bois gravé
Le bois gravé est le plus ancien procédé de l'estampe. Le bois est utilisé comme matière de la gravure en relief, dite aussi " taille d'épargne ". On distingue : le bois gravé, dit aussi " bois de fil ", le fil étant parallèle à la surface de la planche, et la gravure sur bois, dite aussi " bois debout ", le fil étant perpendiculaire à la surface de la planche. Les parties réservées du bloc de bois retiennent l'encre. Plus les bois sont durs et de texture homogène, plus le travail peut être fin. Les bois dont on se sert sont surtout le poirier et le buis. La taille est un travail fort délicat. Le trait est dégagé à l'aide d'une pointe, genre de canif monté sur un manche cylindrique ; les creux sont ensuite évidés avec des fermoirs, sorte de petits ciseaux, et avec des gouges de différentes dimensions. Autrefois, l'artiste taillait rarement ses bois ; il en chargeait un spécialiste, dessinant lui-même sur le bloc ou fournissant un dessin que le graveur collait sur la planche.
Les Orientaux connaissent la technique du bois gravé depuis le Ve s. env. Elle apparaît en Europe à la fin du XIVe s. Le bois gravé a été très en honneur pendant la seconde moitié du XVe s., en particulier dans les pays germaniques (Dürer : l'Apocalypse, 1498), et la première moitié du XVIe. Ensuite, on commença à introduire la gravure en creux sur métal, ou taille-douce, dans l'illustration du livre, dont le bois avait presque l'exclusivité. À partir du XVIIe s., ce procédé se raréfia et on ne l'utilisa guère plus que pour l'imagerie populaire et quelques vignettes, qui firent la réputation de J.-M. Papillon, auteur d'un célèbre Traité historique et pratique de la gravure sur bois (1776). Le bois gravé connut un regain de faveur auprès de divers artistes de la fin du XIXe s. et du début du XXe : Gauguin, Vallotton, Munch, Dufy, Derain, Vlaminck, Laboureur. Ce fut la technique favorite des expressionnistes allemands des mouvements Die Brücke et Der Blaue Reiter. Cependant, ces bois, comme la plupart de ceux qui sont exécutés depuis Munch, diffèrent des anciens ; le graveur utilise davantage la gouge que le canif, et le travail y est volontairement visible et fruste.
La gravure sur bois debout se développe et connaît un considérable succès en illustration. Lepère, Gigoux, Doré restent les maîtres de cette technique.
C'est toujours en Allemagne, et dans un contexte expressionniste, que le bois gravé a été le plus pratiqué après 1918 (Barlach, Kathe Kollwitz, Schmidt-Rottluff, Feininger) ainsi qu'en Belgique, par Masereel. En 1953 est fondé à Zurich le groupe Xylon (Bosshard, Hofmann, Keller), qui se réclame de la tradition du XVe s. Prix Dürer en 1971, Grieshaber s'en est parfois inspiré. Une conception plus abstraite a guidé de Staël pour l'illustration des Poèmes de René Char (1951) et Tal Coat pour son Almanach (1973). Alechinsky, en 1973, a exécuté une suite de grands bois gravés (exposition à la libr.-gal. La Hune, Paris, déc. 1973).
boiseries peintes
L'habitude de recouvrir les murs intérieurs des demeures, des palais, et éventuellement des édifices religieux, avec des panneaux de bois remonte au Moyen Âge. L'ornementation en est généralement sculptée, rarement peinte, et lorsque la couleur intervient, elle se contente de rehausser les parties sculptées et les moulures. Le décor est peint directement sur le mur — surtout en Italie, suivant une tradition qui remonte à l'Antiquité — ou prend la forme de tapisseries ou d'étoffes, qui constituent un environnement à la fois mobile et chaleureux. La Renaissance marque la prédominance du décor sculpté, animé de rehauts de couleurs ou d'or, associé à des petits motifs limités au bas lambris et aux portes — au château de Cheverny — ou à de véritables tableaux peints à fresque ou sur toile encastrés dans l'architecture, par exemple dans la galerie François Ier à Fontainebleau.
Le XVIIe siècle
Il faut attendre le XVIIe s. pour voir les boiseries se couvrir de peintures, particulièrement en France. Elles s'adaptent très exactement au compartimentage des panneaux, qui sont de plusieurs types : lambris bas à hauteur de cimaise, surmontés alors de tableaux (des portraits le plus souvent), de tapisseries, de tissus, de cuirs gaufrés dorés ou argentés, suivant une mode qui vient d'Espagne, des Flandres, de Venise ; lambris de demi-hauteur, dits " à la française ", au-dessus desquels règne une zone de tableaux encastrés dans des encadrements sculptés ; enfin, lambris de hauteur " à l'italienne ", couvrant le mur jusqu'à la corniche en zones horizontales de formats différents : soubassement, rang de grands panneaux, frise ou première corniche, nouveau rang de panneaux surmontés d'une corniche qui supporte la voussure du plafond. Des pilastres d'un seul tenant rythment verticalement cette ordonnance. La peinture envahit alors la totalité des murs, ainsi que les portes à un ou à deux vantaux, en compositions limitées par le cadre de chaque panneau : les plus courantes sont les " grotesques " sur fond d'or, blanc ou crème, inspirées des fresques des palais florentins, peintes en bleu outremer ou polychromes, dont le meilleur exemple reste le cabinet de Colbert de Villacerf, v. 1650, remonté au musée Carnavalet à la suite de la démolition de l'hôtel situé autrefois rue de Turenne. On rencontre aussi des vases de fleurs, vases chinois en trompe-l'œil — par exemple au château de Saint-Marcel-de-Félines, v. 1660 —, des natures mortes, des paysages, des scènes mythologiques ou bibliques, des imitations de bas-reliefs en camaïeu ou en polychromie dans le style de Simon Vouet et de ses élèves, dont s'inspirent les peintres de boiseries. On voit apparaître des thèmes qui se généraliseront sous Louis XIV, allégoriques le plus souvent (les saisons, les mois, les vertus, les métamorphoses ou les amours des dieux, les hommes célèbres), tandis que certains particuliers font peindre, associées à leur chiffre, les vues de leurs châteaux (Sully) ou de leurs campagnes victorieuses (le maréchal de La Meilleraye, à l'Arsenal).
Avec l'avènement de Louis XIV, les lambris peints rivalisent dans les palais avec les marbres, les grandes peintures décoratives, les bas-reliefs, les stucs, les tapisseries.
La division des murs en registres horizontaux subsiste quelque temps, mais les pilastres verticaux, maintenant habituels, accusent la tendance nouvelle. La palette s'éclaire, la mode des portes peintes en blanc et or envahit progressivement les murs. Les thèmes favoris restent les grotesques, traditionnelles avec Charles Le Brun à Vaux-le-Vicomte, puis rénovées par Jean I Bérain, allégées et animées de singeries et de ces chinoiseries, qui s'imposent de plus en plus dans le répertoire ornemental. Sous l'influence du roi, qui les utilise pour rehausser son prestige, les figures allégoriques triomphent dès le début du règne : Lesueur en fait l'essentiel des décors de l'hôtel Lambert dans l'île Saint-Louis. Le décor peint accompagne de plus en plus souvent un décor sculpté, à l'hôtel Lauzun par exemple (Le Vau, 1656-1658). Il se réfugie au-dessus des portes — médaillons en camaïeu ou en polychromie inspirés de la mythologie, ou paysages et fleurs dus au pinceau de Patel ou de Monnoyer — et des cheminées, portraits le plus souvent, avant que la vogue des glaces importées de Venise puis fabriquées à Saint-Gobain ne les supplante : elles seront elles-mêmes, au début, peintes de semis et de guirlandes de fleurs.
Le XVIIIe siècle
Au XVIIIe s., les lambris — décoration fixe par excellence, par opposition aux décors mobiles tels que tapisseries, cuirs, étoffes — sont dessinés par l'architecte lui-même : il détermine ainsi le compartimentage, les couleurs, l'emplacement des glaces. Le peintre intervient après : peintre en bâtiments membre de l'Académie de Saint-Luc ou peintre en renom membre de l'Académie royale, secondé par un vernisseur et surtout par un doreur. Son travail peut se limiter à l'exécution de fonds ou de rehauts des sculptures dans une gamme nouvelle, fraîche et raffinée : blanc, couleur d'eau, jonquille, lilas, or ; la division nouvelle des panneaux libère le décor peint, qui s'étale sur les panneaux de cimaise, couvrant le mur de la plinthe à la corniche. Il s'inspire de la grande peinture : chinoiseries, singeries, turqueries, œuvres de Watteau, de Lancret (boiseries de l'hôtel du contrôleur général de Boullongne, place Vendôme, actuellement au musée des Arts décoratifs à Paris), de Christophe Huet (grand salon de Chantilly, hôtel de Rohan, château de Champs). Il est polychrome ou en camaïeu, rose ou bleu, telles les figures allégoriques de Carle Van Loo et de Jean-Baptiste Pierre dans la salle du Conseil à Fontainebleau (1753). Mais de plus en plus, on encastre des tableaux peints sur toile dans les lambris. L'habitude de disposer des petits tableaux au-dessus des portes se généralise, et certains peintres en font une spécialité : Boucher avec des scènes mythologiques et des paysages, Oudry et Desportes avec des animaux et des natures mortes, Natoire avec des personnages.
Dans la seconde moitié du siècle, le décor peint cède progressivement la place à la sculpture simplement rehaussée d'or ou de vernis sur fond blanc et au papier peint, qui, grâce à Jean-Baptiste Réveillon, peut rivaliser avec la peinture. Ses panneaux " arabesques " et " pompéiens " s'inspirent des boiseries peintes qui, tant en France qu'en Angleterre, reflètent le renouveau de l'art antique : œuvres des peintres attitrés de R. Adam, d'A. Kauffmann et d'A. Zucchi et, en France, des frères Rousseau, qui, en 1785, couvrent de rinceaux, figures, vases et corbeilles polychromes sur fond argent les panneaux du boudoir de Marie-Antoinette à Fontainebleau.