Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Witte (Pieter de) , dit Pietro Candido

Architecte, peintre et sculpteur flamand (Bruges v. 1540/1548  –Munich 1628).

Fils du sculpteur Élie Candid, il le suivit à Florence dès 1559. Il devait rester en Italie jusqu'en 1586, travaillant d'abord, comme ses compatriotes F. Sustris et J. Van der Straat, dans l'atelier de Vasari. C'est ainsi qu'il collabora aux travaux de ce dernier à la Sala Regia au Vatican et à la coupole du dôme de Florence. Il devint membre de l'Accademia del Disegno en 1576 et fit deux séjours à Volterra entre 1578 et 1580 pour peindre des retables (Adoration des bergers, musée de Leipzig ; Déposition de croix, Volterra, Palazzo dei Priori). En 1586, appelé au service du duc Guillaume V, il se rendit à Munich et devint l'un des principaux artisans de l'expansion du Maniérisme dans les pays du Nord. Son activité bavaroise est bien documentée (décor de la Residenz de Munich, de l'Alte Schloss de Schleissheim, Goldenen Saal de l'hôtel de ville d'Augsbourg). Candido exécuta des cartons de tapisserie pour la Manufacture bavaroise. Son nom reste également attaché à la construction du palais ducal et à l'érection du mausolée de l'empereur Louis IV, à la cathédrale de Munich. Pieter de Witte fut sans doute le plus italianisé des artistes flamands et c'est au creuset du Maniérisme florentin (issu de Michel-Ange, Vasari, Salviati) qu'il s'est adapté, comme en témoignent le Portrait de la duchesse Madeleine de Bavière (Munich, Alte Pin.), l'Annonciation (Brescia, Carmine) et la Sainte Conversation (Louvre).

Wittel (Gaspar Van)
ou Gaspare Vanvitelli

Peintre néerlandais (Amersfoort 1652/53  – Rome 1736).

Avant de s'établir définitivement en Italie en 1674, il fut l'élève, à Amersfoort, de Matthias Withoos. Mais plus qu'à l'enseignement de la peinture de genre, il fut sans doute sensible à cette nouvelle forme de " réalisme " que de nombreux peintres néerlandais, et notamment utrechtois, commençaient à divulguer dans la représentation des villes et des paysages de leur patrie en dépassant ainsi, sur les traces lointaines du naturalisme caravagesque, la vision classicisante et idéalisante des paysagistes italianisants. L'amour de l'observation analytique, la transcription exacte du détail, qu'il avait donc pu acquérir en Hollande, se développèrent certainement à Rome, où il débuta au service de l'ingénieur en hydraulique Cornelys Meyer, d'Amsterdam. À Rome, il découvrit l'art du védutiste Codazzi qui avait peint de nombreuses vues de la ville éternelle. Son premier travail romain fut la réalisation de 50 dessins illustrant le cours du Tibre entre Pérouse et Rome, devant servir à l'ingénieur pour des travaux d'aménagement sur cette tranche du fleuve (Codex Meyer, Rome, Bibl. Corsiniana, ms. n° 1227). La fréquentation, en même temps, des ateliers d'imprimerie spécialisés dans l'édition de guides illustrés de Rome, dont la mode connaissait à l'époque une large diffusion, contribua à orienter son intérêt vers la représentation de vues urbaines, genre dans lequel il se spécialisa à partir de 1680. Ses connaissances de la perspective, la patience infinie dont il s'enorgueillissait, une sensibilité particulière pour les aspects actuels de la ville, interprétée non pas comme un symbole de l'Antiquité classique mais comme une entité moderne et vivante, firent rapidement de lui le maître incontesté du " védutisme " romain de son temps.

   Son activité la plus heureuse se concentre en une période relativement courte : entre 1680 et 1685, il avait pratiquement réalisé tous les dessins d'après nature dont il devait se servir par la suite pour l'exécution de ses peintures et qui sont caractérisés par la liberté totale de la mise en page, la fraîcheur de l'observation, la minutie du détail. Cette vitalité fondamentale lui permettra de ne jamais tomber dans le travail " de série ", même lorsque, d'après une seule étude, il réalisera de nombreuses répliques. À partir de 1690, son style est définitivement établi, et ses vues de Rome sont répertoriées. De nombreux voyages, à Florence, à Venise (1695), à Vérone et à Naples (1700-1701 ; dessins à Naples, Museo di S. Martino) notamment, lui permettent de se renouveler et de laisser sur place des œuvres (Vues de Venise, au Prado) dont le rôle ne sera pas négligeable dans la formation des peintres locaux, comme Carlevarijs et Canaletto à Venise, et des " vedutisti " napolitains de la seconde moitié du XVIIIe s. Le caractère particulier de son parcours artistique ainsi que le nombre considérable de ses tableaux rendent difficile un répertoire chronologique et iconographique de son œuvre, qui se trouve actuellement dispersée dans les coll. part. de Rome (Gal. Colonna ; Gal. Doria Pamphili) et du monde entier ainsi que dans les musées de Rome (G. N. ; Gal. Capitoline) et de Florence (Pitti).

Witz (Konrad)

Peintre suisse (Rottweil [?] entre 1400 et 1410  – Bâle ou Genève v. 1445).

C'est à l'historien d'art bâlois D. Burckhardt que revient le mérite d'avoir tiré Konrad Witz de l'oubli (1901).

   Originaire de Rottweil (Bade-Wurtemberg), K. Witz fut admis en 1434 au sein de la corporation des peintres de Bâle. Quelques mois plus tard, il devint bourgeois de cette cité, où se déroulaient depuis 1431 les sessions d'un important concile visant à la réforme générale de l'Église. C'est dans ce contexte que Witz peignit v. 1435 le Retable du Miroir du salut. À la demande de l'évêque François de Metz, le peintre bâlois se rendit en 1444 à Genève, où il exécuta les deux volets d'un retable destiné au chœur de la cathédrale Saint-Pierre (signé et daté de 1444 sur le cadre ; Genève, musée d'Art et d'Histoire). Un document rédigé entre 1445 et 1447 désigne la femme de Konrad Witz comme veuve.

   L'œuvre conservé de Witz est fort réduit. Outre les deux retables de Bâle et de Genève, on compte un panneau représentant Saint Christophe (Bâle, Öffentliche Kunstsammlung). La critique s'accorde pour situer à la fin de la carrière du peintre l'Annonciation (Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum), avec son ancien revers, où sont peintes la Rencontre à la porte Dorée (Bâle, Öffentliche Kunstsammlung) et les Saintes Madeleine et Catherine (Strasbourg, musée de l'Œuvre Notre-Dame). L'attribution à Konrad Witz de la Pietà (New York, The Frick Collection), de la Sainte Famille dans une église (Naples, Capodimonte) et du Calvaire avec un donateur cardinal (musées de Berlin) est sujette à caution. Ch. Sterling (1986) a donné ces trois tableaux à Hans Witz, disciple et probablement parent de Konrad, travaillant en Savoie entre 1440 et 1475.

   Le Retable du Miroir du salut fut vraisemblablement commandé pour le chœur de la collégiale Saint-Léonard de Bâle, où séjournaient un certain nombre de prélats siégeant au concile. L'œuvre est conçue suivant un savant programme iconographique, centré sur l'idée de l'unité de l'Église par le salut chrétien. L'une des sources littéraires utilisées pour son élaboration semble avoir été le Speculum humanae salvationis, un traité dominicain du XIVe s. Revenant sur la reconstitution peu satisfaisante proposée par H. Wendland (1924), A. Châtelet (1987) a résolu de façon fort convaincante le problème de la disposition originelle du retable, restituant à cet ensemble son caractère tout à fait novateur pour l'époque.

   La caisse centrale du retable, comportant un décrochement dans sa partie supérieure, renfermait probablement une Adoration des mages sculptée, à laquelle correspondaient des scènes de l'Ancien Testament et de l'histoire profane peintes sur les trois registres de la face intérieure des volets (Auguste et la sibylle de Tibur, Dijon, musée des Beaux-Arts ; Salomon et la reine de Saba, musées de Berlin ; David et Abisaï, Sabothaï et Benaja, Esther et Assuérus, César et Antipater, Abraham et Melchisédech, Bâle, Öffentliche Kunstsammlung). Fermé, le retable se présentait comme une superposition de boîtes (toujours sur trois registres) dans chacune desquelles se tenait un personnage isolé (seuls subsistent : Saint Augustin, Dijon, musée des Beaux-Arts ; Saint Barthélemy, l'Église, la Synagogue, l'Ange de l'Annonciation, Bâle, Öffentliche Kunstsammlung).

   Insérées chacune dans un cadre étroit et sévère qu'elles dominent par leur densité plastique, les figures de l'extérieur du Retable du Miroir du salut font l'effet de statues polychromes, disposées dans une sobre architecture de pierre. Non moins sculpturaux, les personnages de l'intérieur des volets sont groupés par deux au sein de chaque panneau, devant un brocart d'or. La connaissance par Witz de la nouvelle peinture flamande, et notamment de l'œuvre de Robert Campin, est sensible dans ce traitement plastique de la figure humaine, comme dans le savoir-faire que décline le peintre souabe sur les compartiments de la face interne du retable. Les riches vêtements (velours, soieries, brocarts), les fourrures, les pierreries et les armures sont rendus avec une précision analytique qui s'attache également aux effets de la lumière sur ces objets. Le fond d'or, la préciosité des matières et l'éclat des quelques couleurs saturées employées par Witz (rouge, bleu, vert) contribuent à la somptuosité de l'intérieur des volets.

   Pour expliquer l'assimilation par Witz des nouveautés picturales des Pays-Bas, J. Van Miegroet (1986) a émis l'hypothèse suivant laquelle le peintre aurait subi l'influence d'enlumineurs originaires d'Utrecht travaillant à Bâle à l'époque du concile.

   Du retable de la cathédrale Saint-Pierre de Genève ne subsistent que deux volets, peints sur les deux faces (face extérieure : l'Appel de saint Pierre et la Délivrance de saint Pierre ; face intérieure : l'Adoration des Rois et la Présentation du cardinal de Metz à la Vierge, Genève, musée d'Art et d'Histoire). Ces panneaux sont les chefs-d'œuvre de la maturité de K. Witz. Les figures sont toujours massives et sculpturales, mais l'artiste fait cette fois preuve d'un sentiment profond de la nature. Dans l'Appel de saint Pierre apparaît le premier paysage réel de la peinture occidentale, celui de la rade de Genève. Dans cette transcription biblique, les pêcheurs relèvent leurs filets et manœuvrent une barque à fond plat, comme on le fait encore aujourd'hui. Les pieux qui surgissent de l'eau sont les pilotis du faubourg du Temple de Genève. Sur la rive opposée, le coteau de Cologny est dominé par les Voirons, la pointe du Môle, le Petit-Salève et, au fond, le mont Blanc ; au loin, une escorte de cavaliers est précédée de l'étendard aux armes de la maison de Savoie. Le paysage remplit tout le tableau, absorbant en quelque sorte l'action. Le sens de la composition générale s'allie au sentiment de la nature, à l'art de rendre la perspective aérienne. Il y a dans cette œuvre un naturalisme, une vérité historique qui représentaient au milieu du XVe s. une puissance novatrice et une hardiesse inconnues jusque-là.

   L'art de K. Witz rejoint celui du Maître de l'Annonciation d'Aix, lui aussi imprégné de l'exemple de Robert Campin, par sa force synthétique, le rôle simplificateur donné à la lumière et la calme monumentalité de l'expression plastique. Son influence fut importante dans le Rhin supérieur, et en particulier dans la région de Bâle (Maître bâlois de 1445, Maître de Sierenz) ainsi qu'en Savoie (tombeau de Philibert de Monthouz, 1458, église Saint-Maurice d'Annecy).