Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Valadon (Marie Clémentine, dite Maria, puis Suzanne)

Peintre français (Bessines-sur-Gartempe, Haute-Vienne, 1865  – Paris 1938).

Elle se prénommait en réalité Marie Clémentine. On l'appela Marie, à Montmartre, où sa mère, blanchisseuse, vint s'établir avec elle en 1872. Très douée pour le dessin, la fillette se plaisait à crayonner sans cesse, à se servir de morceaux de charbon de bois pour tracer des graffiti sur les murs et sur les trottoirs. Après avoir été apprentie couturière, elle exerça divers petits métiers, devint acrobate dans un cirque forain et y fut victime d'un accident qui ne lui permit pas de poursuivre cette carrière, mais ne l'empêcha pas de poser, nue ou habillée, dans l'atelier de Puvis de Chavannes (durant sept ans, et notamment pour les figures du Bois sacré), chez Renoir (pour la Danse à la ville et la Danse à la campagne), chez Toulouse-Lautrec qui était, rue Tourlaque, son voisin de palier.

   Ce fut lui qui, le premier, sut reconnaître son talent de dessinatrice ; il signala sa découverte au sculpteur Bartholomé, qui, à son tour, en parla à Degas, qui allait demeurer jusqu'à la fin de sa vie l'admirateur et le soutien de celle qu'il avait surnommée " la terrible Maria " ; Degas l'encouragea à peindre et l'engagea à exposer, en 1882, au Salon de la Société nationale des beaux-arts.

   L'année suivante, Suzanne Valadon mit au monde un fils, non reconnu par son père (Maurice Boissy, bohème impénitent, alcoolique invétéré et vaguement peintre à ses heures). Elle devint la compagne de Paul Moussis, qui allait légitimer leur union en 1896 sans avoir consenti à donner son nom à l'enfant, mais qui avait, en 1891, laissé un de ses proches amis, Miguel Utrillo y Molins, se substituer pour cela à Boissy et à lui-même.

   Divorcée en 1909, Suzanne Valadon contracta aussitôt une nouvelle union avec le peintre André Utter et, habitant rue Cortot à Montmartre, forma avec celui-ci et Maurice un trio pittoresque, mais d'une sécurité matérielle précaire. Leur situation s'étant enfin améliorée, ils s'installèrent, en 1926, dans un hôtel particulier de l'avenue Junot. En 1935, Utrillo quitta sa mère pour épouser le peintre Lucie Valore.

   Les gros traits appuyés, fermes et souples, que Degas avait admirés dans les dessins de Suzanne Valadon, caractérisent aussi bien les peintures de celle-ci, puissantes, dont le coloris rappelle celui de Gauguin. Les tableaux, d'une matière précieuse, ont pour sujet des nus robustes et des figures dont le réalisme frôle, quelquefois, la vulgarité. L'artiste exécuta aussi des natures mortes solidement rustiques et des compositions florales. Son art direct, voire agressif, donne une vigoureuse impression d'équilibre psychologique et de saine sensualité. Suzanne Valadon est représentée à Paris (M. N. A. M. : le Lancement de filet, 1914 ; M. A. M. de la Ville : Nu au bord du lit, 1922) ainsi que dans de nombreuses coll. publiques, notamment à Albi, Besançon, Belgrade, Grenoble, Lyon, Menton, Montpellier, Nantes, Nevers, Prague. Une rétrospective lui est consacrée (Martigny, Suisse, fondation Gianadda) en 1996.

Valckenborch (les Van)

Famille de peintres flamands.

 
Lucas (Louvain v.  1530  – Francfort 1597). Inscrit dès 1560 à la gilde des peintres de Malines, il devint maître en 1564 et accepta, cette même année, Jasper Van der Linden comme élève. L'intérêt qu'il portait à la Réforme l'obligea à s'enfuir en 1566 à Liège, puis à Aix-la-Chapelle. On le retrouve à Anvers v. 1570 et à Bruxelles en 1577. Entré au service de l'archiduc, Lucas fit partie de sa suite lorsque celui-ci retourna en Autriche en 1581. Il résida à Linz jusqu'en 1593, puis se rendit à Francfort, dont il devint citoyen en 1594. Les sujets, quoique parfois d'inspiration biblique, sont plutôt anecdotiques. Les paysages, qui brillent par leur qualité picturale et par leur richesse d'invention, se rapprochent, par leur conception, de ceux de P. Bruegel sans atteindre à leur grandeur universelle. Le K. M. de Vienne possède une série de tableaux de l'artiste, pour la plupart des paysages de montagne, presque tous signés et datés. Quatre toiles de grand format figurant les Quatre Saisons furent exécutées pour l'archiduc Matthias de 1585 à 1587. Le Printemps contient à lui seul plus de 400 personnages. Cette importante suite s'inscrit dans la tradition des calendriers du Moyen Âge, mais elle est conçue dans l'esprit des paysages de Patinir et de Bruegel. Contrairement à ces derniers, Valckenborch accentue le caractère anecdotique des scènes et fait ressortir les particularités topographiques des régions représentées. Illustrant un épisode peu connu de l'Évangile, le petit panneau représentant les Possédés de Gérasa (Bruxelles, M. R. B. A.) semble être une œuvre tardive du maître. Composée de personnages minuscules, la scène, dont la structure plastique est rendue avec précision, se situe dans un paysage rocheux, où abondent des détails pittoresques ; elle est peinte en nuances subtiles imprégnant l'atmosphère d'une lumière vaporeuse. Au premier plan, selon le procédé maniériste, un promontoire dans l'ombre, où se trouvent une femme et un homme gesticulant, joue le rôle d'écran. D'autres œuvres de Lucas Van Valckenborch figurent dans les musées d'Amsterdam, de Brunswick, de Copenhague, de Francfort, du Prado, de Mayence, de Munich et au Louvre (la Tour de Babel, 1594). Leur datation s'échelonne entre 1567 et 1596.

 
Maarten (Louvain 1535 – Francfort 1612). Frère cadet du précédent, il était inscrit à la gilde des peintres de Malines en 1559 ; il acquit la maîtrise en 1563 et eut, la même année, Gysbrecht Jaspers comme élève. Vers 1564, il quitta Malines pour se fixer à Anvers jusqu'en 1572. Il devint citoyen d'Aix-la-Chapelle l'année suivante, mais retourna en 1584 à Anvers, qu'il quitta de nouveau deux ans plus tard pour s'établir définitivement à Francfort. Très influencé par son frère Lucas, il pratiquait le paysage pittoresque, qu'il a le plus souvent étoffé de scènes bibliques. Ses œuvres sont rares ; l'artiste est bien représenté à Vienne (K. M.) par 11 toiles de dimensions moyennes (86  123 cm) portant toutes un monogramme et illustrant le cycle des Mois, à l'exception de décembre. Les scènes qui s'inscrivent dans les paysages de cette série sont empruntées au Nouveau Testament ; l'Adoration des mages illustre, par exemple, janvier. On doit à Maarten 2 versions avec la Tour de Babel, l'une à Dresde (Gg), l'autre au château de Gaesbeek. Deux autres paysages signés se trouvent aux musées de Gotha et de Poitiers.

 
Frederik (Anvers 1566 – Nuremberg 1623). Fils du précédent, il quitta Anvers en 1586, pour se rendre à Francfort, dont il devint citoyen en 1597. Il résida à Nuremberg à partir de 1602 et y acquit la citoyenneté en 1606. Il a visité Venise et peut-être Rome. Contrairement aux autres artistes de la famille Van Valckenborch, il a peint non seulement des paysages, mais aussi des scènes historiques, mythologiques et religieuses, comme le Jugement dernier de Munich (Alte Pin.), la Conversion de saint Paul (Meaux, musée Bossuet). Maniériste authentique, il rechercha les effets de clair-obscur, le dynamisme et l'éclectisme dans l'inspiration.

 
Gillis (Anvers 1570 – Francfort 1622). Frère du précédent, il quitta en 1586 Anvers pour Francfort, où il fut accepté comme citoyen en 1597. Il visita Venise et probablement Rome en compagnie de son frère. Il a surtout peint des paysages maniéristes animés de nombreux personnages et traités dans une palette acidulée (Scène de bataille, Louvre), à la manière des artistes qui ont préparé l'avènement du paysage baroque.