Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Gober (Robert)

Artiste américain (Wallingford 1954).

Le travail de Robert Gober, visible depuis le milieu des années 80 sur la scène internationale, semble de prime abord se concentrer sur le recyclage d'objets aussi triviaux que des éviers, des berceaux, des niches ou des portes en bois. Proche de l'Art minimal et du pop art, il est souvent comparé à Richard Artschager. Ainsi, les éviers de Gober (Sans titre/lavabo, 1984-1988), réalisés en bois et en plâtre, non fonctionnels et vieillots, dégagent une nostalgie sinistre. Il en va de même des berceaux d'enfant imaginés par l'artiste soit comme de purs fac-similés, soit victimes de distorsions accentuant leur structure cellulaire (Lit d'enfant penché, 1987). Si les œuvres de Robert Gober font consciemment référence au ready-made, à l'Art conceptuel et au Minimalisme, elles manifestent néanmoins une rupture avec cette tradition moderniste dans la mesure où Gober réintroduit une dimension métaphorique auparavant proscrite, le distinguant également d'artistes tels que Jeff Koons ou Haim Steinbach. Dans une atmosphère de crise morale (peur du sida) et d'insécurité, le travail de Gober ruine la stabilité sécurisante du domaine domestique et intime (installation à la galerie Paula– Cooper, New York, 1989). La G. N. du Jeu de Paume à Paris lui a consacré une rétrospective en 1991. Plus récemment, une exposition a été consacrée à l'artiste (Bâle et Los Angeles) en 1996-97.

Gobert (Pierre)

Peintre français (Paris ou Fontainebleau 1662  – Paris 1744).

Issu d'une famille d'artistes, ce portraitiste fécond travaille à Munich, en Lorraine et surtout à Paris. Il est reçu à l'Académie en 1701 (Portrait de C. Van Cleve, Versailles, où sont conservés plusieurs de ses portraits de grands personnages, notamment la Duchesse de Modène en Hébé, François Ier, empereur d'Allemagne). Il travaille entre 1715 et 1733 à un grand portrait de la famille princière de Monaco, qui orne la salle du Trône du palais de Monaco.

Goes (Hugo Van der)

Peintre flamand (Goes [en Zélande ?] entre 1435 et 1445  – Groenendael 1482).

Le 5 mai 1467, il est reçu franc maître à Gand avec le patronage de Joos Van Wassenhove. Son activité, telle qu'elle ressort des documents d'archives jusqu'en 1475, est celle d'un peintre occupé à des besognes variées : en 1468, il travaille aux préparatifs des fêtes du mariage de Charles le Téméraire et de Marguerite d'York à Bruges ; en 1469 et en 1471-72, aux " joyeuses entrées " du duc à Gand ; en 1473, il décore la chapelle Sainte-Pharahilde pour le service à la mémoire du duc Philippe le Bon, et presque chaque année il reçoit des paiements pour la peinture de divers blasons. En 1474-75, il assume la charge de doyen de la gilde de Saint-Luc. Vers 1478, tourmenté par un sentiment de culpabilité et d'infériorité, il quitte Gand pour se retirer au couvent de Rouge-Cloître en qualité de novice. Vers 1481, au cours d'un voyage à Cologne, il sombre dans la folie. Le prieur chercha, dit-on, à le soigner en lui faisant entendre de la musique. Il paraît certain que, durant son séjour au couvent, il continua son métier de peintre et reçut alors la visite de nombreux princes et d'artistes attirés par sa célébrité, ce qui pourrait expliquer son influence sur les peintres bruxellois de la fin du XVe siècle, notamment Colijn de Coter.

   On ne connaît rien de certain sur sa formation. Il est appelé en 1480 à Louvain pour estimer la valeur des panneaux de la Justice d'Othon laissés inachevés par Dirk Bouts à sa mort et exécute un volet figurant des donateurs pour le triptyque de Saint Hippolyte (Bruges, église Saint-Sauveur) du même peintre — ces faits pouvant indiquer une relation étroite entre les deux artistes, telle que celle de maître à élève.

   La chronologie de l'œuvre de Van der Goes n'est pas établie et reste matière à contestation. Quelques peintures de petit format, d'une facture encore hésitante, pourraient constituer son œuvre de jeunesse, mais certains auteurs préfèrent mettre en doute leur attribution. Dans une Vierge à l'Enfant (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson), dérivée des modèles de Bouts, un dessin aigu s'attarde sur les nodosités des articulations et sur le dessin des mains, spécialité de l'artiste. La même technique apparaît dans un émouvant petit panneau de la Crucifixion (Venise, musée Correr) et une Lamentation sur le Christ mort (Grenade, fondation Rodriguez Acosta, legs Gomez Moreno). C'est un style très différent, beaucoup plus évolué, que présente le Retable de Monforte (provenant du couvent de cette ville en Espagne [musées de Berlin]) : l'Adoration des mages est figurée avec une recherche de monumentalité associée à une précision poétique des détails qui trahit son origine, la méditation des grandes œuvres de Jan Van Eyck. On y décèle également des emprunts à Rogier Van der Weyden (notamment le type de la Vierge), mais le style graphique de ce peintre n'est pas adopté par Van der Goes, qui recherche au contraire une plasticité eyckienne. Selon les auteurs, cette peinture est considérée tantôt comme une œuvre de jeunesse, tantôt comme une œuvre de pleine maturité proche dans le temps du retable Portinari, ce qui paraît surprenant, compte tenu de la différence de style qui sépare les deux œuvres. La célébrité du retable est du moins attestée par la copie libre du Maître de Francfort (musée d'Anvers). Un fragment de volet qui montre un donateur en buste présenté par saint Jean-Baptiste (Baltimore, W. A. G.) est assez proche du tableau de Berlin par sa puissance plastique. Toutefois, une humanité vibrante anime le visage, qui acquiert de ce fait une présence beaucoup plus sensible. Le grand triptyque commandé par le marchand florentin Tomaso Portinari pour l'église S. Egidio de Florence est l'œuvre capitale de Van der Goes et l'une des plus impressionnantes du siècle. Le panneau central de l'Adoration des bergers témoigne d'une intensité émotionnelle rarement atteinte. Une sorte de cercle de dévotion, de méditation et de déférence isole l'Enfant Jésus, corps malingre et décharné couché nu sur le sol. La Vierge douloureuse médite sur le destin de l'Enfant, tandis que les bergers font irruption avec un enthousiasme qui contraste avec la gravité des autres assistants. Le coloris, où les tons froids l'emportent, contribue à l'expression de l'émotion. Sur les volets, les donateurs prient agenouillés devant leurs saints patrons dans un paysage hivernal sévère, décrit avec une précision délicate et attentive à la qualité de la lumière. Au revers des volets, une Annonciation en grisaille est empreinte d'un sentiment dramatique : l'ange, encore emporté par son vol, fait irruption devant la Vierge recueillie et amorce un salut solennel. Ce sentiment du drame anime la plupart des œuvres de Van der Goes et atteint à son paroxysme dans les tableaux que l'on s'accorde à dater de ses dernières années. L'Adoration des bergers (musées de Berlin) reprend le thème du retable Portinari dans un rythme plus dense et avec une volonté démonstrative accusée par la présence de deux prophètes ouvrant le rideau sur la scène évangélique. Un petit diptyque du K. M. de Vienne associe le Péché originel et la Déposition de croix. Considéré comme une œuvre tantôt précoce, tantôt tardive, il est animé de cette même passion inquiète qui non seulement rend dramatique la scène de la Déploration du Christ, mais aussi souligne l'isolement du premier couple au sein d'un paradis exubérant. La petite Vierge à l'Enfant du Städel. Inst. de Francfort, complétée par des volets d'une autre main, est d'un sentiment voisin.

   Un groupe de peintures à la détrempe (Pavie, Munich, Tolède) a pu être également attribué à Van der Goes. La plus remarquable composait un diptyque consacré à la Déposition de croix (musées de Berlin et New York, coll. Wildenstein). Les deux volets d'orgue (Jacques III et Marguerite d'Écosse présentés par des saints ; au revers Sir Edward Bonkil adorant la Trinité), peints v. 1478 pour sir Edward Bonkil (Holyrood Palace, en dépôt à Édimbourg, N. G.), ont été achevés par une autre main. C'est peut-être durant son séjour au couvent que Van der Goes peignit la Mort de la Vierge (musée de Bruges), cercle de douleurs formé par les apôtres autour du lit de la Vierge. Les nombreuses copies qui ont été faites d'œuvres de cet artiste ont sauvé le souvenir de quelques compositions disparues, particulièrement celles de ses débuts.