Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
N

néo-classicisme (suite)

Les " Primitifs " et Ingres

Les efforts de David pour épurer son style et atteindre à la simplicité grecque trouvèrent un écho vers 1800, et de façon assez extravagante, chez ses élèves les plus rebelles et les plus jeunes, appelés les " Primitifs ", ou " Barbus ", et qui, conduits par Maurice Quaï, essayèrent de pousser encore plus loin ces tendances au primitivisme en acceptant, du moins en théorie, les formes les plus archaïques issues des arts et des lettres grecs. Leur conception radicale se retrouve à distance dans l'art de F. Gérard, dont l'Amour et Psyché (Salon de 1798 ; Louvre) offre les stylisations curieusement maniérées, les surfaces lisses et vernies des anatomies propres à la peinture néo-classique, et surtout dans l'œuvre de J. A. D. Ingres, dont les premières peintures, Vénus blessée par Diomède (v. 1802, musée de Bâle) et Jupiter et Thétis (1811, musée d'Aix-en-Provence) s'inspirent des images plates et linéaires de Flaxman et des vases grecs, mais qui ajoutent à ces sources un mélange puissant de sensualité et de précision dans le détail qui se transposera facilement dans le monde romantique de ses odalisques et de ses baigneuses orientales. Dans l'art d'Ingres, les prémisses de David, Abstraction et Réalisme, sont largement utilisées et dépassées.

   Héritier de la doctrine idéaliste de David jusqu'à un âge avancé, Ingres fut le défenseur le plus solide des principes néo-classiques pendant les deux premiers tiers du XIXe s., s'opposant obstinément aux forces jaillissantes du Romantisme, dont l'apogée se situe après 1820, avec le jeune Delacroix. Bien que par le style et les sujets Ingres se soit constamment écarté du strict Néo-Classicisme, son œuvre officielle, en tant que représentant le plus vénéré de l'Académisme, perpétua cette croyance. De l'Apothéose d'Homère, confrontée au Salon de 1827 (Louvre) avec le Sardanapale de Delacroix (id.), jusqu'à sa peinture murale l'Âge d'or au château de Dampierre (1843-1847), Ingres s'efforça de lutter contre le changement survenu dans l'art au XIXe s. et d'y opposer sa foi dans l'idéal de beauté classique atteint par l'étude et la mise en forme minutieuse des sources antiques, la précellence du dessin sur la couleur et l'utilisation de compositions claires et symétriques. Ces principes se pétrifièrent inévitablement aux mains d'académiciens de moindre génie.

Prolongements du Néo-Classicisme

En réalité, dans le monde occidental, la vitalité du Néo-Classicisme s'était totalement épuisée après 1840, et les interprétations ultérieures du Classicisme — style et sujet — demeurèrent l'apanage de peintres académiques et conservateurs qui gardèrent une distance encore plus grande vis-à-vis des mouvements réaliste et impressionniste de la seconde moitié de leur siècle. Avec ces peintres, le Néo-Classicisme subit des variations mineures, entre autres la grandeur muette et sculpturale des héros et héroïnes grecs tels que nous les présente l'Allemand Anselm Feuerbach dans ses évocations nostalgiques (Iphigénie, 1869, Stuttgart, Staatsgal.), ou les pâles et fragiles visions de l'Arcadie classique dans les fresques crayeuses de Puvis de Chavannes (l'Été, Salon de 1873, musée d'Orsay) ou encore les scènes quasiment pornographiques où apparaissent Vénus et les nymphes, nombreuses, dans l'œuvre des peintres populaires du Salon, comme A. Cabanel (Naissance de Vénus, Salon de 1863, musée d'Orsay) et A. W. Bouguereau, ou enfin l'interprétation anecdotique de la vie quotidienne grecque ou romaine, reconstituée avec une exactitude cinématographique par des peintres tels que G. Boulanger, Gérôme, en France, ou L. Alma-Tadema et Leighton en Angleterre.

   Dans un sens plus large, cependant, la tradition du Néo-Classicisme, qui avait paru s'éteindre avec la peinture académique, ressuscita sous une nouvelle forme avec des maîtres comme Seurat, Renoir, Cézanne et Matisse, qui entreprirent souvent de réinterpréter des sujets et des compositions classiques. Même dans l'art postcubiste de Braque ou de Picasso, ou chez de nombreux artistes moins importants, des sources aussi classiques que le décor des vases grecs et les fresques romaines, la littérature et la mythologie d'Hésiode à Ovide continuent d'être utilisées dans le cadre des conventions nouvelles qui régissent les styles du XXe s.

néo-géo

Abréviation de " Neo geometric Conceptualism ", ce courant apparu vers 1985 est issu du Pop art, du Minimal art, et de l'art conceptuel, tout autant que des discours critiques de la puissance des médias et de la technologie. Ce groupe peu cohérent englobe des artistes comme Ashley Bickerton, Jeff Koons, Haim Steinbach qui utilisent des objets domestiques comme support de leurs œuvres. Peter Halley, John Armleder, Sherrie Levine et Philippe Taaffe sont marqués par l'abstraction géométrique et conscients de venir après les grandes figures de la modernité, ils s'approprient l'art abstrait et lui ouvrent de nouvelles possibilités.

néo-impressionnisme

Le terme " Néo-Impressionnisme ", qui désigne le mouvement dont Seurat fut le chef de file entre 1885 et 1890, apparaît pour la première fois dans le compte rendu consacré par Fénéon à la 8e exposition impressionniste dans la revue bruxelloise l'Art moderne, le 19 septembre 1886. Utilisé ensuite par Arsène Alexandre dans l'Événement du 10 décembre 1886, il est définitivement consacré par l'étude sur le " Néo-Impressionnisme " publiée par F. Fénéon dans l'Art moderne le 1er mai 1887.

Seurat et les origines du Néo-Impressionnisme

La dispersion et les divisions des impressionnistes ont préparé la réaction d'une nouvelle génération, qui se manifeste en 1887 par sa participation au premier Salon des indépendants et par la création cette même année de la Société des artistes indépendants. Formé dans l'admiration de Puvis de Chavannes, soucieux de retrouver la rigoureuse noblesse des ordonnances grecques et égyptiennes telles qu'elles sont analysées dans la Grammaire des arts du dessin de Charles Blanc, Seurat veut associer son idéalisme classique à l'expression de la modernité. Il l'aborde par le problème de la couleur. Il a étudié la " loi du contraste simultané des couleurs " de Chevreul, et il connaît les études de Sutter, Maxwell, Helmholtz et Rood (Modern Chromatics, 1851). Il rencontrera en 1886 Charles Henry, dont l'ouvrage Une esthétique scientifique, publié en 1885, énonce tous les principes dont il se réclame.

   Signac s'est préoccupé des mêmes questions et a compris la force du caractère méthodique de Seurat ; il encourage celui-ci à préciser son attitude, à reprendre la Baignade (1883-84), dont la technique reste trop floue. Chaque tableau de Seurat confirme désormais l'extraordinaire génie de l'artiste et sa ténacité à poursuivre la démonstration de ses convictions. Ses amis des Indépendants, Angrand et Dubois-Pillet, ont suivi le travail de la Grande Jatte (1884-1886), tandis que Signac persuade Pissarro de l'excellence de la méthode de Seurat. Le doyen de l'Impressionnisme en fait immédiatement l'application, suivi par son fils Lucien, par Signac, puis par Cavallo-Peduzzi, Dubois-Pillet, Gausson, Hayet en 1886, Angrand et Luce en 1887. Les amis sont devenus les fidèles et les propagateurs de la méthode. La présentation de la Grande Jatte à la 8e et dernière exposition impressionniste (1886), puis aux Indépendants de la même année, a consacré le soutien des écrivains symbolistes (Gustave Kahn, Paul Adam, Émile Verhaeren), qui saluent l'" idée pure " de ce modernisme scientifique. Félix Fénéon en devient l'avocat et multiplie notes, comptes rendus, études, réunions, conférences. On sait la vitalité de Bruxelles et du groupe des vingt animé par Octave Maus ; la complicité des amitiés symbolistes et la présence de la Grande Jatte à l'exposition bruxelloise des vingt en 1887 précipitent l'extension du mouvement.

   Dès la fin de l'année, le peintre belge Willy Finch a adopté la technique néo-impressionniste, suivi l'année d'après par Théo Van Rysselberghe et Henry Van de Velde, puis en 1889 par Lemmen.

   En 1890, le Néo-Impressionnisme apparaît comme le principal mouvement pictural d'avant-garde en Belgique. Il a déjà touché les Pays-Bas en la personne de Jan Toorop, dont l'activité entraînera la création de tout un courant pointilliste néerlandais (Bremmer, Aarts, Vijlbrief).