Denis (Maurice)
Peintre français (Granville 1870 –Paris 1943).
Entré à dix-sept ans à l'Académie Julian pour préparer l'École des beaux-arts, il participe, dès le mois d'octobre de l'année suivante (1888), à la formation du groupe des Nabis. Paul Sérusier, qui venait de passer l'été auprès de Gauguin en Bretagne, en avait rapporté le fameux Talisman (petit tableau exécuté sous la direction de Gauguin, anc. coll. Denis, Paris, musée d'Orsay) et répandait dans le groupe les idées esthétiques du maître de Pont-Aven. C'est pourtant Maurice Denis, le plus jeune de tous, mais le plus doué pour la spéculation et l'expression littéraire, qui publie le premier manifeste du style nabi, dérivé des idées de Pont-Aven : Définition du Néo-Traditionnisme (Art et critique, août 1890), où il énonce, notamment, la formule si fameuse dans l'histoire de la peinture moderne : " Se rappeler qu'un tableau, avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. "
L'artiste justifie bien à cette époque le surnom, que lui donnent ses amis, de " Nabi aux belles icônes ", par le caractère simplifié et légèrement archaïsant de sa peinture ; d'une part, il se réfère en effet moins aux Japonais (comme le fait alors Bonnard, par exemple) qu'aux " primitifs " italiens, particulièrement à Fra Angelico, et, d'autre part, il manifeste une prédilection pour les thèmes religieux et pour l'exaltation de la famille chrétienne (il aura huit enfants de ses deux épouses successives) : le Mystère catholique (1889, Saint-Germain-en-Laye, musée Maurice-Denis), la Procession (1892), le Matin de Pâques (1891, Chicago, Art Institute), Visite à l'accouchée (1895), les Pèlerins d'Emmaüs (1895, Saint-Germain-en-Laye, musée du Prieuré). Il prend souvent pour modèle son épouse (Marthe au piano, 1891, id.) et sa famille (Sinite Parvulos, 1900, Neuss, Clemens Sels Museum). Ces images intimes, teintées souvent d'un humour tendre, comptent, jusqu'à la fin de sa vie, parmi les plus heureuses de son œuvre.
Après une courte période divisionniste, il adopte une peinture claire, sans modelé, aux rythmes onduleux qui l'apparentent à l'Art nouveau. Il exécute parallèlement des illustrations de caractère symboliste pour Sagesse de Verlaine (1889), le Voyage d'Urien de Gide (30 lithos, 1893), l'Imitation de Jésus-Christ (115 bois édités par Vollard en 1903), ainsi que ses premiers grands panneaux décoratifs : les Muses (1893, Paris, Orsay).
Ses voyages en Italie (1895-1898 et 1907) renforcent son admiration pour la Renaissance, qui dépouillera sa peinture de son caractère nabi et Art nouveau pour le conduire, à partir de 1898, dans de vastes compositions décoratives comme celles du Théâtre des Champs-Élysées (1913), à un style de tradition classique. Il a fondé en 1919, avec Rouault et Desvallières, les ateliers d'Art sacré. Excellent critique, ses articles ont été réunis sous des titres qui en définissent bien les directions esthétiques : Théorie, Du symbolisme et de Gauguin vers un nouvel ordre classique (1912), Nouvelles Théories sur l'art moderne, sur l'Art sacré (1922), Charmes et leçons de l'Italie (1933), Histoire de l'art religieux (1939). Les trois tomes de son journal ont été édités entre 1957 et 1959 à Paris. Le musée d'Orsay conserve plusieurs de ses tableaux, notamment l'Hommage à Cézanne (1900).
Parmi les nombreuses décorations murales qui lui sont dues, on peut citer celles des églises (chapelle du collège Sainte-Croix au Vésinet, 1899 [dépôt au musée d'Orsay] ; chapelle du Prieuré ; Saint-Louis de Vincennes ; chapelle des Franciscaines de Rouen ; chapelle de la Clarté à Perros-Guirec ; le Sacré-Cœur de Saint-Ouen ; Saint-Martin de Vienne ; l'église du Saint-Esprit à Paris ; monastère de Lapoutroie en Alsace ; basilique de Thonon), celles des hôtels particuliers (H. Lerolle, Mme Chausson, D. Cochin, M. Rouché, M. Mutzenbecker à Wiesbaden ; S. Morosov à Moscou [Histoire de Psyché, 1908, Ermitage], G. Thomas, Ch. Stern, le prince de Wagram, M. Kapferer), celles de bâtiments publics (Paris, Petit Palais, Sénat, palais de Chaillot, lycée Claude-Bernard ; Genève, B. I. T., palais de la S. D. N.). Par ailleurs, son dernier ouvrage illustré, l'Annonce faite à Marie de Claudel, commencé en 1926, fut édité en 1943. Un musée comprenant un ensemble capital d'œuvres données par ses enfants a été créé en 1980 au Prieuré, à Saint-Germain-en-Laye, où il demeura et travailla longtemps. Le domaine d'intérêt de ce musée s'est étendu au symbolisme et aux Nabis en général. Une rétrospective Maurice Denis a été présentée (Lyon, Cologne, Liverpool, Amsterdam) en 1994-1995.
Denner (Balthasar)
Peintre allemand (Hambourg 1685 – Rostock 1749).
Après un apprentissage à Altona, puis à Dantzig, il entra en 1707 à l'Académie de Berlin. Les premiers tableaux qu'il peignit pour le duc Christian-Auguste de Holstein-Gottorp lui assurèrent un certain renom de portraitiste v. 1710. Il sera alors amené à beaucoup voyager dans le nord de l'Europe pour exécuter les portraits qui lui seront commandés. Ainsi, il séjournera d'abord à la cour danoise, puis en Angleterre (1721-1727) et à Dresde. Il a travaillé à plusieurs reprises pour les ducs de Brunswick, sa présence est souvent attestée à Berlin et Hambourg. Après un séjour à Amsterdam (1736-1740), il s'installa d'abord à Hambourg puis à Rostock, où il mourut en 1749 comme peintre de la cour de Mecklembourg. Alors que certains de ses portraits sont fort conventionnels, d'autres, tel le Gentilhomme en manteau brun (Hambourg, Kunsthalle), témoignent d'un certain intérêt pour la psychologie du modèle et de son goût pour les jeux d'une lumière crue et impitoyable. Ses Natures mortes de fruits et de fleurs (1730, id.) sont d'une facture veloutée et minutieuse. Cependant, il se spécialisa dans les Têtes de vieillards ou les Têtes de vieilles femmes, à l'expression mélancolique, dont il exécuta la première v. 1721 et dont il donna par la suite de très nombreuses versions (Louvre). Attentif au visage, il retraçait minutieusement chaque ride, utilisant sur cuivre une laque de son invention pour obtenir la tonalité rose et porcelainée de la chair. Cette technique, qui rappelle G. Dou, lui valut un grand succès auprès de ses contemporains. Il est beaucoup moins prisé aujourd'hui, précisément à cause de cette minutie qui laisse peu de place à l'étude du caractère des modèles. Certains de ses portraits apparaissent même raides et maladroits, comme les Enfants du poète Bockes (Hambourg, Kunsthalle).