londres en 1810 comme originales de Murillo (le Mariage de la Vierge, Raleigh, Museum of Art). Les tableaux que l'on peut voir à Séville, ceux de l'université (le Christ avec les enfants, 1694 ; le Miracle des pains et des poissons), ceux du musée (Saint Augustin et l'Enfant Jésus, Apparition de la Trinité à saint Augustin, Saint Joseph et l'Enfant Jésus) provenant du couvent de S. Agustín, le grand Apostolado processionnel de l'hôpital de la Sangre (le Christ, la Vierge et les douze Apôtres), manifestent un style plus " monumental ", peut-être, que celui de Murillo, mais un dessin moins ferme et moins sûr.

Marseus Van Schrieck (Otto)

Peintre néerlandais (Nimègue 1619/20  – Amsterdam  1678).

Son œuvre constitue un vaste musée d'histoire naturelle et lui valut le surnom de " Snuffelaer ", c'est-à-dire de " Furet ". L'artiste détaille, avec une exactitude et un soin qui relèvent de l'artisanat, Plantes et insectes (1668, Mauritshuis), Serpents et papillons (Louvre), Serpent attaquant une grenouille (Toulouse, musée des Augustins), Fleurs et serpents (Anvers, musée Mayer Van den Bergh ; Ermitage) ; cette exactitude et ce soin constituent aussi l'originalité, la singularité et finalement la somptuosité de son art. Ce mélange d'animaux et de plantes qui ne coexistent pas dans la réalité, associé à des sous-bois presque romantiques, conférerait à ses toiles une atmosphère morbide si l'exactitude rigoureuse du rendu ne nous amenait à un surréalisme avant la lettre. Marseus voyagea en Angleterre, se rendit en 1648 à Florence, où il fut élève de W. Van Aelst, à Paris et à Rome (1662). Rentré en Hollande, il vécut à la campagne à Watteryck, près d'Amsterdam, où il élevait des insectes et de petits animaux (ce qui lui avait valu son surnom). Une œuvre qu'il réalisa, conservée à Autun, Papillons, lézard, oiseaux et libellule autour d'un chardon, nous révèle un peu le sens caché de son œuvre : la libellule, par le caractère transitoire de son existence, est un symbole de la vie terrestre et constitue un espoir d'accéder un jour à une vie meilleure, par la résurrection ; c'est dans ce sens que les contemporains appréciaient ses tableaux, en plus de leurs qualités picturales.