Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Sandrart (Joachim von)

Peintre et historien allemand (Francfort-sur-le-Main 1606  – Nuremberg 1688).

Voyageur infatigable en Europe, il fut comblé d'honneurs de son vivant plus peut-être qu'aucun autre artiste allemand. À l'âge de dix ans, il apprit le dessin chez Georg Keller, élève de Jost Amman, et se lia d'amitié avec T. de Bry et surtout M. Merian. En 1619, il se perfectionna auprès de S. Stoskopff dans l'atelier de Daniel Soreau à Hanau. En 1620, il apprit la gravure à Nuremberg chez Peter Iselburg. En 1622, il entra dans l'atelier de Sadeler à Prague et était au plus tard en 1625 à Utrecht chez Honthorst, où il eut la révélation du Caravagisme et où Rubens loua son Diogène cherchant un homme. De 1629 à 1635, il est en Italie où il se lie avec Liss à Venise, rencontre G. Reni et Albani à Bologne, fréquente à Rome Poussin, P. da Cortona, Pietro Testa, les peintres de bambochades dont Van Laer, les caravagesques dont Valentin de Boulogne, et où il peint des paysages en plein air avec Claude Lorrain. À Naples, il peint un Caton pour Artemisia Gentileschi et va voir la Décollation de saint Jean-Baptiste de Caravage à Malte. Après un séjour de deux ans à Francfort, où il se marie et peint le Clair de lune avec l'Amour et sa très belle Venus Pudica, il part pour Amsterdam, où il restera jusqu'en 1645. Là, il trouvera Rembrandt et ses premiers élèves, G. Flinck Backer, Van der Helst, mais aussi Keirinx, les premiers peintres de genre P. Godde, J. M. Molenaer et les précurseurs de Rembrandt encore vivants, Jacob Pynas et Moyaert. C'est sous ces influences conjuguées qu'il peint la Compagnie de Cornelis Bickker (1640, Amsterdam) et qu'il devient un portraitiste recherché. De 1642 à 1645, il peint sa célèbre série des Mois ainsi que le Jour et la Nuit commandés par le duc Maximilien pour l'ancien château de Schleissheim. Il est de retour en Allemagne en 1645 et s'installe dans sa propriété de Stockau, près d'Ingolstadt, mais fera de nombreux déplacements, en particulier à Munich et à Vienne. Les commandes de tableaux d'autel vont se multiplier (la Madone de la Paix, allégorie du traité de Westphalie ; le Songe de Jacob ; la Décollation de saint Jean-Baptiste). De 1670 à 1673, il est à Augsbourg et, à partir de 1673-74, s'installe à Nuremberg, où il est nommé directeur de la première Académie des beaux-arts allemande, fondée dès 1662, probablement à son instigation. Il sut, mieux qu'aucun autre artiste du Baroque allemand, aborder les thèmes les plus divers avec virtuosité, qu'il s'agisse de l'allégorie, du portrait (Johann Maximilian le Jeune, 1636, Francfort, Historisches Museum ; Hendrick et Eva Bicker, 1639, Rijksmuseum ; Autoportrait, Francfort, Historisches Museum), du tableau d'histoire (Mort de Sénèque, musée d'Erfurt), de la composition religieuse (retables à l'église de Lambach ; Mariage mystique de sainte Catherine, Vienne, K. M.) ou de la scène de genre (Allégories des Mois, Munich, Alte Pin. ; la Peseuse d'or, 1642, musée de Kassel). Il fut influencé par Caravage, Rubens, et son style accuse des réminiscences de Titien, de Reni, de Rembrandt et de Van Dyck. Ce sont ses portraits réalistes qui reflètent le mieux sa personnalité.

   Sandrart s'est assuré une gloire durable par la parution de la première histoire de l'art allemande, la Teutsche Akademie der Bau-Bild und Mahlerey-künste, publiée de 1675 à 1679 ; très inspirée de Vasari et de Van Mander, cette œuvre est riche de renseignements sur les artistes contemporains, que l'artiste a, le plus souvent, connus personnellement.

Sanejouand (Jean-Michel)

Peintre français (Lyon 1934).

Les travaux de Sanejouand sont interprétés, au cours des années 60, comme des environnements réalisés à partir de matériaux et d'objets de fabrication industrielle. On peut les recevoir comme la critique européenne du pop art et d'une abstraction froide et géométrique. Toute représentation est abolie : la planche à repasser, le linoléum ou le grillage, etc., sont de purs objets qui s'imposent dans leur littéralité ; vingt ans plus tard, il faut les reconnaître comme les précurseurs d'une production devenue inflationniste d'installations où l'objet " ready-made " interroge son statut d'œuvre d'art. Après 1968, Sanejouand élabore une réflexion sur l'aménagement d'espaces spécifiques, tels que celui de la cour de l'École polytechnique, à partir d'un assemblage de poutrelles redécoupant l'espace à travers un réseau de grilles métalliques. Il présente en 1973 au C. N. A. C. de Paris son projet d'organisation de la vallée de la Seine, alliant considérations esthétiques, urbanistiques et sociologiques. Mais Sanejouand poursuivra également un travail de peintre à travers les " Calligraphies d'humeur ", grands dessins à l'encre sur papier blanc. Sa peinture s'élabore à partir de figures, de signes et de tracés schématiques (Chicane, 25.4.94., 1994). Si l'artiste représente parfois des paysages, il ne s'agit pas d'y relever une démarche naturaliste mais d'y observer une dimension imaginaire, donnant naissance à des " espaces peintures ". Une exposition lui a été consacrée au M. A. M. de Villeneuve-d'Ascq en 1991 et au Centre Georges-Pompidou en 1995.

sanguine

Variété d'un oxyde ferrique appelé hématite (du grec hoematites) qui se présente sous forme de poudre, de bâtonnet ou de plaque.

   Lorsqu'elle apparaît sous ces deux dernières formes, la sanguine est désignée par Cennini comme une pierre " très forte et solide, serrée et parfaite ". Elle peut prendre plusieurs nuances, qui vont du rouge-orangé au rouge-brun violacé. Elle fut d'abord utilisée comme dessin préparatoire à des fresques : le tracé de sanguine, alors appelé sinopia (du nom de la ville de Sinope, d'où provenait l'hématite), était appliqué directement sur l'enduit du mur à peindre. La sanguine devient technique de dessin proprement dite vers la fin du XIVe s. : elle est alors employée sur un support de papier, soit sous sa forme solide (trace laissée par le bâtonnet de sanguine), soit sous sa forme liquide (lavis posé au pinceau), et souvent mêlée à d'autres techniques : plume, pierre noire ou craie blanche. Dans le cas où pierre noire et craie blanche sont utilisées avec la sanguine il s'agit de la technique dite " des 3 crayons ".

   Les qualités essentielles de ce matériau sont la luminosité et le pouvoir illusionniste dans le rendu des carnations, qui font de cette technique l'instrument privilégié pour deux types d'études : les portraits et les nus. Des exemples magistraux sont donnés par les artistes toscans (Vinci, Michel-Ange ou Pontormo). Au XVIIe s., la sanguine se retrouve couramment dans les études de nus (Le Brun) avant de devenir la technique la plus courante pour les études académiques faites dans tous les ateliers du XVIIIe s. d'après le modèle vivant. À la même époque, elle trouve une autre utilisation capitale pour le thème du paysage, dont Hubert Robert et Fragonard donnent de remarquables exemples. Au XIXe s., les impressionnistes l'emploieront surtout pour des portraits (Renoir, Berthe Morisot, Manet).

   Enfin, la volatilité de ce matériau, qui " dépose " facilement, permet une autre utilisation : si on applique fortement, à l'aide d'une presse, une feuille de papier (préalablement mouillée) sur un dessin à la sanguine, on obtient une contre-épreuve, dont le tracé est inversé par rapport à l'original, d'intensité moins grande que celui-ci, dont il est cependant la reproduction fidèle.