Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
W

Woutersz (Jan) , dit Stap

Peintre néerlandais (Amsterdam [?] 1599  – id. 1663 ?).

Spécialisé dans la représentation de banquiers, de notaires et de collecteurs d'impôts, Stap est un peintre curieusement archaïsant qui, par son écriture crispée et par son amour de la nature morte, maintient un souvenir ultime de Metsys, et surtout de Marinus Van Reymerswaele (il peignit souvent les mêmes sujets) tout en se rattachant au courant caravagesque par l'entremise d'un Ter Brugghen, à qui il ressemble parfois beaucoup, ne serait-ce que par les mêmes tendances archaïsantes. Parmi ses œuvres, citons le Bureau du receveur (Munich, château de Schleissheim), la Consultation (musée de Genève), le Notaire dans son bureau (Rijksmuseum), Vieillard à la toque (Louvre), la Guérison du boiteux, Vieillard en rouge (Ermitage).

Wouwerman (les)
ou les Wouwermans

Famille de peintres néerlandais.

 
Philips (Haarlem 1619  – id. 1668). Fils et élève d'un peintre — Paulus Joosten Wouwerman, dont nulle œuvre ne nous est connue et qui mourut en 1642 —, il reçut ensuite, selon Cornelis de Bie, les leçons de Frans Hals et du peintre équestre Pieter Verbeck, ce qui fut pour lui lourd de conséquences. Pour contracter une union contrariée par des raisons confessionnelles (protestant, il s'était épris d'une jeune catholique de dix-neuf ans), il dut s'exiler à Hambourg v. 1638, mais était rentré dès 1640 à Haarlem, car il était alors sommé d'acquitter ses devoirs envers la gilde de Saint-Luc de cette ville. Dans les années suivantes, il est plusieurs fois cité à Haarlem, notamment en 1641-42 comme ayant déjà un élève, Koort Witholt, en 1645 comme commissaire de la gilde, en 1666 comme ayant de nouveau un élève. Il semble avoir joui d'une belle aisance si, comme Houbraken en tire déjà argument, sa fille Ludovica se maria en 1672 avec le peintre Fromantiou, dotée de 20 000 florins.

   Ses plus anciennes œuvres datées connues remontent à 1646, comme la Halte de Leipzig, aux avant-plans de végétaux ciselés à la Ruisdael, ou comme la Grande Mêlée de cavalerie de Londres (N. G.), d'une belle aisance décorative " prérococo " à la Berchem, qui témoigne d'un art déjà mûri et parfaitement formé. Indépendamment de l'influence de Pieter Verbeck, Wouwerman a visiblement subi celle de Pieter Van Laer, comme Houbraken en a gardé le souvenir, il est vrai quelque peu déformé puisque, sans nuance aucune, cet auteur fait de Wouwerman un simple plagiaire de Van Laer ; mais les études récentes sur Bamboche ont montré que ce peintre ne s'était nullement cantonné dans les scènes de genre populaires italiennes et qu'il avait également travaillé comme paysagiste et animalier, en surprenante avance sur son temps, définissant dès les années 1630 toute une conception du paysage pastoral italianisant, à grandes figures habilement animées et à souples effets d'éclairage, qui sera celle des années 1640-1650 avec Dujardin, Adriaen Van de Velde, Jan-Baptist Weenix, Berchem, Potter, Dirck Stoop, Asselijn et, bien sûr, Wouwerman, par opposition à la vue romanisante " ruiniste ", à petites figures et à forts contrastes d'ombre et de lumière, qui est celle qui fut cultivée par les italianisants de la première génération (dans les années 1620), celle de Poelenburgh, de Carel de Hooch, de Pynas et de Bartholomeus Breenbergh.

   Talent composite et virtuose, exécutant d'une extrême facilité qui, bien que décédé à quarante-huit ans, laissa une œuvre considérable (Hofstede de Groot, en 1908, recensait déjà plus d'un millier de tableaux de Philips Wouwerman), immensément admiré, copié, gravé, notamment au XVIIIe s. en France, entouré d'élèves et suivi de tout un cortège d'imitateurs, naguère très vanté et considéré comme l'un des plus grands noms de la peinture néerlandaise, Philips Wouwerman est aujourd'hui, en sens inverse mais sans doute non moins exagérément, déprécié. Un critique de l'époque de Napoléon III (1860) n'écrivait-il pas déjà : " Le grand succès de ce peintre est le triomphe de la médiocrité. Il a une couleur harmonieuse sans doute, mais qui s'est surtout harmonisée grâce à cette patine, à cet émail chaud que le temps met sur les peintures. Le grand mérite de ce peintre consiste surtout dans la miraculeuse habileté de son exécution qui défie la loupe et même le microscope. " La diversité de son inspiration suffirait à prouver qu'il ne s'agit pas d'un petit maître et que ses facultés d'invention et d'innovation ont été réelles. Ainsi, comme paysagiste, Wouwerman se révèle, vers 1645, l'une des personnalités les plus douées du monde harlémois, parallèlement à Jacob Van Ruisdael et, comme lui, amateur de vues de dunes claires accrochant efficacement la lumière et se détachant pittoresquement sur des ciels nuageux et subtils. La féconde trouvaille de la dune sableuse placée en diagonale — une des constantes du paysage néerlandais avec Wynants, Adriaen Van de Velde, Ruisdael — semble bien de l'invention de Wouwerman (et non de Wynants, comme on le répète souvent en dépit de la chronologie), qui a su pratiquer le paysage pur, sans " staffage ", aussi bien le paysage doté d'une riche animation en figures et en motifs pittoresques. Le sens de la lumière et du lointain, l'élargissement de l'horizon sont très évidents dans les vues de dunes des musées de Leipzig et de Rotterdam — cette dernière datée de 1660, alors que le petit paysage du Louvre, plus précis et timide, paraît des débuts de l'artiste — ainsi que dans le Cavalier cheminant de Francfort, un des chefs-d'œuvre du maître par son emphase spatiale et son émotion contenue devant la calme immensité d'un panorama. Indépendamment de ces essais de paysages, plus nombreux qu'on ne le croit (env. 200, dont plusieurs Paysages d'hiver avec glace et patineurs — un des meilleurs exemples est la brillante grisaille signée de Lyon, longtemps attribuée de la façon la plus bizarre à Adriaen Pietersz Van de Venne), de quelques tableaux religieux où le thème favori est, à cause de l'effet de clair-obscur, l'Annonce aux bergers (musées d'Aix-en-Provence et de Bergues ; Dresde, Gg), Wouwerman s'est inlassablement partagé entre les escarmouches et les haltes de cavalerie, les scènes de camps militaires, d'auberges ou d'écuries (encore un bon prétexte à jouer de beaux effets de clair-obscur), les bords de rivières ou de côtes avec des cavaliers et des promeneurs, les départs et les scènes de chasse. Un des motifs de prédilection du peintre est un cheval blanc qui fait une tache de clarté contre un ciel nuageux et une végétation tenus dans des gris veloutés pleins de raffinement — expédient classique déjà utilisé par les Van Ostade (l'influence d'Isaac Van Ostade, au début, est évidente).

   L'évolution stylistique de Wouwerman, difficile à saisir en raison du peu d'œuvres datées, paraît aller dans le sens d'une peinture de plus en plus brillante, claire, menue et compliquée. Il convient de recourir avec prudence à une chronologie purement fondée sur l'évolution des signatures, le simple monogramme formé du P ou du PH et du W paraissant se retrouver plutôt (mais pas toujours) sur les tableaux du début, le monogramme, plus sophistiqué, constitué avec les lettres PHILS mêlées, figurant surtout (mais là non plus sans exclusivité) sur les tableaux des périodes moyenne et finale. Comme tant d'autres peintres nordiques, Wouwerman a souvent peint des figures dans les tableaux de confrères paysagistes, ainsi chez Jacob Van Ruisdael, Cornelis Decker, Jan Wynants et peut-être Hobbema. Son influence est évidemment considérable, car l'on cite parmi ses élèves non seulement Pieter et Jan, ses frères, mais encore Hendrick Berckmans, Emmanuel Murant, Jan Van der Bent, les Allemands Jacob Weyer et Mattias Scheits (à noter l'intéressante diffusion de Wouwerman en Allemagne, où il fut toujours très apprécié, comme le prouvent les si riches galeries de Dresde, de Kassel ou de Munich : 65 Wouwerman à Dresde, 23 à Kassel, 17 à Munich contre 13 seulement au Louvre et 10 à Madrid), Koort Witholt (en 1642), Jacob Warnars (en 1642), Anthonie de Haen (en 1656), Nicolaes Ficke le graveur, Hendrick de Fromantiou, Barend Gael, Willem Schellinks et peut-être Adriaen Van de Velde. Par ailleurs, Huchtenburg, Lingelbach, Jan Falens, Dirk Maas l'ont imité de près, ainsi que Dirk Stoop, Herman Van Lin, Hendrik Verschuring, Abraham Hondius, Oudendijk, F. Bock. On ne saurait enfin parler de Wouwerman si l'on omet son extraordinaire diffusion par la gravure, surtout dans la France du XVIIIe s., où tant de Wouwerman se trouvaient dans les coll. part. : ainsi, les graveurs Moyreau, qui donna une fameuse suite de 89 gravures d'après Wouwerman, J.-P. Le Bas, Aliamet, Duplessis-Bertaux, Cochin, Moitte, Filloeul, ainsi que Weisbrod, Dunkes, Major, Danckerts, Strange, Bouttats, Cralinge, Visscher, Prestel, Martinasie, pour citer des graveurs non français, gravèrent plus de 160 pièces.

   Wouwerman est abondamment représenté dans tous les musées du monde, une des plus belles séries, qui remonte au XVIIIe s., se trouvant à l'Ermitage (49). En France, mis à part le Louvre, qui conserve une bonne collection de Wouwerman, les meilleurs exemples se trouvent à Nantes, à Strasbourg et surtout à Montpellier avec l'un des plus fameux tableaux du maître, intitulé les Petits Sables, vaste vue de dunes à l'animation charmante et juste.

 
Pieter (Haarlem 1623 – Adam 1682). Élève de son père, Paulus Joosten Wouwerman, et de son frère Philips, et, comme celui-ci, actif à Haarlem, maître depuis 1646, il se spécialisa lui aussi dans la peinture de chevaux, les scènes militaires et le paysage, suivant étroitement le style de Philips, mais sans jamais atteindre pourtant la fine nervosité ni la très sûre élégance graphique de ce dernier. Quelques exemples signés (P. W.) de son art — une Partie de chasse et l'Assaut de Coeverden en 1672 — se trouvent au Rijksmuseum. Au Louvre existe une Vue de la Seine avec le Pont-Neuf et la tour de Nesle, signée, qui, comme le tableau voisin de Brunswick, montre que Pieter n'hésite pas à s'aider de gravures plus ou moins contemporaines (Callot par exemple) pour le fond des tableaux. Cela, autant que la chronologie, empêche de confondre l'artiste avec un autre Pieter Wouwerman, fils de Paul, peintre à Paris, où il se marie en 1642 et meurt dès 1643. De plus nombreuses confusions encore ont été commises entre Pieter et Philips, généralement au détriment du second, qui, aussi bien, jouit d'un meilleur succès commercial, ce qui n'a fait, il est vrai, que refléter une plus haute qualité.

 
Jan (Haarlem 1629 – id. 1669). Jeune frère de Philips, il entra dans la gilde des peintres de Haarlem en 1655, où il est encore mentionné en 1656, 1659, 1660. Influencé et formé par Philips, il fut surtout paysagiste, et de grand talent, comme le prouve le Paysage d'eau, de dunes et de montagne signé " Jwouwerman " et conservé à Londres (N. G.), dont la facture minutieuse et les durs effets d'éclairage trahissent l'influence de Philips Wouwerman et de Jacob Van Ruisdael à leurs débuts. Une autre vue ruisdaélienne de dunes et de paysage d'eau se voit à Rotterdam (B. V. B.). Citons encore au musée Frans Hals de Haarlem une Vue de Saint-Bavon prise du chevet. Les œuvres certaines de Jan Wouwerman restent cependant assez rares.