néo-classicisme (suite)
Les " Primitifs " et Ingres
Les efforts de David pour épurer son style et atteindre à la simplicité grecque trouvèrent un écho vers 1800, et de façon assez extravagante, chez ses élèves les plus rebelles et les plus jeunes, appelés les " Primitifs ", ou " Barbus ", et qui, conduits par Maurice Quaï, essayèrent de pousser encore plus loin ces tendances au primitivisme en acceptant, du moins en théorie, les formes les plus archaïques issues des arts et des lettres grecs. Leur conception radicale se retrouve à distance dans l'art de F. Gérard, dont l'Amour et Psyché (Salon de 1798 ; Louvre) offre les stylisations curieusement maniérées, les surfaces lisses et vernies des anatomies propres à la peinture néo-classique, et surtout dans l'œuvre de J. A. D. Ingres, dont les premières peintures, Vénus blessée par Diomède (v. 1802, musée de Bâle) et Jupiter et Thétis (1811, musée d'Aix-en-Provence) s'inspirent des images plates et linéaires de Flaxman et des vases grecs, mais qui ajoutent à ces sources un mélange puissant de sensualité et de précision dans le détail qui se transposera facilement dans le monde romantique de ses odalisques et de ses baigneuses orientales. Dans l'art d'Ingres, les prémisses de David, Abstraction et Réalisme, sont largement utilisées et dépassées.
Héritier de la doctrine idéaliste de David jusqu'à un âge avancé, Ingres fut le défenseur le plus solide des principes néo-classiques pendant les deux premiers tiers du XIXe s., s'opposant obstinément aux forces jaillissantes du Romantisme, dont l'apogée se situe après 1820, avec le jeune Delacroix. Bien que par le style et les sujets Ingres se soit constamment écarté du strict Néo-Classicisme, son œuvre officielle, en tant que représentant le plus vénéré de l'Académisme, perpétua cette croyance. De l'Apothéose d'Homère, confrontée au Salon de 1827 (Louvre) avec le Sardanapale de Delacroix (id.), jusqu'à sa peinture murale l'Âge d'or au château de Dampierre (1843-1847), Ingres s'efforça de lutter contre le changement survenu dans l'art au XIXe s. et d'y opposer sa foi dans l'idéal de beauté classique atteint par l'étude et la mise en forme minutieuse des sources antiques, la précellence du dessin sur la couleur et l'utilisation de compositions claires et symétriques. Ces principes se pétrifièrent inévitablement aux mains d'académiciens de moindre génie.
Prolongements du Néo-Classicisme
En réalité, dans le monde occidental, la vitalité du Néo-Classicisme s'était totalement épuisée après 1840, et les interprétations ultérieures du Classicisme — style et sujet — demeurèrent l'apanage de peintres académiques et conservateurs qui gardèrent une distance encore plus grande vis-à-vis des mouvements réaliste et impressionniste de la seconde moitié de leur siècle. Avec ces peintres, le Néo-Classicisme subit des variations mineures, entre autres la grandeur muette et sculpturale des héros et héroïnes grecs tels que nous les présente l'Allemand Anselm Feuerbach dans ses évocations nostalgiques (Iphigénie, 1869, Stuttgart, Staatsgal.), ou les pâles et fragiles visions de l'Arcadie classique dans les fresques crayeuses de Puvis de Chavannes (l'Été, Salon de 1873, musée d'Orsay) ou encore les scènes quasiment pornographiques où apparaissent Vénus et les nymphes, nombreuses, dans l'œuvre des peintres populaires du Salon, comme A. Cabanel (Naissance de Vénus, Salon de 1863, musée d'Orsay) et A. W. Bouguereau, ou enfin l'interprétation anecdotique de la vie quotidienne grecque ou romaine, reconstituée avec une exactitude cinématographique par des peintres tels que G. Boulanger, Gérôme, en France, ou L. Alma-Tadema et Leighton en Angleterre.
Dans un sens plus large, cependant, la tradition du Néo-Classicisme, qui avait paru s'éteindre avec la peinture académique, ressuscita sous une nouvelle forme avec des maîtres comme Seurat, Renoir, Cézanne et Matisse, qui entreprirent souvent de réinterpréter des sujets et des compositions classiques. Même dans l'art postcubiste de Braque ou de Picasso, ou chez de nombreux artistes moins importants, des sources aussi classiques que le décor des vases grecs et les fresques romaines, la littérature et la mythologie d'Hésiode à Ovide continuent d'être utilisées dans le cadre des conventions nouvelles qui régissent les styles du XXe s.