hispano-mauresque (peinture)
Le terme d'hispano-mauresque se réfère à l'époque de l'occupation maure en Espagne sous le califat des Umayyades. Lorsqu'en 750, pour s'emparer du califat de Baghdād, les Abbāssides massacrèrent les membres de la dynastie umayyade régnante, un seul des représentants de celle-ci, Abd alRahmāṇ, parvint à leur échapper et à fuir jusqu'en Espagne, où il fonda une nouvelle dynastie umayyade dans la région qui devint la province musulmane d'Andalousie, avec Cordoue comme capitale arabe (al-Qurṭuba). En 929, l'émirat de Cordoue fut transformé en califat, rival de celui de Baghdād, et devint le centre de l'empire musulman, d'Occident jusqu'en 1492, date à laquelle le roi chrétien de Castille acheva la " Reconquista " par la prise de la dernière position arabe, Grenade. À l'heure où l'Europe se remettait à peine des invasions barbares, l'Espagne musulmane connut une civilisation brillante et une culture raffinée. Cordoue devint l'une des merveilles du monde, pouvant rivaliser avec Baghdād par ses jardins, ses mosquées, ses palais, dont le plus célèbre fut celui de Madînat al-Zahra, que fit construire en 936 Abd al-Rahmāṇ III et dont les auteurs arabes ne se sont point lassés de décrire la beauté et les splendeurs.
Dans le cadre de cette civilisation, les arts connurent une floraison merveilleuse, où les traditions syriennes, importées par les conquérants, demeurèrent vivaces. Cette fusion des traditions locales et des inspirations orientales donna naissance à une forme d'art bien caractéristique, que l'on nomme " hispano-mauresque ".
La peinture
Bien que la peinture y fût hautement considérée, probablement sous l'influence chrétienne, l'Espagne musulmane n'en a conservé que peu de spécimens, dont les peintures de l'Alhambra de Grenade, seul palais du Moyen Âge espagnol qui nous soit parvenu en bon état.
La salle de Justice
Parmi les peintures murales de l'Alhambra, celles qui ornent la salle des Rois, dite " salle de Justice ", datent du milieu du XVe s., apogée de la puissance musulmane de Grenade, et sont réparties sur les trois coupoles qui surmontent les pièces carrées communiquant avec la cour des Lions. Elles ont été exécutées au blanc d'œuf sur du cuir couvrant des panneaux de bois de peuplier de 7 cm d'épaisseur, assemblés entre eux par des clous protégés par de l'étain (qui évite la rouille et l'altération des couleurs). L'artiste a appliqué d'abord une couche de plâtre et de colle de 2 mm d'épaisseur, de couleur rougeâtre, sur le cuir, afin d'y dessiner au poinçon les personnages et le décor ; il a appliqué ensuite le cuir mouillé sur le bois, l'a tendu et fixé avec de petits clous à tête carrée. Le fond des peintures est doré et gaufré. Ces fresques représentent des scènes animées de personnages. Ainsi, sur l'une des voûtes sont figurées les amours d'un guerrier arabe et d'une chrétienne ; ceux-ci sont entourés d'astrologues, de chrétiens, de Maures, de lions, d'ours et de sangliers. Les mêmes personnages sont visibles sur une seconde voûte. Ils entourent une immense fontaine ; on y reconnaît la chrétienne tenant un lion enchaîné, des seigneurs, des pages, des cavaliers, une chasse à l'ours. Il s'agit probablement de l'illustration d'une légende, et le choix d'un tel sujet pour orner le palais du souverain est particulièrement significatif : il traduit l'interprétation des deux communautés et laisse supposer que les rapports de celles-ci furent parfois bénéfiques. Toute différente est la voûte centrale, où figurent les portraits de dix personnages avec leurs armoiries, probablement des ministres assistant à un conseil. L'influence byzantine sur ces peintures est indéniable. On note la même perspective, le même groupement des personnages, le même dessin animalier et des détails de costumes identiques à ceux de peintures byzantines tardives. Ces peintures furent probablement exécutées par des artistes de formation chrétienne qui travaillaient pour des maîtres musulmans ; d'après certains critiques, ces artistes auraient été des Italiens de l'école de Giotto.
La tour des Dames
Une tour de l'enceinte de Grenade, connue sous le nom de " tour des Dames ", abrite aussi des peintures murales extrêmement intéressantes. Si les premières peintures furent exécutées par des peintres chrétiens, celles-ci sont certainement des œuvres musulmanes. Des scènes se déroulent en frises à une échelle très réduite : réceptions princières, départs de cavaliers pour la guerre, chasse aux bêtes sauvages, convois de prisonniers. La vérité des attitudes, le réalisme animalier, la palette, composée de tons harmonieux et clairs rehaussés d'or, font de ces peintures, en dépit des attaques du temps, des œuvres charmantes qui évoquent la miniature et sont en outre de précieux documents sur les mœurs, l'armement et le costume des Andalous.
La miniature
L'art hispano-mauresque du livre ne nous est connu que par de rares documents. Trois manuscrits illustrés, d'une iconographie assez pauvre, peuvent être attribués soit à l'Espagne, soit au Maghreb. L'un, Ḥadîth Bayaḍ wa Riyaḍ (Bibl. vaticane, ms. ar. 368), est d'un coloris nettement hispano-mauresque, mais s'apparente par ses sujets et son style aux manuscrits à peinture de Syrie et d'Irāq. Citons aussi les enluminures de certains Corans, dont l'exemplaire rédigé à Valence en 1182 (Istanbul, Bibl. de l'université).
histoire (peinture d')
Selon la conception de la " hiérarchie des genres ", chère à l'enseignement académique en France du XVIIe au XIXe s., qui soumet la peinture à des catégories, classant les types de sujets à la fois selon les difficultés qu'ils comportent pour le peintre et l'intérêt qu'ils présentent pour le spectateur, la peinture d'histoire, ou " grand genre ", désigne la peinture à sujet religieux, mythologique, ou pris à l'histoire antique ou moderne. Elle est au sommet de la " hiérarchie des genres " ; elle est suivie par le portrait, puis la peinture de genre et, enfin, la nature morte et le paysage. Pour La Font de Saint-Yenne, " le peintre historien est le seul peintre de l'âme, les autres ne peignent que pour les yeux " (l'Ombre du grand Colbert [...]. Réflexions sur quelques causes de l'état présent de la peinture en France [...], 1752).