Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Poons (Larry)

Peintre américain (Tōkyō 1937).

Après des études musicales au New England Conservatory de Boston en 1955-1957, Poons entre à la School of Fine Arts de Boston, qu'il quitte six mois plus tard pour s'installer à New York. Autodidacte, il tente dans ses premières œuvres de transcrire des thèmes musicaux en dessins géométriques noir et blanc (Art de la Fugue, 1958). Rapidement, l'emploi de couleurs en vue d'effets optiques le pousse à utiliser un semis de taches colorées réparties mathématiquement sur un fond monochrome. Dans Orange Crush (1963, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.), les points de couleur bleu-vert, peints à l'huile sur un fond orange à l'acrylique, activent la surface et créent une sensation de vibration. À partir des années 70, redécouvrant l'importance du dripping de Pollock, Poons change d'orientation et réalise des œuvres en versant verticalement une peinture épaisse sur des toiles non tendues. Les couleurs se mélangent librement, créant des motifs en cascades (596, 1969, Toronto, coll. David Mirvish) ou en jaillissement (Polish Mix, 1970, Boston, M. F. A.). Ces compositions solides ont été qualifiées par Michael Fried de " bas-reliefs colorés ". Dans ses derniers travaux, Poons ajoute aux pigments du papier, du coton et d'autres substances végétales, accentuant ainsi l'aspect granuleux de la surface. Lié au mouvement " optical art " au début de sa carrière, il participa à de nombreuses expositions : The Responsive Eye, 1965, Systemic Painting, 1966, The Structure of Color, 1971. Son œuvre est présent dans les principaux musées américains ainsi qu'à la Tate Gal. de Londres et au Stedelijk Van Abbemuseum d'Eindhoven.

Poorter (Willem de)

Peintre néerlandais (Haarlem 1608  – ? apr. 1648).

Son activité est attestée à Haarlem entre 1635 et 1648 ainsi qu'à Wijk à partir de 1645. Après 1648, on perd sa trace. Dans ses premiers tableaux à sujets historiques ou mythologiques se décèle une nette influence du jeune Rembrandt et l'on suppose qu'il a été son élève dès le début de la période amsterdamoise ou même encore à Leyde avant 1632. Plus tard, Poorter se montre plus proche d'un Bramer, dont il partage le goût pour les allégories étranges, telle celle de la N. G. de Londres avec un bel effet de clair-obscur mystérieux. Dans le domaine de la nature morte, il s'est fait une spécialité avec des Vanités riches en drapeaux, cuirasses et autres objets de guerre (Rotterdam, B. V. B.), peintes souvent avec une rare délicatesse des tons et du clair-obscur.

pop art

Ce terme a été largement utilisé depuis 1960 pour désigner un style étroitement en rapport avec la culture de masse (mass media). Il dérive de l'expression " popular culture ", mais il est difficile de déterminer exactement quand et dans quelles circonstances il a été utilisé pour la première fois. La paternité en est généralement attribuée au critique anglais Lawrence Alloway, qui, dès 1952, participa, aux côtés d'artistes tels que Richard Hamilton, Eduardo Paolozzi et Reyner Banham, à la formation de l'Independent Group à l'Institute of Contemporary Art de Londres.

   De 1952 à 1956, ce groupe organisa à Londres plusieurs manifestations, parmi lesquelles Collages and Objects (1954), Man, Machine and Motion (1955) et surtout This is Tomorrow (1956), une exposition qui dégageait les thèmes majeurs du pop art (Marilyn Monroe, art publicitaire) et qui comprenait notamment le collage de Richard Hamilton Just what is that makes Today's Homes so Different, so Appealing ? (1956), condensé de toute l'iconographie et de l'attitude " pop " qui allait connaître un retentissement considérable.

   En 1958, Alloway formula les positions du groupe dans un article célèbre " The Arts and the Mass Media " (Architectural Design, Londres, février 1958), qui allait à l'encontre des idées émises par Clement Greenberg dans un essai écrit en 1939, Avant-Garde and Kitsch, où il soutenait que la culture de masse ne pouvait être qu'un ersatz.

   Parallèlement à l'évolution du pop art en Angleterre (qui allait se continuer dans les années suivantes avec l'apparition de nouveaux noms, tels que ceux de Richard Smith, Peter Blake, Peter Phillips et David Hockney, non plus associés avec l'Institute of Contemporary Art, mais avec le Royal College of Art) ; aux États-Unis, Jasper Johns et Robert Rauschenberg réintroduisaient dans la peinture — alors dominée par le lyrisme de l'Expressionnisme abstrait — la représentation (ou l'usage direct) d'objets réels et familiers (Jasper Johns : Flag on Orange Field, 1957, Cologne, W.R.M. ; Rauschenberg : Charlene, 1954, Amsterdam, Stedelijk Museum). D'autre part, vers la fin des années 50 à New York, une série de manifestations eurent lieu, non directement liées à la production d'objets visuels : les " happenings " d'Allan Kaprow, de Jim Dine, de George Brecht, de Whitman et de Claes Oldenburg introduisirent cependant une sensibilité aiguë à un monde d'images directes, violentes et simples, du même ordre que celles qui allaient faire la fortune des grands noms du pop art à partir de 1960.

   Cette année-là eut lieu chez Martha Jackson l'exposition New Forms, New Media et un an plus tard dans la même galerie l'exposition Environment, Situation, Space. Quelques critiques, marchands et collectionneurs, parmi lesquels Gene Swenson, Richard Bellamy, Leo Castelli et Robert et Ethel Scull, s'intéressèrent alors au nouveau mouvement, représenté principalement, en dehors de Johns et de Rauschenberg, par Warhol, Lichtenstein, Rosenquist, Wesselmann, Oldenburg, Dine et Indiana.

   S'il est difficile de parler d'esthétique commune à propos de ces artistes, du moins peut-on affirmer qu'ils partagèrent à cette époque des attitudes assez semblables, qui permirent de les rapprocher malgré des différences considérables, qui n'ont fait que s'accentuer depuis.

   La réhabilitation de l'image prit chez eux les formes les plus variées. Rosenquist et Wesselmann puisèrent leurs sujets dans la vie quotidienne, dont ils recomposèrent les éléments selon leur convenance. Alors que le premier, par son usage du très grand format, se tournait de plus en plus vers une sorte d'abstraction (F-111, 1965), le second adoptait pour sa part un art sériel, ainsi qu'en témoignent ses nombreuses variations sur le " grand nu américain ". Lichtenstein s'inspira du langage des bandes dessinées, Indiana de celui des signes et des mots clés de la civilisation américaine, et Warhol fonda la puissance de ses images sur la répétition d'un thème aussi banal et quotidien que possible.

   Stylistiquement, la situation était aussi diverse que possible. Aux lourds empâtements de Dine s'opposaient le colorisme " hard edge " d'Indiana et l'aspect propre, lisse et brillant des compositions de Wesselmann ; aux procédés mécaniques de transposition photographique sur toile (ainsi que le pratiquait Warhol), la lente et patiente technique d'un Lichtenstein. Mais, d'une façon générale, la présentation plutôt raide et brillante de motifs empruntés à la vie courante situait cet art " new-look " en opposition avec les maniérismes de la génération précédente.

   En utilisant — directement ou pas — des images de la vie quotidienne, les artistes pop durent affronter les techniques de collage et d'assemblage, telles que les surréalistes et, avant eux, les cubistes les avaient déjà pratiquées. En 1961, une très importante rétrospective au M. O. M. A. de New York fit le point sur les diverses tendances et les multiples possibilités des techniques hybrides. The Art of Assemblage fut en fait autant une mise à jour qu'un point de départ. Non seulement les " ancêtres " cubistes, futuristes, dada ou surréalistes figuraient côte à côte avec Johns et Rauschenberg, mais de plus jeunes artistes étaient également représentés. Parmi eux, certains, tels Kienholz, Connor, Samaras, Stankiewicz, Bontecou, occupèrent par la suite une place non négligeable dans la vie artistique américaine.

   The Art of Assemblage fut l'une des premières manifestations qui restituèrent les œuvres de la nouvelle génération dans un contexte plus amplement historique. Lorsque les premières productions pop arrivèrent dans les galeries, elles furent en effet reçues avec stupéfaction par le public comme par les critiques. Certains d'entre eux, tels Max Kozloff, Gene Swenson, Leo Steinberg, Robert Rosenblum, furent cependant des observateurs attentifs — en particulier de l'œuvre de Jasper Johns — et s'attachèrent à montrer les liens de ces œuvres avec l'Expressionnisme abstrait ainsi que la cohérence interne. Plus généralement, à partir de l'époque de l'exposition The Art of Assemblage, toute une tendance de la critique américaine a souligné le caractère traditionnel du pop art en définissant l'insertion logique de ce groupe dans le développement d'une école artistique proprement américaine après la Seconde Guerre mondiale. L'importance de figures intermédiaires entre l'Expressionnisme abstrait et le pop art, comme celle de Larry Rivers, a alors été justement soulignée. En effet, les artistes pop ont fait revivre un aspect déjà ancien de l'art américain, apparenté idéologiquement à certains éléments de l'Ash-can School et visuellement aux meilleurs peintres de la vie américaine, tels que Hopper et surtout Stuart Davis. Si le contenu de l'œuvre avait certes des affinités avec celles des années 1920 à 1940, les techniques, en particulier l'agrandissement d'un objet familier jusqu'à des proportions gigantesques, étaient en quelque sorte des allusions aux moyens de la grande peinture abstraite (à laquelle Lichtenstein rendit un hommage ironique dans la série des Brushstrokes en 1965).

   Le caractère du dessin est tellement affirmé que les peintres d'objets, comme on les appelle parfois, ont abandonné avec bonheur le symbole au profit de l'image explicite, qu'ils ont dépouillée de ses références anecdotiques. Les sculpteurs George Segal, Robert Watts, Red Grooms, Richard Artschwager peuvent directement ou indirectement être rattachés au mouvement pop. Sur la côte ouest, dont l'héritage de vulgarité commerciale est encore plus lourd, une école californienne, la West Coast School, s'est développée en accord avec les mythologies locales. Billy Al Bengston, Mel Ramos, Edward Ruscha, Wayne Thiebaud et Joe Goode sont les principaux représentants de ce mouvement dans la région de Los Angeles.

   En Europe continentale, des mouvements parallèles se développaient — surtout en France et en Italie —, mais on ne saurait assimiler le " Nouveau Réalisme " (ainsi que l'a défini Pierre Restany) à la brutalité directe du pop art.

   La vitalité du pop art ne s'est pas démentie au cours des années. Des mouvements récents comme le Funk Art, apparu surtout dans la région de San Francisco, voire l'art conceptuel doivent beaucoup de leur démarche à l'attitude pop.