Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Dorigny (Michel)

Peintre français (Saint-Quentin 1617  – Paris 1665).

Il entre comme apprenti pour 5 ans chez Georges Lallemant en 1630 et il fait partie de l'atelier de Vouet au plus tard en 1638. Il est tentant de placer dans l'intervalle un séjour en Italie, mais aucun document ne le prouve. La confiance que lui manifeste Vouet, dont il deviendra le gendre en 1648, atteste en tout cas une solide formation et de réelles aptitudes. Dorigny fut reçu académicien en 1663 et devint professeur un an après. Les tableaux certains ou que l'on peut lui attribuer raisonnablement (Pan et Syrinx, Louvre ; Christ en croix, id. ; Annonciation, Offices ; les Quatre Saisons, musée de Glasgow ; Grossesse de Callisto et Diane et Actéon, musée du Petit Palais à Paris) montrent un style dérivé de celui de Simon Vouet, avec cependant des traits bien personnels, surtout dans le coloris, tandis que l'ensemble décoratif du château de Vincennes (Pavillon de la Reine, entrepris en 1660), fort détruit, mais dont quelques fragments sont conservés au Louvre (les Quatre Parties du Monde, la Tempérance, la Force et la Prudence), témoigne d'un goût certain pour les compositions claires et monumentales. Il contribue en outre à la décoration de plusieurs châteaux (Colombes, aujourd'hui à la mairie de Port-Marly, attribué à Vouet au moment de sa découverte) et grands hôtels parisiens (plafonds au palais Mazarin, B. N., cabinet des Estampes, et à l'hôtel Lauzun, in situ). De mieux en mieux connu, l'œuvre de Dorigny révèle un artiste important. Le musée historique de Vincennes conserve de cet artiste une importante série de dessins en relation avec les plafonds du château neuf de Vincennes. De plus, sous la direction du maître, Dorigny a gravé avec une fidélité digne d'éloges la plupart des œuvres de Vouet, dont beaucoup, les compositions décoratives en particulier, sont malheureusement détruites aujourd'hui.

Dosso Dossi (Giovanni Luteri, dit)

Peintre italien (Pieve di Cento, près de Bologne, vers 1480  – Ferrare vers 1542).

La véritable patrie de Dosso fut Ferrare, où il tint entre 1522 et 1540 un rôle capital à la cour d'Alphonse Ier et d'Hercule II d'Este. L'Arioste le célébra dans son Orlando furioso. Selon Vasari, c'est de Costa, l'artiste le plus réputé en Émilie v. 1500, qu'il reçut son premier enseignement ; mais, assez vite, à la suite de plusieurs voyages à Venise, il se situa comme disciple de Giorgione, aux côtés de Palma Vecchio ou de Titien, avec qui il se rendit à Mantoue (1519) et admira les peintures de Mantegna pour le Studiolo d'Isabelle d'Este. Au cours de ces années, tout son effort tendit à effacer progressivement ses liens avec l'Émilie et à assimiler l'art vénitien. En raison des recherches de clair-obscur, de dynamisme dans la composition, ses Saintes Conversations (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson ; Rome, Gal. Capitoline) sont comparables aux œuvres équivalentes de Titien et de Cariani. Plus éclectique, sa Bacchanale du château Saint-Ange à Rome dénote des références à l'Antiquité et aux modèles romains, Michel-Ange et Raphaël. Le goût des peintures de petites dimensions prédomine durant cette période. Dosso, qui adopta presque exclusivement l'huile, est un coloriste raffiné chez qui les verts et les ors ont un éclat particulier. Sa fantaisie imaginative et son idéalisme s'expriment dans de nombreuses peintures mythologiques, telles que sa Mélissa (ou Circé [ ?], Rome, Gal. Borghèse), Pan et Écho (Los Angeles, The J. P. Getty Museum), le Départ des Argonautes (Washington, N. G.), les Scènes de l'Énéide (Ottawa, N. G., et Birmingham, Barber Inst. of Arts), Jupiter et Mercure (Vienne, K. M.), qui révèlent un idéal poétique proche de celui de Giorgione.

   À partir de 1522 et de la Madone avec saint Georges et saint Michel pour le maître-autel du dôme de Modène (Gal. Estense), première œuvre documentée avec certitude, Dosso s'écarte de la production contemporaine de Titien, par exemple, aux Frari, et laisse davantage s'exprimer un sens lyrique de la nature et une fantaisie bien personnels, tout en accentuant un style ample, plus influencé par le goût romain. Le Saint Jérôme (Vienne, K. M.) est la seule œuvre signée du peintre. De nouvelles recherches sur la disposition des formes dans l'espace et des effets de texture apparaissent dans les portraits, d'un réalisme toujours direct : Portraits d'hommes (Louvre  ; Stockholm, N. M.). Dosso se distingua également comme fresquiste, notamment au palais de Trente (1532, Camera del Camin Nero), où il s'inspira des Sibylles de la Sixtine, et dans les villas autour de Ferrare, décorées sur l'initiative d'Hercule II (villas Belvedere, Belriguardo). En 1530-31, il termina le grand polyptyque de Saint André à Ferrare, laissé inachevé par Garofalo, devenu aveugle (P. N.). La dernière phase de son activité picturale s'ouvre avec la grande Immaculée Conception (1532, peinte pour Modène, Dresde, Gg, détruite pendant la guerre). L'artiste s'aligne alors sur les recherches maniéristes, qui se généralisent en Italie centrale : sa palette s'assombrit et le contenu métaphysique de sa peinture, qu'envahissent d'étranges figures, s'intensifie (Saint Côme et saint Damien, Rome, Gal. Borghèse). Mais il continue à peindre des compositions allégoriques ou mythologiques qui accordent une large place aux paysages fantastiques (Apollon et Daphné, Rome, Gal. Borghèse ; Circé, Washington, N. G. ; Diane et Callisto, Rome, Gal. Borghèse). Un important voyage à Pesaro, où l'artiste laissa à la Camera delle Cariatide (villa Imperiale) une décoration exquise, pourrait se placer en 1537-38. Le rôle de Dosso s'amenuise considérablement, au profit de son frère Battista, dans ses dernières années. La dernière mention documentée le concernant atteste sa présence à Venise en 1542.

   Avec Parmesan, Dosso Dossi domina l'art de la maniera en Émilie. Girolamo da Carpi et Nicolò Dell'Abate furent les deux plus grands bénéficiaires de cette double influence. À Crémone, l'audience de l'artiste fut considérable auprès de paysagistes plus jeunes, comme les frères Campi, Camillo Boccaccino, Sofonisba Anguissola. Giulio Romano lui-même n'aurait pas échappé à l'attrait des paysages fantastiques de Dosso.

 
Son frère Battista di Lutero, dit Battista Dossi (Ferrare apr. 1490 – id. 1542) , travailla beaucoup avec lui à Ferrare, mais il n'eut pas son originalité et semble avoir été davantage attiré par l'art de la grande Renaissance, dont il put s'imprégner à Rome, où il travailla chez Raphaël jusqu'à la mort du maître (1520). Sa première œuvre documentée est une Nativité (Modène, Gal. Estense, 1536), mais il était déjà alors réputé comme peintre religieux et comme décorateur (château de Trente, villas ferraraises). Il est représentatif des artistes de cour du XVIe s., fournissant des projets d'orfèvrerie, de chars d'apparat, de médailles et de nombreux cartons de tapisserie, tels ceux du Louvre.