Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Gorky (Vosdanig Adoian, dit Arshile)

Peintre américain (Hayotz Dzore, Arménie turque, 1904  – Sherman, Connecticut, 1948).

De son vrai nom Vosdanik Adoian, il échappe au génocide arménien et émigre aux États-Unis en 1920. Il s'installe v. 1925 à New York, étudie, puis enseigne à la Grand Central School of Art. Il se lie d'amitié avec Stuart Davis et, en 1929, avec Willem De Kooning. Son œuvre est alors fortement influencé par Cézanne (Autoportrait à l'âge de 9 ans, v. 1927, Los Angeles, coll. part.) puis surtout par Picasso, en particulier par les intérieurs d'ateliers des années 1927-28 ; il reste cependant d'une facture plus lâche et plus dynamique que les contours durs et linéaires de son modèle à cette époque : l'Artiste et sa mère (1926-1936, New York, Whitney Museum). Des allusions de formes organiques ou anatomiques, cultivant une savante ambiguïté, s'y mêlent de plus en plus volontiers, particulièrement à la fin des années 30 : Jardin à Sochi (1941, New York, M. O. M. A.). En 1942, la rencontre de Matta et deux ans plus tard celle d'André Breton et des surréalistes ont un impact décisif sur son évolution. Les techniques de l'automatisme, l'exemple de Matta et, plus encore, celui de Miró, dont il reprend les figures biomorphiques, lui permettent de trouver sa voie. C'est alors à propos de ses images allusives nées de l'inconscient comme des archétypes ou des symboles primitifs aux implications sexuelles plus ou moins évidentes que Breton prononcera le mot hybrides. Combinant la figuration et l'automatisme gestuel, Gorky peut être considéré à la fois comme un exemple ultime du Surréalisme — il est le dernier à être accepté comme membre du groupe — et le premier représentant de l'Expressionnisme abstrait (le Foie et la crête du coq, 1944, Buffalo, Albright-Knox Art Gal. ; l'Eau du moulin fleuri, 1944, New York, M. O. M. A.). Au lieu d'une peinture grasse, il use alors de lavis aux tonalités pâles, traversés par une calligraphie fluente évoquant une vie organique secrète. Un des meilleurs tableaux de cette période est le Landscape Table (1945, Paris, M. N. A. M.). Dans les dernières œuvres, les formes se font plus dures, menaçantes, acérées ou dilacérées : Agony (1947, New York, M. O. M. A.). Ce climat dramatique correspond à une série de malheurs qui s'abattent sur lui : un incendie de son atelier détruit 27 toiles en 1946 et, l'année suivante, il tombe gravement malade. Il choisit alors de se suicider en 1948. Ses œuvres sur papier (1929-1947) ont été présentées à Marseille (Vieille Charité) en 1991 et la N. G. de Washington a présenté une exposition Gorky et la naissance de l'abstraction en 1994. Une rétrospective a été présentée (Lisbonne, Fondation Gulbenkian) en 1996 et à Fort Worth, (M. O. M. A.) la même année.

Gossaert (Jan) , dit Mabuse

Peintre des Pays-Bas (Maubeuge v.  1478  – Middelburg ? 1532).

On ignore où il fit son apprentissage mais il pourrait avoir été formé à Malines. En 1503, 1505 et 1507, il est inscrit comme maître à la gilde d'Anvers. En 1508-1509, Gossaert voyage à Rome en compagnie de Philippe de Bourgogne, bâtard de Philippe le Bon : plusieurs dessins (Berlin, Leyde, Venise) témoignent du regard qu'il porte dès cette date sur la sculpture antique. L'année suivante, l'artiste se fixe à Middelburg, travaillant pour le château de Soubourg, en Zélande, qui appartenait à ce prélat. De cette période datent un diptyque avec la Vierge et l'Enfant et Antonio Siciliano présenté par saint Antoine (Rome, Gal. Doria-Pamphili), le Triptyque Malvagna (au centre : la Vierge et l'Enfant avec des anges musiciens, Palerme, G. N.) et aussi l'Adoration des mages (Londres, N. G.). On a supposé son intervention dans trois des miniatures du bréviaire Grimani (Venise, Bibl. Marciana), la Trinité, la Pentecôte et la Dispute de sainte Catherine d'Alexandrie, cette dernière portant l'inscription GOSART. Toutes sortes d'influences apparaissent dans ces œuvres, qui témoignent d'emprunts à l'art du XVe s., à Van Eyck, à Dürer, aux peintres italiens ; dans Saint Luc peignant la Vierge (1515, musée de Prague), architecture classique et ornements gothiques se mêlent. En 1516, Gossaert participe aux travaux de décorations du cortège funèbre de Ferdinand le Catholique et, en 1517, il exécute à Malines le Portrait de Jean Carondelet priant la Vierge (diptyque, Louvre) et celui de plusieurs gentilshommes. À cette date, il réside à Wiljklez-Duurstede, sur le Rhin, où s'est fixé Philippe de Bourgogne, devenu évêque d'Utrecht en 1517, et où il travaille jusqu'à la mort de son protecteur, en 1524. Ses tendances humanistes s'accentuent sous l'influence de ce mécène et de sa cour et il introduit dans la peinture septentrionale, comme le soulignait dès 1567 L. Guicciardini, les sujets mythologiques et avec eux la nudité héroïque : Neptune et Amphitrite (1516, Berlin), Hercule et Déjanire (1517, Birmingham, Barber Inst. of Arts), la Métamorphose d'Hermaphrodite et de la nymphe Salmacis (1520, Rotterdam, B. V. B.), Vénus et l'Amour (Bruxelles, M. R. B. A.) sont des compositions qui appartiennent nettement à la Renaissance. Des tableaux religieux datés entre 1517 et 1524, seuls deux vraiment importants subsistent : la Vierge avec saint Luc (Vienne, K. M.) et le retable commandé par le banquier Pedro de Salamanca pour sa chapelle dans l'église des Augustins à Bruges (1521).

   De retour à Middelburg (1525), l'artiste entre au service d'Adolphe de Bourgogne, marquis de Veere, seigneur de Zélande, chez qui il vit désormais. En relation avec Christian II de Danemark, il peint les Trois Enfants de Christian II (Hampton Court) et dessine entre 1526 et 1528 un projet pour la tombe d'Isabelle d'Autriche, épouse du monarque. De ces dernières années datent encore de nombreuses Vierges à l'Enfant (Metropolitan Museum ; Prado ; Mauritshuis ; Bruxelles, M. R. B. A.), une Danaé (1527, Munich, Alte Pin.), un Christ, homme de douleur (id., auj. perdu), œuvres d'exécution très soignée, comme le sont les portraits (Portraits d'hommes : musée de Kassel ; Londres, N. G. ; Manchester, New Hamp., Currier Art Gal. ; Washington, N. G. of Art ; Berlin ; Portrait d'un couple âgé, Londres, N. G.).

   Gossaert a occupé une place très importante dans l'art des Pays-Bas, où, au début du XVIe s., il a introduit l'esprit et les formes de la Renaissance italienne. Il reste cependant un peintre de transition influencé toujours par la tradition nordique ; même si dans ses dessins, par exemple, il s'efforce de traiter les thèmes et d'employer, les formes de la Renaissance italienne, son graphisme très nerveux et minutieux demeure dans le ton du maniérisme gothique septentrional et subit l'influence décisive de Dürer. Il faut attendre son élève Lambert Lombard pour voir chez un artiste du Nord s'établir la conviction absolue de la primauté de la Renaissance.

   Le catalogue de Gossaert, très important, comprend plus de 80 tableaux et une importante série de dessins, conservés dans des collections publiques ou privées d'Anvers, de Berlin, de Birmingham, de Bruxelles, de Cambridge (Mass.), de Detroit, de Hambourg, de Houston, de La Haye, de Lisbonne, de Londres, de Madrid, de New York, de Nuremberg, de Toledo, de Washington.