Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Géricault (Théodore) (suite)

Séjour en Angleterre (printemps de 1820 –décembre 1821)

Le voyage en Angleterre, en compagnie de Brunet et du lithographe Charlet, eut pour but l'exposition, couronnée de succès, du Radeau de la Méduse à l'Egyptian Hall de Londres, puis à Dublin. Géricault prend en Angleterre une conscience aiguë de l'évolution du monde contemporain, en même temps que l'objectivité nouvelle devant la nature de peintres anglais comme Constable le frappe. Les dix-huit mois environ de son séjour sont marqués par le retour à la lithographie — sur des scènes de la vie quotidienne prises sur le vif et publiées à Londres même —, au thème du sport (dessins de boxeurs, de trapézistes), et c'est une gravure de Rosenberg (1816) d'après un tableau de Pollard qui est à l'origine du Derby d'Epsom (1821, Louvre, études au Louvre et au musée de Bayonne), œuvre qui annonce Degas. Mais les études de chevaux de labour ou tirant la charrette de charbon (musée de Mannheim, et Philadelphie, Museum of Art) constituent une suite plus cohérente, remarquable par la densité de l'atmosphère, le relief des formes, plus picturales que naguère, et la mise en évidence du dernier avatar du cheval, devenu, au terme d'une rapide évolution, strictement utilitaire.

Paris (1821-1824)

La visite de Géricault à David, exilé à Bruxelles, avant son retour à Paris, n'est point certaine ; elle confirmerait l'estime en laquelle il tenait le vieux maître pour sa technique et la plasticité de son style. Les dernières œuvres parisiennes se signalent par un resserrement de l'effet de lumière, trop dispersée en Angleterre, pensait Géricault, économie dont témoigne le Four à plâtre (Louvre). Il tente de remédier aussi à ce défaut dans les lithographies éditées à des fins surtout lucratives, le peintre, menant grand train, ayant à peu près entièrement dispersé sa fortune. À côté des études dessinées sur des thèmes historiques contemporains, projets pour de vastes toiles non exécutées (Ouverture des portes de l'Inquisition, Paris, coll. part. ; la Traite des Noirs, musée de Bayonne), de quelques portraits individuels (Louise Vernet enfant, Louvre) et de scènes de tempête (Bruxelles, M. R. B. A.), il laisse comme ultime témoignage les 5 portraits d'aliénés (Gand, Winterthur, Springfield, Lyon, Louvre), exécutés à l'instigation de Georget probablement pour faciliter les démonstrations du docteur, tant ses descriptions cliniques s'appliquent aux modèles de Géricault. Cinq autres tableaux auraient existé, d'après Clément. Le Vendéen du Louvre, parfois assimilé à tort à la série des Fous, témoigne, avec ses empâtements vigoureux, d'une technique très différente. Il est d'une exécution antérieure remontant, sans doute, au début de la Seconde Restauration, quand les survivants des armées vendéennes sont venus à Paris afin de présenter à Louis XVIII leur hommage et, surtout, leurs revendications. Le réalisme scientifique dont fait preuve Géricault est tout à fait exceptionnel, et la génération suivante ne parviendra point à cette rencontre si délicate entre l'objectivité supérieure et la profondeur de l'investigation. Techniquement, ces tableaux diffèrent des précédents et font la liaison entre le métier de David et celui de Manet et de Cézanne, avec leurs fonds largement brossés et les touches claires, peu empâtées mais nettes, colorées mais en demi-teintes qui modèlent la forme (Monomane de l'envie, musée de Lyon). Mal soignée, une chute de cheval survenue à la barrière de Montmartre devait mettre fin aux jours de l'artiste. Mais les complications sont dues sans doute à une maladie vénérienne, fort redoutée à l'époque, et Géricault n'était point toujours difficile sur la qualité de ses conquêtes : " Nous deux, X., nous aimons les grosses fesses. " Les années 1823-24 furent une longue agonie. La vente de l'atelier, peu après sa mort, dispersa bien des œuvres, difficiles à retrouver et à situer dans une carrière qui couvre à peine une douzaine d'années et dont 3 tableaux seulement avaient été exposés. Celle-ci embrasse pourtant la complexité de la fin de l'Ancien Régime et de l'Empire et ouvre sur la peinture comme sur la civilisation du XIXe s. les perspectives les plus variées. Le Louvre et le musée de Rouen représentent en France l'artiste de la manière la plus homogène. Dessins et recueils d'esquisses sont conservés nombreux au Louvre, à Bayonne, à Chicago (Art Inst.), à Zurich (Kunsthaus). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste en 1991-1992 (Paris, Grand Palais ; New York, Metropolitan Museum).

Gerini (Niccolò di Pietro)

Peintre italien (documenté à Florence de 1368 à 1414/15).

Influencé par Orcagna, il participa au mouvement néo-giottesque de la fin du XIVe s., mais sa production, fort abondante, ne dépassa jamais un niveau artisanal. De 1386 date la fresque du Bigallo exécutée avec Ambrogio di Baldese (les œuvres de miséricorde) ; de l'année suivante le triptyque du Baptême du Christ (Londres, N.G.). Parmi les cycles de fresques du peintre, on peut citer ceux de la salle capitulaire de S. Francesco de Pise (1392) et ceux de la salle capitulaire de S. Francesco de Prato. On a considéré longtemps, à tort, Lorenzo di Niccolò comme son fils.

Germán y Llorente (Bernardo)
ou Bernardo Germán Llorente

Peintre espagnol (Séville 1680  – id. 1759).

Parmi les imitateurs tardifs de Murillo, il apparaît comme l'un des plus doués ; il ne se limite pas au répertoire religieux. Il devint populaire grâce à son interprétation picturale d'un thème dévot lancé au début du XVIIIe s. par un capucin, frère Isidoro de Sevilla, et qui se répandit très vite dans toute l'Espagne : celui de la " Divina Pastora ", la " Vierge bergère " avec un grand chapeau de paysanne veillant sur un troupeau de jeunes agneaux (Prado). Il peignit avec le même succès des saintes (Sainte Anne, Sainte Madeleine, musée de Séville) et des sujets religieux variés. Mais il fut aussi estimé comme portraitiste : séjournant à Séville en 1729, les souverains apprécièrent vivement son portrait de l'Infant Philippe (Barcelone, coll. part.) et voulurent, sans succès, l'attirer à la Cour. Il fut du moins l'un des premiers membres de l'Académie de S. Fernando (1756). L'aspect le plus personnel de son talent est représenté par deux natures mortes en trompe-l'œil (le Tabac et le Vin, allégories de l'odorat et du goût, Louvre) qui, par la plasticité du traitement et la disposition des objets dans l'espace, renouvellent la grande tradition espagnole.