Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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tempera

Procédé de peinture à la détrempe dans lequel le liant, ou véhicule, est une émulsion contenant des substances aqueuses et huileuse telles que l'œuf, le lait de figue. L'œuf fut l'élément essentiel de l'émulsion jusqu'au XVIe s., qu'il ait été utilisé en totalité, ou qu'on utilisât seulement le jaune ou, plus rarement, le blanc.

   Au XIXe s., on s'est servi d'émulsions artificielles d'huile de gomme ou de colle. Étymologiquement, le mot tempera pourrait s'appliquer à toutes les techniques picturales, puisqu'il sous-entend le mélange de pigments et de liant, quelle que soit la nature de ce dernier. Bien qu'il soit souvent pris comme synonyme de « détrempe », il doit exclusivement désigner le procédé à l'œuf.

   La peinture a tempera est appliquée sur une préparation de craie ou de plâtre ; elle sèche vite (par évaporation), durcit par oxydation, puis devient insoluble et se conserve parfaitement dans une atmosphère sèche. D'un pouvoir couvrant remarquable, la peinture a tempera permet de pratiquer des glacis ; cependant, elle est fragile à l'humidité et d'une pratique peu aisée, rendant presque impossible le travail dans le frais. Utilisée au Moyen Âge dans toute l'Europe à partir du XIIIe s. à la manière des peintres byzantins, elle servait à l'exécution des peintures sur panneau et quelquefois de peintures murales.

   Supplantée par la technique de l'huile dès le XVe s., elle ne fut pourtant pas totalement abandonnée des peintres, qui l'utilisaient conjointement à l'huile, notamment pour l'exécution des dessous.

Ten Cate (Siebe Johannes)

Peintre néerlandais (Sneek, Frise, 1858 – Paris 1908).

Cet artiste, qui fit plusieurs voyages d'étude en Europe, aux États-Unis et en Égypte, a peint des paysages et des vues citadines dont les motifs sont le plus souvent empruntés aux environs de Dordrecht et de Paris (Vue de Paris sous la neige, 1904, Genève, Petit Palais). C'est un chercheur qui note ses impressions avec une scrupuleuse fidélité et qui cerne avec bonheur la réalité, dégageant les aspects significatifs des grands centres dans le grouillement des foules ou la solitude des coins abandonnés. Il excelle à rendre la sensation locale et les tonalités changeantes suivant l'heure du jour ou de la nuit, aussi bien dans ses vues de ville que dans ses paysages et ses marines. Après avoir fait ses études à l'Académie d'Anvers, Ten Cate a fait carrière à Paris, figurant au nombre des artistes de Durand-Ruel, le marchand des peintres impressionnistes. Il a exposé à plusieurs reprises à Munich, à Paris avec les Artistes français, à la Nationale et à l'Exposition universelle de 1900, à Venise et à Vienne. Injustement oublié pendant un temps, il a heureusement retrouvé la faveur des amateurs, qui, aujourd'hui, le situent à sa vraie place. Ses toiles sont conservées à Amsterdam (Rijksmuseum), à Paris (musée Carnavalet), à Genève (Petit Palais).

Tenebrosi (les)

Ce terme fut employé par les anciens historiens pour désigner les peintres, surtout napolitains et espagnols, qui, dans la tradition de Caravage, développèrent, jusqu'à leurs extrêmes conséquences, les aspects « ténébreux » de son art, c'est-à-dire la prédominance des tons sombres par rapport aux tons clairs, le goût du clair-obscur et des forts contrastes lumineux qui soulignent les effets dramatiques du naturalisme.

   Le terme moderne de « ténébrisme », forgé de toute évidence d'après la vieille définition, s'applique d'une façon beaucoup plus large à ce même phénomène.

Teniers (les)

Peintres flamands.

 
David I ou Teniers le Père (Anvers 1582 – id. 1649). Élève de son frère Juliaan en 1595, il séjourna en Italie entre 1600 et 1605 puisqu'il fut – selon Bie, Sandrart et J.-B. Lebrun, le fameux « connaisseur » et marchand du XVIIIe s. – le disciple d'Elsheimer, arrivé à Rome en 1600 (Bie ajoute, de façon moins convaincante, que Teniers eut aussi pour maître Rubens), et qu'en 1605 il était de nouveau à Anvers d'après les archives de la gilde de Saint-Luc, où il fut reçu maître en 1606. Marié en 1608, il aura une fille et 5 fils, dont 4 seront peintres : David II (le plus connu des Teniers), Juliaan II, Theodoor et Abraham. En proie à de chroniques difficultés financières (en 1625, il est même emprisonné pour dettes), il se livre de plus en plus après 1629 (dernière mention d'un travail artistique de sa main) au commerce des tableaux ; ainsi aurait-il fait un voyage à Paris pour vendre des œuvres de son fils David II, vraisemblablement en 1635.

   Presque complètement oublié jusqu'à nos jours, même dans la littérature relative à Elsheimer, dont Teniers le Vieux fut pourtant l'un des plus brillants et des plus intéressants imitateurs, David Teniers I est une récente et spectaculaire redécouverte de l'érudition moderne. L'œuvre s'est reconstitué à partir de quelques œuvres signées, comme une Adoration des mages de 1609 – jadis dans la coll. Lighart à Ratshof (en 1900) –, de divers retables d'églises documentés ainsi que d'un certain nombre de compositions connues par la gravure (des graveurs tels que E. Van Panderen, actif à Amsterdam dès avant 1609, et surtout Cornelis Galle I, dont les 4 Pères de l'Église gravés d'après Teniers I se laissent placer entre 1622 et 1625 à cause du dédicataire, Gaspard Rinckens, prieur des Carmélites d'Anvers dans ces mêmes années ; Theodor Galle édita une série de 7 Saintes gravées sans nom de graveur, mais pourvues de l'invenit de David Teniers I). Comme peintre de retables, l'artiste use d'une manière lourde mais éloquente, assez comparable à l'art un peu engoncé et toujours savoureux d'un Lastman ou d'un Tengnagel : la froideur académicisante des Francken se renforce ici de la leçon d'Elsheimer, portée à une échelle monumentale ; les principaux exemples encore subsistants sont le Retable des saints Édouard et Christine à l'église Notre-Dame Dendermonde (en Belgique), peint v. 1617, le Triptyque de sainte Amelbergue à l'église de Temse (1615-1618) ainsi que le Christ au jardin des Oliviers de l'église Saint-Paul à Anvers (v. 1617).

   Mais David Teniers I mérite bien plus de rester comme un virtuose suiveur d'Elsheimer dans ses tableaux de cabinet à petites figures fignolées et vastes paysages boisés agréablement balancés : les sujets sont généralement religieux (Tentation du Christ, daté de 1611, dans la coll. Somerled Macdonald of Sleat ; Saint Paul à Malte, Ermitage ; Rencontre de Jacob et de Laban, Anvers, Maagdenhuis) ou antiquisants (Alexandre et Diogène, Londres, coll. Cevat), le coloris vif et frais, la lumière typiquement matérialisée par des faisceaux obliques d'un plaisant effet décoratif. Son sens déjà moderne du paysage se précise dans de petits tableaux à sujets mythologiques du K. M. de Vienne, comme Jupiter, Junon et Io ou Mercure et Argus, qui préfigurent exactement les paysages alertes de Teniers II le fils et renseignent sur la plus que probable collaboration des deux David Teniers, I et II. Une œuvre assez tardive doit être le Calvaire (Louvre), de motif tout rubénien, mais très caractéristique de l'art de Teniers I par la dramatique animation du ciel.

 
David II (Anvers 1610 – Bruxelles 1690). Fils et élève de David I, influencé par Rubens, il fut célèbre comme peintre de genre, mais se consacra aussi au portrait, au paysage et à la peinture d'histoire : « Il tenait son génie de la nature, son goût de son père, et sa perfection de Rubens. » Plusieurs milliers d'œuvres peuvent lui être attribuées, et sa virtuosité était immense. De nombreuses tapisseries, tant flamandes que françaises, de grandes séries de gravures divulguèrent ses œuvres et propagèrent son influence jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

La vie

Franc maître à Anvers en 1632, il épousait en 1637 Anna Bruegel, fille de Bruegel de Velours et pupille de Rubens. Doyen de la corporation de Saint-Luc à Anvers en 1645, il fut nommé en 1647 peintre de cour et conservateur des collections de l'archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas, qui siégeait au palais de Coudenberg. En 1651, il se fixa à Bruxelles. Sa fortune considérable lui permit d'acheter le manoir de Dry Toren (les Trois Tours). Il fut chargé de la publication d'un album de gravures, comprenant 244 tableaux italiens des collections de l'archiduc, qui parut en 1658 sous le titre de Theatrum pictorium Davidis Teniers Antwerpiensis. Le successeur de Léopold-Guillaume, don Juan d'Autriche, le maintint dans ses fonctions. Teniers expédiait également ses œuvres à la cour de Philippe IV d'Espagne et au stathouder Guillaume II de Nassau. Il intrigua pour obtenir un titre de noblesse, mais n'y parvint jamais. Devenu veuf en 1656, il épousa la fille du secrétaire du Conseil de Brabant et fonda l'Académie des beaux-arts d'Anvers, ouverte en 1665. Son succès ne se démentit pas jusqu'à sa mort.