Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Botticelli (Alessandro Filipepi, dit Sandro) (suite)

L'influence de Botticelli

L'influence de Botticelli sur ses contemporains ne fut pas en rapport avec la très haute qualité de sa peinture. Seul son jeune élève Filippino Lippi comprit son style aristocratique et difficile. Ses autres imitateurs florentins (par exemple Jacopo del Sellajo, Bartolomeo di Giovanni, qui collabora avec lui pour les Cassoni de l'histoire de Nastagio degli Onesti, au Prado) saisirent mal son art et traduisirent les cadences fluides de la ligne, l'enchevêtrement de ses corps en maladroits schémas mécaniques. Botticelli n'exerça aucune attraction sur les artistes des débuts du XVIe s., attirés désormais par la " manière nouvelle ", proposée à Florence même par Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël. Dans le domaine des arts figuratifs, il avait été l'interprète singulier de cet humanisme aristocratique qui se rattachait à la société des Médicis, de cet idéalisme poétique opposé à l'art bourgeois de Ghirlandaio et au réalisme fantastique de Piero di Cosimo.

   Longtemps oublié, il devait être redécouvert à la fin du XIXe s., suscitant, en particulier dans l'intelligentsia britannique, des préraphaélites aux artistes de l'Art nouveau, une admiration passionnée qui lui avait été refusée à la fin de sa vie.

Botticini (Francesco)

Peintre italien (Florence 1446  – id. 1498).

La seule œuvre qui soit attestée par un document et qui servit de base à la reconstitution de sa personnalité est une tardive et médiocre " pala " d'autel (Tabernacle du saint sacrement), commandée en 1484 pour la cathédrale d'Empoli, mise en place en 1491, mais terminée beaucoup plus tard par le fils de l'artiste, Raffaello (auj. au musée d'Empoli). Elle met en lumière les influences successives de Verrocchio et de Pollaiolo, puis de Botticelli et de Ghirlandaio. Dans le chef-d'œuvre de Botticini, les Trois Archanges (v. 1470, Offices), les formes nettes sont imprégnées d'une lumière claire et baignent dans une atmosphère d'une douceur déjà botticellienne. Parmi les nombreuses œuvres qui lui sont attribuées, on peut considérer comme certaines la Madone avec des saints, (Paris, musée Jacquemart-André, 1471), l'Assomption peinte pour Matteo Palmieri vers 1475 (Londres, N. G.), où se déploie une large vue de Florence et Fiesole, l'Assomption (détruite, anciennement à Berlin, K. F. M.), la Madone en gloire (Louvre) et la Pala de sainte Monique (Florence, S. Spirito).

Boucher (François)

Peintre français (Paris 1703  –id. 1770).

Il fit une carrière brillante, connut tous les honneurs, reçut d'incessantes commandes royales et jouit de l'amitié de nombreux amateurs (outre Mme de Pompadour, citons Tessin, ambassadeur de Suède à Paris, le duc de Chevreuse, l'abbé de Saint-Non, le banquier Eberts ou le garde des Joyaux Blondel d'Azaincourt, qui possédait 500 dessins de l'artiste) ; et pourtant, dès 1760, le public du Salon ne se presse plus autour de cet art élégant qui lui semble facile et qui ne l'émeut pas (v. le Salon de Diderot de 1763). Dès lors, la critique boude l'artiste pour un siècle. Au moment où l'impératrice Eugénie réinvente un XVIIIe s. à son goût, Thoré Bürger et les Goncourt en redécouvrent le peintre le plus représentatif. Une série de livres paraît à la charnière du XIXe s. et du XXe s. : Mantz, Michel, Nolhac, Kahn, Fenaille remettent le peintre en honneur et donnent bonne conscience à un public qui l'a toujours apprécié. La monographie de G. Brunel et l'exposition (New York, Detroit, Paris, 1986-1987) ont permis de mesurer l'importance du peintre admiré de Chardin, Oudry et David.

La jeunesse (1720-1735)

Fils d'un obscur ornemaniste et marchand d'estampes (Nicolas Boucher), il passe v. 1720 dans l'atelier de F. Lemoyne, dont il reprendra la leçon colorée à côté de celle, plus imprécise, des Italiens. Mais sa première formation reste celle d'un illustrateur : pour gagner sa vie, le jeune artiste entre dans l'atelier de J. F. Cars (père de Laurent, qui travaillera longtemps pour Boucher) et fournit des vignettes de thèses, participe à l'Histoire de France de Daniel gravée par Baquoy. Ces travaux lui valent d'être choisi par le collectionneur Jullienne pour reproduire les Figures de différents caractères de paysages et d'études de Watteau (1726-1728). Entre-temps, Boucher obtient le premier prix à l'Académie (Evilmérodach délivre Joachim prisonnier de Nabuchodonosor, 1723, perdu). Au retour d'un séjour en Italie (1728-1731 ?) dont on sait peu de choses, il épouse Marie-Jeanne Buseau qui lui servira très souvent de modèle, continue de publier des gravures (Molière, 1734-1737 ; Cris de Paris, 1737), et commence à recevoir de grandes commandes (modèles des Fêtes italiennes commandées par Oudry pour la manufacture de Beauvais, 1734). Ces premières années sont toutes consacrées au dessin, à la copie et à la gravure qui lui donnent une facilité qui lui permet, d'emblée, d'affirmer son talent dans la diversité que sert une incroyable puissance de travail ; et, sa carrière durant, l'artiste ne cessera de fournir des dessins à des éditeurs, participant au Boccace de 1757, au Rodogune de 1760 et à l'Ovide de 1767.

L'apogée (1736 – v.  1760)

Sa réception à l'Académie (Renaud et Armide, 1734, Louvre) inaugure pour lui une longue carrière officielle de professeur (1737), directeur de l'Académie et premier peintre du roi (1765). C'est une période d'intense activité pour l'artiste, qui partage son temps entre les manufactures royales, les décors de théâtre et d'opéra, les commandes du roi et de Mme de Pompadour et celles, moins importantes, de ses amis amateurs. Les manufactures sont Beauvais, dirigée par Oudry depuis 1734, et les Gobelins, dont Boucher devient inspecteur (1755-1765). Dès 1736, il entreprend une série de Pastorales en 14 pièces ; en 1739, c'est l'Histoire de Psyché (Psyché recevant les honneurs divins, musée de Blois). La fiction et l'invraisemblance du sujet lui assurent un succès immédiat (entre 1741 et 1770, l'Histoire de Psyché est reprise huit fois pour le roi de Suède, pour celui de Naples, pour l'ambassadeur d'Espagne...). Boucher montre ici une réelle originalité, transformant l'art grandiose de Le Brun en une décoration où la mise en page est volontairement décentrée, où courbes et contre-courbes jouent sur des perspectives très étudiées, où enfin les coloris pâles se trouvent beaucoup plus proches de l'effet obtenu par les soieries que ceux de J.-B. Oudry.

   Pour les Gobelins, ce sont essentiellement les deux séries célèbres des Amours des dieux, dont certaines compositions seront reprises dans les Métamorphoses en 1767 (Apollon et Issé, 1749, musée de Tours), et la série d'Aminte (1755-56, musée de Tours et Paris, Banque de France). La tenture des Divertissements chinois (offerte en 1764 par Louis XV à l'empereur K'ien Lung ; esquisses au musée de Besançon, 1742), les dessins d'ornements pour la manufacture de Sèvres (1757-1767) et les très nombreux ensembles qu'il dut réaliser pour le théâtre et l'opéra font de lui le décorateur le plus fantaisiste du siècle. De 1742 à 1748, en effet, Boucher reprend à Servandoni la charge de l'Opéra : il réalise Issé, de Destouches (le Hameau d'Issé, 1742, musée d'Amiens), les Indes galantes, de Rameau et Fuzelier (1735), Persée, de Lulli et Quinault (1746), Atys, de Lulli (1747).

   Dès 1735, Boucher exécute en camaïeu le plafond de la chambre de la reine à Versailles (les Vertus royales, in situ). On lui confie deux tableaux pour la galerie des Petits Appartements de Versailles (Chasse au tigre, 1736, musée d'Amiens, et Chasse au crocodile, 1739, id.). Découvrant à ce moment, à côté d'Oudry, le site champêtre des environs de Beauvais, il introduit dans ces compositions la prééminence du paysage, non plus à l'italienne, mais au naturel (Scène de forêt, 1740, Louvre). Entre 1743 et 1746, il travaille pour la Bibliothèque du roi à Paris (l'Histoire, B. N.) et, à la même époque, pour Choisy et pour l'appartement du Dauphin à Versailles (Légende d'Énée, 1747, dont Vénus et Vulcain du Louvre, placé dans la chambre du roi à Marly). Mme de Pompadour joue alors un rôle particulièrement important dans la carrière de Boucher, lui obtenant le logement au Louvre en 1752, lui commandant une décoration pour la salle à manger de Fontainebleau (1748), le plafond du cabinet du Conseil (1753, en place) et des projets de tapisserie pour La Muette, et l'utilisant surtout à Bellevue (la Lumière du monde, 1750, musée de Lyon) et à Crécy (dessins des statues du parc, petites allégories anacréontiques, série des Saisons, où l'on retrouve maintes réminiscences de Watteau [les Amusements de l'hiver, 1755, New York, Frick Coll.]).

   C'est surtout un répertoire de mythologie galante et d'allégorie (hôtel de Soubise, Paris), et de fantaisie réaliste parfois teintée d'intimisme (le Déjeuner, 1739, Louvre ; la Marchande de modes, 1746, Stockholm, Nm, 1746), que Boucher met au point dès 1739 : Tessin emporte la Léda et le Triomphe de Vénus en 1740 (Stockholm, Nm) et commande ensuite les Quatre heures du jour (seul le Matin est exécuté en 1746 ; Stockholm, Nm), et le duc de Penthièvre la série d'Aminte en 1755 (Paris, Banque de France).