Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

cinabre

Sulfure rouge naturel de mercure. Le cinabre des Anciens, ou vermillon naturel, se trouve encore dans certaines carrières d'Italie. Il est d'un beau rouge de cochenille. Ancien nom du minium, ou oxyde rouge de plomb.

   Selon Cennino Cennini, cette couleur s'obtenait en broyant du blanc de Saint-Jean (une partie) et de la sinopia, ou oxyde de fer (deux parties), et s'employait principalement dans la fresque.

cinéma et peinture

L'avant-garde allemande et française

Dès 1915, Marinetti, en Italie, qui venait de lancer les manifestes du Futurisme, rangeait le cinéma au nombre des nouveaux moyens d'expression, réclamant pour lui une place au soleil. Mais la plupart des artistes et des intellectuels étaient encore réticents : le cinéma leur paraît relever davantage de l'exhibition foraine que d'une création véritablement inspirée. Quelques années plus tard, cependant, dans un grenier de la Chaussée-d'Antin à Paris, naît le Club des amis du 7e art sous la houlette de Riciotto Canudo, qui rassemble des personnalités aussi marquantes que les peintres Picasso, Léger, La Fresnaye, les musiciens Stravinski, Ravel, les écrivains Cendrars, Apollinaire. À l'image de ce premier club, d'autres se forment, en Europe notamment. Lieux de rencontre entre artistes, ils favoriseront les recherches que d'aucuns mènent déjà individuellement. Certains peintres appartenant au mouvement dada ou surréaliste seront tout naturellement enclins à s'intéresser à l'image cinématographique, qui leur ouvre le domaine inexploré de l'abstraction dynamique ou du rêve insolite.

   Les premières manifestations ont lieu en Allemagne, où le peintre d'origine suédoise Viking Eggeling, qui avait fréquenté Arp, Friesz, Kisling, Derain, et avait participé avec enthousiasme au dadaïsme, cherche à résoudre certains problèmes rythmiques dans la peinture. En 1918, grâce à Tzara, il rencontre à Zurich un autre peintre dadaïste, Hans Richter. Tous deux seront à l'origine de l'avant-garde cinématographique allemande. Eggeling tourne successivement Vertikal-Horizontal Mass (1919), peinture abstraite animée faite de spirales et de dents de peigne, puis Vertikal-Horizontal Symphonie (1920) et Diagonale Symphonie (1920). Richter, dans Rythm 21 (1921), organise un véritable ballet de carrés et de rectangles et approfondit ses travaux dans Rythm 23 et Rythm 25. Quelque vingt ans plus tard, Richter, dans Dreams that Money can buy (Rêves à vendre), s'assurera le concours de Fernand Léger, de Max Ernst, de Marcel Duchamp, de Man Ray et de Calder pour réaliser un film des plus curieux, dont l'objectif était de " libérer l'homme en atteignant à une surréalité irréductible au monde de la logique et de la conscience claire et qui naîtrait d'une utilisation des possibilités cinématographiques strictement lyrique et créative d'insolite ".

   Outre Eggeling et Richter, un autre peintre, Walter Ruttmann, s'intéresse à la même époque à des recherches visuelles et rythmiques avant de bifurquer vers le documentaire, fortement influencé par les théories du cinéma-œil du Soviétique Dziga Vertov. Dans des Opus I à IV (1923-1925), Ruttmann anime des signes géométriques qui rappellent la photographie, aux rayons X et, dans les Nibelungen (1924) de Fritz Lang, il intercale un épisode expérimental (le Rêve des faucons) : une danse muette de figures héraldiques abstraites. Disciple de Ruttmann, Oskar Fischinger étudie les rapports de l'image, de la musique et de la couleur (Studie 1 à 12 ; 1928-1932 ; Komposition in Blau, 1933). Dans Motion Painting n° 1 (1949), il invente une " sorte de tapisserie en couleurs composée de très petits motifs plastiques sur plusieurs plans, les nouveaux venant recouvrir les précédents en les laissant subsister comme des souvenirs plus ou moins visibles, en tout cas présents sous l'accumulation de motifs nouveaux ". En regard des recherches sévères de l'école allemande, l'avant-garde française apparaît placée sous le signe de l'ironie et de l'étrangeté, que les films soient dus au talent du peintre Fernand Léger (le Ballet mécanique, 1924), à celui du photographe Man Ray (Emak Bakia, 1927 ; l'Étoile de mer, 1928) ou à celui des jeunes cinéastes René Clair (Entr'acte, 1924, réalisé d'après un scénario de Picabia) et Germaine Dulac (la Coquille et le clergyman, 1928). Prenant le relais du Dadaïsme, le Surréalisme influence les metteurs en scène épris de nouveauté et d'étrangeté. Luis Buñuel, avec Un chien andalou (1928) et l'Âge d'or (1930), dont les scénarios ont été écrits en collaboration avec Salvador Dalí, signe deux œuvres qui n'ont pas trouvé tout de suite une approbation publique unanime — on connaît les remous et les scandales provoqués par le passage de ces films dans les salles où ils furent programmés —, mais qui resteront néanmoins dans l'histoire du cinéma comme les meilleurs exemples d'un Surréalisme totalement libre des contraintes quelles qu'elles soient, une sorte de cocktail explosif où l'onirisme, la psychanalyse et l'anarchisme se mêlent au jaillissement spontané d'une poésie insolite.

Le dessin animé

Les progrès du dessin animé vont permettre, notamment après 1940, à certains artistes peintres, dessinateurs, caricaturistes, de donner la pleine mesure de leurs talents. Déjà Emile Cohl, J. S. Blackton et Winsor McCay, les pionniers de l'animation, avaient été avant tout des dessinateurs. La lutte d'un Walt Disney contre l'académisme sera bénéfique pour le graphisme aussi bien aux États-Unis que dans différents pays d'Europe (particulièrement en Tchécoslovaquie, en Pologne et en Yougoslavie). L'influence de la peinture moderne (Klee, Miró, Kandinsky), le trait de plume de dessinateurs comme Steinberg ou Thurber conduisent certains animateurs réunis autour de Stephen Bosustow à inventer un univers nouveau où la simplicité de la forme, le triomphe de l'anguleux sur le sphérique, la prédominance du 1 sur le 0, le traitement acide des couleurs remplacent avantageusement le réalisme anthropomorphique qui avait jusqu'alors exercé une constante domination dans l'animation mondiale.

   Parmi tous les chercheurs, une place à part doit être faite au Canadien Norman McLaren, qui s'impose petit à petit comme le plus grand des magiciens de l'animation, essayant et inventant des techniques nouvelles : pastel animé (Là-haut sur les montagnes, 1946), dessin direct sur pellicule (Blinkity Blank, 1954), films en relief stéréoscopique (Now is the Time, Around is around, 1951), animation image par image de personnages humains (les Voisins, 1953), d'objets (Histoire d'une chaise, 1957), de chiffres (Rythmetic, 1956), abstractions géométriques (Mosaïques, 1965), gouaches stylisées (le Merle, 1958).

   Selon McLaren, " l'animation n'est pas de mettre les dessins en mouvement, mais des mouvements dessinés. Ce qui se passe entre deux images est plus important qu'aucune image. L'animation est l'art de bien savoir traiter les intervalles invisibles existant entre les images ".

   À la suite des recherches de l'école abstraite allemande et de celles de McLaren, de nombreux artistes, comme Mary Ellen Bute, John et James Whitney, le peintre abstrait Robert Breer, Carmen d'Avino, Teru Murakami, Andy Warhol et les cinéastes expérimentaux " underground " américains, se sont orientés vers des expériences diverses, traçant la voie d'un art cinétique de plus en plus élaboré.

   En France, un peintre comme Robert Lapoujade ne se contente pas de l'animation pure, mais il l'insère dans les péripéties d'un film de fiction (le Socrate, 1968), jouant avec la couleur naturelle des objets, qu'il renforce ou atténue à l'aide de poudres spéciales ; le peintre se sert ainsi du film exactement comme d'une toile aux mille facettes kaléidoscopiques, qu'il modifie à son gré.

Les décorateurs

La confection des décors permet pour certains films une véritable collaboration entre le peintre — ou l'architecte — et le réalisateur. Parfois même, c'est le décor qui prend une importance primordiale dans l'élaboration d'un film : ce fut le cas notamment pour les œuvres qui se rattachent au courant expressionniste allemand des années 20. L'expressionnisme cinématographique a été fortement influencé par l'expressionnisme pictural (Kokoschka, Klein, Kubin, Nolde) et il ne faut pas s'étonner de rencontrer parmi les grands décorateurs de l'époque une majorité de peintres. Le symbolisme des formes devait exprimer les états d'âme des personnages et en restituer tous les drames. Peu à peu, les décors de toile peinte (le Cabinet du docteur Caligari) ont fait place à des décors moins stylisés, plus réalistes, mais où les jeux d'ombre et de lumière gardaient néanmoins une place de choix. L'influence expressionniste, loin de se limiter à une période relativement courte, a profondément marqué des cinéastes comme Josef von Sternberg, Orson Welles, Marcel Carné.

   Les grands décorateurs expressionnistes furent Hans Poelzig, Rochus Gliese, Hermann Warm, Walter Röhrig, Walter Reimann, Kurt Richter, Robert Herlth, Erich Kettelhut, Otto Hunte, Karl Vollbrecht.

   En France, Marcel L'Herbier, dans l'Inhumaine (1924), fait appel à Alberto Cavalcanti, à Claude Autant-Lara, à l'architecte Robert Mallet-Stevens et au peintre Fernand Léger. Lazare Meerson, en utilisant le verre, le fer, le ciment, révolutionne entièrement les traditions. Parmi les autres grands noms des décorateurs du cinéma international, il faut citer Georges Wakhevitch, Alexandre Trauner, Hiroshi Mizutani, Cedric Gibbons, Ievgueni Ieneï, Serguei Kozlovski, Eugène Lourié, Erik Aaes, André Barsacq, Andreï Andreiev, Max Douy, Hans Dreier, Jean d'Eaubonne, Mario Garbuglia, Piero Gherardi, Tony Masters, Danilo Donati, Bernard Evein, Roman Mann, Jacques Saulnier.