Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
L

Lippo di Benivieni

Peintre italien (Florence, mentionné de 1296 à 1353).

Son œuvre comprend 2 polyptyques, signés Lippus, chacun étant composé de 5 panneaux avec la Vierge et l'Enfant et 4 Saints à mi-corps. Le premier polyptyque se trouve en partie dans la coll. des comtes degli Alessandri à Florence et provient de la chapelle Alessandri de San Piez Maggiore, les panneaux du second, démembré, sont partagés entre la Fond. Acton de Florence, une coll. part. de New York et la N. G. d'Ottawa. Deux panneaux (Saint Pierre, Saint Jean l'Évangéliste) d'un autre polyptyque (musée de Rennes) sont attribués au même artiste, contemporain des premiers élèves de Giotto, archaïsant comme le Maître de sainte Cécile, mais dont le style, nerveux et sensible, suggère des contacts avec la culture siennoise et des rapports avec des artistes plus jeunes, comme le Maître de Figline (ou de la Pietà Fogg).

Liss (Johann)

Peintre allemand (Oldenburg v. 1597  – Venise 1630).

Après un séjour aux Pays-Bas de 1615 à 1619, il arriva à Venise vers 1621 et s'y fixa définitivement en 1625 après être resté longuement à Rome. Formé à l'école de Goltzius, peintre de Haarlem, à celle de Pieter Bruegel, puis à celle de Buytewech ainsi qu'au Caravagisme flamand d'un Jordaens, il introduisit dans la ville italienne, qui traversait alors une période de stagnation, une nouvelle conception d'origine septentrionale. Comme Fetti, il s'attacha essentiellement aux personnages au détriment du décor. Il reprit plusieurs fois le thème de ses tableaux, et peu de ses œuvres sont documentées. Il est toutefois possible d'en établir une chronologie. On constate que, chez lui, le luminisme caravagesque se transforme sous l'influence des maîtres vénitiens du XVIe s. en un coloris où les formes se dissolvent. Ses tableaux de genre vénitiens (la Rixe, musée d'Innsbruck ; la Noce, musée de Budapest ; le Fils prodigue, Vienne, Akademie, le Jeu de la mourre musée de Kassel ; et plusieurs autres compositions datant pour la plupart des premières années de son séjour à Venise) mettent en scène des groupes de personnages de caractère flamand évoluant dans des jardins vénitiens à la manière de Fetti et baignés d'une lumière empruntée à Titien. Le Banquet de soldats (Kassel et Nuremberg), peint à Rome, démontre l'influence des cercles caravagesques et surtout de Valentin de Boulogne pour la couleur chaude et la technique picturale. Judith (Londres, N. G.), l'une des œuvres majeures de la période romaine, procède de la fusion d'éléments romains (composition dérivée de Caravage) et flamands (un tableau de Rubens aujourd'hui perdu), de même la Toilette de Vénus (Pommersfelden), où l'influence de Goltzius et de Jordaens est éclipsée par la conception iconographique classique empruntée à A. Carrache. La Vision de saint Paul (musées de Berlin) et l'Inspiration de saint Jérôme (Venise, Saint-Nicolas-de-Tolentino), peintes après son installation définitive à Venise, révèlent, par leur lumière chromatique, l'influence de peintres de la suite de Corrège, surtout Federico Barocci et Ludovico Cigoli. Dans ces dernières œuvres, Liss associe avec une extrême virtuosité la vision céleste, l'extase à la plénitude sensuelle de la vie. L'élément irrationnel, le transcendant, est exprimé par l'espace lumineux, mais les saints sont représentés chargés d'une présence toute matérielle. Le caractère profane des corps est traduit par le dynamisme et la composition en diagonale, que baigne une lumière irisée. Moyen d'expression caractéristique de l'art baroque pour suggérer le mouvement, la diagonale régit toute la composition, de la zone sombre, réservée à la peinture du monde terrestre, à l'étincelante couronne, symbole de la gloire céleste. Ce langage pictural, à la touche légère et dont l'extraordinaire rythme se résout dans la lumière, semble appartenir déjà au XVIIIe s. Au cours des deux premières décennies du XVIIe s., Liss renouvela la peinture vénitienne, ouvrant ainsi, aux côtés de Fetti et de Strozzi, la voie à Tiepolo et à Piazzetta. Seules quelques années créatrices lui permirent de réaliser cette synthèse entre la force d'expression nordique, les formes grandioses inspirées par Caravage, le classicisme de Carrache et l'harmonie du coloris vénitien, synthèse qui trouve son expression la plus parfaite dans ces lumineuses visions. Une importante exposition lui a été consacrée à Augsbourg et Cleveland en 1975.

Lisse (Dirck Van der)

Peintre néerlandais (Breda [ ? ] v.  1615  – La Haye  1669).

Il fut l'élève de Cornelis Van Poelenburgh, originaire d'Utrecht. Vers 1635, le maître et l'élève exécutèrent chacun une peinture représentant une scène d'Il Pastor Fido, de Guarini, de même que les peintres Abraham Bloemaert et Herman Saftleven, également originaires d'Utrecht. Ces peintures formaient une série, destinée à la décoration du palais Honselaersdijk, propriété du stadhouder Frédéric-Henri (elles sont conservées pour la plus grande partie au château de Grünewald, Berlin). Dès 1639, on rencontre Van der Lisse à La Haye, où il fut plus tard nommé bourgmestre et inscrit à la gilde des peintres en 1644. En 1656, Van der Lisse participa à La Haye à la fondation de la société Pictura. Il fut le plus doué des nombreux successeurs de Cornelis Van Poelenburgh dont il se distingue par son coloris, d'un jaune doré. Il parvint à traduire la fraîcheur spontanée de ses petites peintures de jeunesse dans de grands tableaux, compositions de grande allure. Il peignit des paysages purs (exemples au Louvre, à Brunswick [Herzog Anton Ulrich-Museum]) ; mais, le plus souvent, une scène mythologique sert de prétexte à l'élaboration d'un paysage italianisant : Diane et ses nymphes (musées du Puy, de Grenoble ; Copenhague, S. M. f. K. ; Dresde, Gg), Diane et Actéon (musée de Liège), Bellone chez les Muses (Brême, Kunsthalle). Fort doué pour l'aquarelle, il se montre dans cette technique très en avance sur son temps (Satyre surprenant une nymphe endormie, coll. part.).

Lissitzky (Lazare, dit El)

Architecte, peintre, typographe et photographe soviétique (Potchinok 1890  – Moscou 1941).

Il fut le principal propagandiste du Constructivisme russe, en particulier grâce à ses nombreux séjours en Occident et à son activité dans tous les domaines visuels. Il fait ses études à l'école polytechnique de Darmstadt, d'où il sort avec le diplôme d'ingénieur-architecte en 1915. D'abord marqué par l'art de Chagall, qui l'a appelé à Vitebsk, il va ensuite être définitivement influencé par Malévitch, qui arrive dans cette ville en 1919. L'année suivante, Lissitzky exécute ses premières compositions, entre peinture et architecture, qu'il présente comme les " stations intermédiaires vers les constructions de formes nouvelles " et qu'il intitule " proun ", abréviation en russe de " Projet pour le nouveau " (Proun RVN2, 1923, Hanovre, Museum Sprengel). À partir de ses recherches, dans la logique du Constructivisme, il va réaliser des affiches (Frappe les blancs avec le coin rouge, 1919), en particulier pour la firme de Hanovre Pelikan (1924), des mises en page de livres (Pour la voie de Maïakovski, en 1923, Histoire de 2 carrés, en 1922, publiés à Berlin), des aménagements de stands d'exposition (Pressa, Cologne, 1928), des projets d'architecture (Tribune de Lénine, 1924). Directeur du département d'architecture des Vhutemas à partir de 1921, il sera d'autre part très actif comme propagandiste des courants d'avant-garde (revue Vechtch-Gegenstand-Objet, Berlin, 1922, avec Ilia Ehrenbourg ; Nasci, n°s 8-9 de la revue Merz, Hanovre, 1924, à la demande de Schwitters ; les Ismes de l'art, Zurich, 1925, avec Jean Arp). Outre ses tableaux et ses typographies, ses deux œuvres majeures appartiennent plutôt à l'architecture : la Salle Proun, réalisée en 1923 pour la Grosse Berliner Kunstausstellung, première tentative constructiviste pour faire sortir le tableau de chevalet hors de son cadre et lui faire occuper avec ses formes l'espace réel (reconstitution en 1965, Eindhoven, Stedelijk Van Abbemuseum) ; le Cabinet des abstraits, exécuté pour exposer la collection d'art moderne du musée de Hanovre : l'espace entier y était conçu comme une œuvre plastique faite de plans ordonnés dans une grille orthogonale qui se modifie avec la participation du spectateur. Par ailleurs, Lissitzky, qui a créé un pictogramme en collaboration avec Vilmos Huszar pour la revue Merz, précédemment citée, a utilisé des fragments de photographies dans le domaine de l'illustration (Six Fins heureuses d'Ilya Ehrenboung) ; son intérêt pour la photographie le fait participer à l'exposition Film und Foto organisée par le Deutscher Verkbund (Stuttgart, 1929) où Lissitzky a présenté ses travaux. Lissitzky est représenté à New York (M. O. M. A.), à Hanovre et à Eindhoven (Stedelijk Van Abbemuseum). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste en 1991 (Eindhoven, Madrid, Paris).